Le 7 décembre dernier, Éric Cantona appelait à vider ses comptes en banque pour détruire un système qu’il jugeait perverti. Il a été aussitôt accusé d’irresponsabilité, et ses partisans ont été confrontés à un dilemme : quitter les banques, certes, mais alors, que faire de ses économies si ce n’est les planquer sous le matelas ? L’ancien footballeur n’avait visiblement pas pris connaissance du guide « Comment choisir ma banque ? » publié par l’ONG Les amis de la Terre. Celle-ci a évalué les impacts sociaux, économiques et environnementaux des plus importants établissements français. Seuls deux d’entre eux s’en sortent honorablement : le Crédit coopératif et la Nef (Nouvelle économie fraternelle). Cette dernière se refuse non seulement à placer de l’argent en bourse et à commissionner ses conseillers, mais elle pratique également la transparence. C’est ainsi la seule à rendre public chaque année l’intégralité des prêts professionnels qu’elle octroie.
Oui non oui
La Nef a donc fini par dire oui… non sans hésitation. Elle a d’abord donné son feu vert tout en demandant au Champ commun de trouver des cofinanceurs. Une exigence qui s’est avérée insurmontable. « Nous aurions peut-être pu convaincre d’autres banques en retravaillant notre business-plan de fond en comble, mais cela aurait pris beaucoup de temps« . Après des discussions et la mise en place d’un cercle de caution (1), la Nef a fini par céder et par débloquer seule un prêt de 50 000 euros. Une action mûrement réfléchie. « Nous avons vocation à financer des projets innovants. C’était la volonté des fondateurs de la Nef, des écologistes qui se sont lancés en 1988. Pour autant, nous ne soutenons que des initiatives économiquement viables« , explique Julien Lecouturier, délégué régional de la banque pour le grand Ouest.
Ce positionnement a permis à la société financière de développer une expertise reconnue dans certains secteurs, comme celui des énergies renouvelables. Un savoir-faire qu’elle met d’ailleurs au service de particuliers qui souhaitent s’équiper (2). La délégation nantaise s’est, elle, particulièrement impliquée dans le développement de la filière bio, avec le souci constant de ne soutenir que des projets éthiques dans leur ensemble : « Nous ne nous satisfaisons pas d’un label, nous nous basons sur le terrain et la rencontre humaine« . Mathieu Bossin estime cependant que la Nef peut encore s’améliorer. « Même si elle est largement au-dessus de la moyenne, elle n’est pas assez présente au niveau de l’accompagnement, et nous payons un taux d’intérêt élevé. Et puis, nous aurions aussi aimé qu’elle nous soutienne en entrant directement au capital de notre coopérative. De notre côté, nous sommes bien devenus sociétaires de la Nef pour pouvoir emprunter ! « .
Relier les épargnants et les emprunteurs
La Nef se finance donc grâce à ses parts de capital, mais aussi avec les plans d’épargne (3) souscrits par ses clients. » Ils touchent des taux d’intérêt légèrement inférieurs à ceux du marché, mais c’est un placement sûr puisque l’argent est fléché et ne part pas en bourse« , explique Julien Le Couturier. Quant aux comptes courants et aux comptes chèques, la banque n’est pas habilitée à les délivrer directement. Elle a donc conclu un partenariat avec le Crédit coopératif, ce qui lui permet de répondre aux besoins quotidiens des particuliers… tout en préservant une qualité d’écoute hors norme. « Nous avons eu des divergences, mais nous en avons toujours parlé ouvertement, à cœur ouvert. La différence fondamentale de la Nef, c’est le dialogue et la transparence« , témoigne le gérant du Champ commun.
2016 : une banque éthique européenne ?
Du côté de la Nef, le challenge est tout aussi ambitieux : continuer à croître tout en maintenant ses valeurs fondatrices. Ces dernières pourraient bien essaimer à une toute autre échelle. La Nef a en effet décidé de se grouper avec des consœurs belges, allemandes ou encore italiennes pour bâtir la première banque éthique européenne à l’horizon 2016.
(1) Avec les cercles de caution, chacun est garant pour un montant limité, et non pour la totalité de l’emprunt.
(2) Pour les prêts personnels, la Nef finance exclusivement les investissements écologiques comme l’écoconstruction.
(3) La Nef propose des plans d’épargne nourris par des prélèvements mensuels ou trimestriels sur une durée de 25 mois à 10 ans. Elle offre aussi la possibilité de faire des dépôts à terme : une somme minimale de 500 euros est alors bloquée pour une durée déterminée qui conditionne les taux d’intérêt.
Voir le Site de la Nef et celui du Champ commun
Le Guide des placements solidaires et celui des activités financées par la finance solidaire
Pour avoir des infos sur l’éthique des banques :
À l’échelle française, voir le site financeresponsable.org nourri par l’ONG Les amis de la Terre. On y trouve notamment le guide « comment choisir ma banque ? » et des détails sur le classement.
À l’échelle mondiale, banktrack.org est le site incontournable. On peut aussi consulter secretsbancaires.fr qui permet de visualiser sur une carte des exemples de projets controversés soutenus par les plus grandes banques.
La Nef : une banque alternative – Économie – Terri(s)toires.