Le label Ricercar procède depuis quelques mois à de splendides rééditions, notamment sur le répertoire de la musique luthérienne allemande du XVIIème siècle. Ce dernier est passionnant car il révèle comment des compositeurs allemands ont été influencés par la seconde pratique de la musique sacrée italienne, initiée par Claudio Monteverdi et prolongée par des compositeurs comme Giovanni Gabrieli ou Stefano Landi. Je ne reviendrai pas sur cette influence sur des compositeurs comme Heinrich Schütz, déjà évoquée dans la note du 6 janvier 2007 et relative au très bel enregistrement du Magnifica d'Upppsala par l'ensemble de la Chapelle Rhénane (label K617).
Je voudrais plutôt évoquer ici les enregistrements en 2 CDs fait par les ensembles Ricercar Consort et la Fenice qui se sont rassemblés pour cette occasion (un CD intialement paru en 1981 et 1994, l'autre en 1998), sous la Direction de Philippe Pierlot, avec la collaboration d'excellents d'interprètes comme Max Van Edmond (basse), Agnès Mellon (soprano), Jean Tubéry (à la direction musicale également et surtout au cornet à bouquin).
Ce petit coffret est vraiment à se procurer car les pièces sacrées qu'il contient sont magnifiques et admirablement servies par des musiciens dont la finesse d'interprétation retient tout de suite l'attention.
Dans la liste des compositeurs, Henrich Schütz figure en compagnie de contemporains allemands moins connus mais dons les compositions sont très intéressantes.
Le permier CD est intégralement consacré à Samuel Scheidt. Il comprend une série de Cantiones Sacrae à plusieurs voix. Ces concerts sacrés s'inspirent directement des concerts italiens où l'objectif est de faire dialoguer les voix, les instruments à vents et les cordes dans un mode concertant, c'est-à-dire une forme de confrontation où chaque groupe oppose à l'autre ses ornementations et une série de passages d'une certaine virtuosité. Cette rhétorique sera largement reprise dans la musique luthérienne allemande, jusqu'à Dietrich Buxtehude, avec ses concerts spirituels qui ont largement influencé JS Bach (cf. note du 29 septembre 2007).
Une des jaquettes du disque reprend d'ailleurs une gravure de l'époque montrant la répartition spatiale distincte des choeurs lorsque ces pièces étaient exécutées.
Le plus beau Concertus de ce CD est incontestablement le "Magnificat tribus choribus" à trois choeurs. Il est frappant de noter les similitudes stylistiques de cette oeuvre avec les motets italiens de la même époque. L'effet de mimétisme va jusqu'à littéralement rappeler étrangement certaines oeuvres. Par exemple , à partir du minutage 14':10", lorsque les deux ténors s'élancent on ne peut s'empêcher de penser au duo seraphim des Vêpres de la vierge de Monteverdi ! C'est quasiment une copie confirme.
La différence qu'apportent les compositeurs allemands, protestants luthériens, à ce mode concertant est une touche intimiste, où la grandeur divine subsiste mais avec une certaine proximité avec la conditions humaine. Les compositeurs italiens nous ont laissé quant à eux des oeuvres plus solaires, magnifiées où la l'élévation divine est plus théâtralisée.
Les autres Cantiones Sacrae sont également splendides que ce soit le psaume "Hodie completi sunt" avec un Alléluia final méditerranéen à souhait, l'impostant "Laudate Dominum in Sanctis" pour 6 voix et instruments ou l' "Angelus ad Pastores" pour 8 voix qui comprend une belle Symphonia.
Le second CD reprend des concerts spirituels d'Heinrich Schütz, mais aussi de cinq autres compositeurs allemands contemporains. J'ai surtout retenu, parmi des "Geistliche Konzerte" ceux de Johann Hermann Schein.
Je recommande chaudement ce coffret de deux disques.
Détail du coffret tiré du site du label Ricercar.
Extrait tiré du site du même label.
Samuel Scheidt et ses contemporains - Heinrich Schütz – Christoph Bernhardt – Johann-Rudolphe Ahle – Johann-Hermann Schein – Johann-Philippe Krieger - Prima Pars Concertuum Sacrorum - Geistliche Konzerte - Ricercar Consort - La Fenice - Label Ricercar.