Parmi toutes les questions qui sont posées par la présidentielle, il en est une qui domine les autres : quel candidat sera capable de surmonter la fracture entre les Français ? France divisée, France brisée, France, en un mot, sarkozysée, mais France rrrrrrassemblée. Celui ou celle qui pourra tenir ces propos en mai prochain aura fait un grand pas vers la victoire. Ce pas, chers lecteurs, figurez-vous qu’il a déjà presque été fait. Par Hervé Morin.
Oui, Hervé Morin. Malgré les sondages en berne (on sait ce qu’il faut en penser), et malgré la concurrence que fait peser sur lui, le Dupont du centrisme, l’autre Dupond, Dupond-Bayrou. Le chef de file du Nouveau Centre a en effet ce week-end fait plus qu’une proposition : il a présenté une méthode. « Dans un monde nouveau, il faut des idées nouvelles, les recettes d’hier ne marcheront pas et je veux être celui qui porte des solutions nouvelles qui n’ont jamais été essayées […] Moi, je dis aux Français, il y a une troisième voie. […] Cette troisième voie a un nom, c’est la semaine des 37 heures. »
La gauche s’arqueboute sur la défense des 35H. La droite soupire après le retour des 39H. Ces gens-là ne sont pas sots : ils doivent avoir chacun un peu raison. (35+39)/2 = 37. Bingo ! On fera donc la semaine de 37H, et on déclinera le procédé pour tout le reste. La moyenne, un programme moyen pour un parti central, des demi-mesures pour un pays de classes moyennes. La méthode rejoint la forme qui rejoint le fond. Brillant.
Oh je vous vois bien avec votre air narquois derrière votre écran. Oui, il suffisait d’y penser, mais il en va de même avec toutes les idées révolutionnaires, évidentes une fois découvertes, figurez-vous. Surtout, celle-là permet de construire un programme en moins de temps qu’il n’en faut pour dire Valérie Giscard d’Estaing. Oubliées les équipes d’experts pléthoriques, il suffit de quelques stagiaires listant les propositions de la droite et de la gauche pour en calculer la moyenne. Oublié aussi le fossé entre les élites et le peuple : tout Français en capacité de faire une addition puis de diviser par deux peut comprendre un tel programme et y adhérer – soit la quasi totalité des électeurs, sauf peut-être Luc Chatel.
Avec ce qu’il convient d’appeler la méthode Morin, tout s’éclaircit, tout se réconcilie. Les fans de slip et les adeptes de caleçon, les inconditionnels de l’OM et les supporters du PSG, les pro- et les anti-Tristane Banon. Et Variae peut d’ores et déjà, en exclusivité, vous révéler les prochaines annonces spectaculaires de la Troisième Voie. La retraite à 61 ans. La 5,5ème République. La demi-journée de carence en plus pour les arrêts maladie. L’interdiction de se promener avec plus de la moitié du visage voilée en public. La demi-sortie du nucléaire (les particules ont bien une demi-vie, non ?).
Il n’y a rien, rien qui ne puisse être réglé par la Troisième Voie. La sécurité ? La gauche raffole, comme le rappelait Brice Hortefeux, des animateurs sociaux, des « grands frères inopérants en chemisette », alors que la droite ne jure que par les BAC et autres CRS aux protections en kevlar couvrant tout le bras. Le Nouveau Centre proposera la mise en place d’une nouvelle unité, les Animateurs Républicains de Sécurité, aux manches mi-longues. La réforme scolaire ? L’UMP veut imposer l’uniforme à l’école, tandis le PS conserve son soutien et son affection aux sauvageons avec leurs survêtements surdimensionnés et colorés, aux allures de pyjama. A cela Hervé Morin pourra répondre par le port obligatoire (un jour sur deux) du suitjama.
Un suitjama.
Il n’y a donc plus d’obstacle au rrrrrassemblement de tous les Français. Pas d’obstacle si ce n’est – hélas – l’opposition des chapelles, des cliques et des clans qui ont tout à perdre à travailler ensemble. D’où la violence de Jean-François Copé contre les missionnaires de la Troisième Voie. Hervé Morin parviendra-t-il malgré tout à embrasser son destin de réconciliateur national ? La suite au prochain épisode.
Romain Pigenel