Samedi 12 et dimanche 13 novembre 2011
Inde-Jharkhand et district de Gumla
Nous arrivons ce samedi matin à la gare de Ranchi, capitale
du Jharkhand. Sunil, un des travailleurs sociaux de l’équipe de l’association
NSVK (Naya Savera Vikas Kendra) nous attend avec un minibus à la sortie de la gare
et nous partons pour le district de Gumla à une centaine de km au sud-ouest de
Ranchi.
Dans ce district de Gumla résident 77 % de peuples tribaux
et c’est le district le plus pauvre de l’état du Jharkhand, le Jharkhand étant
quasiment l’état le plus pauvre de l’Inde…Trente-trois tribus différentes
habitent cet état, avec pour chacune une langue et des traditions différentes.
Cet état très riche en ressources minières, regorge de
charbon, bauxite, mica, argent, et les grands groupes miniers déplacent les
populations avec l’accord du gouvernement pour exercer leur industrie. Six
millions de personnes ont été déjà déplacées et trois millions sont en voie de
l’être. On sait très bien que les peuples tribaux sont les meilleurs
protecteurs de la forêt et les deux sont en grand péril. Mais on sait la
puissance de la « mafia minière » (voir le 18 novembre sur ce même
blog).
Un des problèmes importants pour que ces peuples puissent se
défendre est que seul 2 % de la population est alphabétisée et leur langue est
tribale. La solution est donc de trouver un instituteur qui puisse parler cette
langue et l’hindi pour faire le transfert des connaissances, et il doit
progressivement s’adapter à tous les niveaux de scolarité. La plupart du temps,
cela peut être un « enfant du pays » qui a réussi et revient dans son
village pour l’enseignement.
Le Jharkhand est un beau pays avec des sites touristiques
naturels, forêts, cascades, un bel artisanat tribal (soie, bambou),des tissus
brodés, des peintures traditionnelles
que nous avons pu admirer au musée des peuples tribaux dans notre centre
d’hébergement de Gumla.
Cent dix associations travaillent à l’essor de cette région.
Nous sommes accueillis à Gumla au centre de St Ignace,
comprenant de grands établissements scolaires pour garçons et filles tenus par
des Jésuites, ainsi qu’un très beau musée sur 4 étages sur les peuples tribaux
et un centre d’hébergement pour stagiaires divers dont nous faisons partie.
Puis nous partons pour Parkot où se trouve le bureau de NSVK. L’association a
été choisie par Caritas India après une demande de parrainage de la part du
gouvernement écossais et de l’association SCIAF (Scottish Catholic
International Aid Fund) pour une aide à des villages d’agriculteurs pauvres en
Inde.
NSVK a pour mission l’amélioration du bien-être des
communautés à travers une amélioration durable dans la production agricole. Le
projet dans le district de Gumla est prévu jusqu’en mars 2013.Les résultats
espérés sont de diminuer de 30 % le taux des personnes qui vivent sous le seuil
de pauvreté, que les femmes soient agents de la croissance, accèdent aux
décisions et pour le côté agricole augmenter les rendements en perfectionnement
le stockage des pluies.
Ce projet implique dix nouveaux villages par trimestre, avec
une réunion chaque mois et la planification du futur avec les dirigeants de
chaque village qui font le lien ensuite avec la population. Ce plan touche 5607
habitants, le plan est fait pour un projet de 60 000 champs dont 12 000 sont
terminés. Les fonds donnés par l’organisme écossais sont vérifiés régulièrement
et un dirigeant écossais va venir en janvier prochain.
Les techniques de production sont améliorées pour le riz,
les champs sont découpés en petits carrés et labourés à la charrue à un soc 39
fermiers utilisent déjà cette méthode et un pied de riz donne 95 bouquets au
lieu de 25 en agriculture normale.
explication sur le SRI System of Rice Intensification
La reforestation est en cours. L’aide aux
veuves se manifeste sous forme d’élevage de porcelets à engraisser.
L’amélioration de la santé fait partie du programme et les
chefs de village sont formés. Une organisation se fait au niveau du village
pour la réalisation d’un compost biologique à base de bouses de vaches, de
déchets organiques et de vers (vermi compost) ce qui élimine l’achat d’engrais,
de fertilisants, donc fait faire des économies et donne une production
biologique meilleure pour la santé.
Quarante hameaux du district seront en agriculture biologique d’ici deux
ans. Le projet est que dix villages soit 700 fermiers fabriquent du compost
biologique, 141 vont s’y mettre et ceux qui pratiquent déjà sont contents car
les rendements s’améliorent ainsi que leur santé. Il y a la possibilité d’un
marché hebdomadaire pour vendre leurs récoltes.
Les femmes commencent à prendre toute leur place dans le
village, deviennent entrepreneuses, ont une meilleure confiance en elles. Elles
ont été encouragées à ne plus fabriquer d’alcool de riz à la maison, car elles
ont compris qu’elles rendaient leur mari alcoolique, se faisaient battre et
maltraiter lorsqu’il avait bu. La santé des hommes y gagne ainsi que la
tranquillité des femmes !
Il ne faut pas croire que tout fut simple au démarrage et
que l’accord de la population se fit facilement. C’est un travail de longue
haleine mené finement par les travailleurs sociaux, qui arrivent à convaincre
d’abord une personne du village, travaillent avec elle, et en voyant les
résultats, les autres arrivent petit à petit aux réunions de village. Le
démarrage fut très difficile mais les résultats actuels sont déjà prometteurs..
Nous partons ensuite avec l’équipe des travailleurs sociaux
dans le village de Kurum.
Pour nous accueillir, chants et danses !
Couronnes et colliers de fleurs ramassées dans les champs
Réception chaleureuse des villageois avec colliers de fleurs
à profusion, couronnes de feuillages piquées d’œillets, de branchages, de
fruits, nous devenons de vrais portraits d’Archimboldo !
Marie se demande si Julie va pouvoir tenir tout ça en équilibre !
Chacun de nous les
félicitons et les remercions pour leur travail dans les champs, leur dynamisme,
leur persévérance. Les hommes construisent une politique d’amélioration des
cultures et de l’élevage et les femmes conduisent le village vers un bien-être
général. Ces villageois se veulent un modèle pour les autres villages.
Un repas
nous est offert, chapatis (galette de blé), lentilles et légumes en sauce,
repas traditionnel indien que tout le monde a dégusté avec les doigts après un
lavement des mains traditionnel. Nous avons apprécié leur générosité, leur
hospitalité, leur gentillesse, leur volonté à se construire une vie meilleure.
Et notre rôle c’est de le faire savoir afin que d’autres participent à l’aide
pour que les décideurs restent à épauler tous les travailleurs sociaux piliers
de cette réussite. Ensuite nous visitons le village, admirons leur petit jardin biologique qui est en train de pousser...
Visite du village et du jardin bio
13 novembre
Visite du village de Pithertoli et de nouveau une belle réception par les femmes du village qui
nous attendent ce matin. Des jeunes femmes en sari de mariage, pot sur la tête
viennent nous asperger pour bénir notre arrivée !
Les femmes viennent à notre rencontre
Nous partons en
procession à travers le village, Julie se fait vêtir d’un voile de mariée et
fait dire à tous qu’elle ne rentrera pas en France pour l’instant…
:)
Julie n'en revient pas de se retrouver habillée en mariée indienne !
et elle fait l'unanimité pour sa beauté et sa gentillesse !
Repas offert dans une grande pièce où chacun essaie de nous
faire prendre conscience des problèmes du village. Chacun à notre tour nous
nous présentons et leur disons comme nous apprécions leur accueil et leur
courage de se lancer dans des projets qui vont participer à l’amélioration de
leurs conditions de vie.
C’est pour eux un grand honneur de nous recevoir et nous
essayons d’être à la hauteur ! Mais c’est surtout nous qui apprenons
d’eux, sur leurs conditions de vie, de travail, leur désir de sortir de la
pauvreté, sur leur culture, et ils ont tous un don pour créer en chanson ce
qu’ils ont à nous dire.
L'assemblée dans la salle du village
A notre départ, un dromadaire et un éléphant viennent nous
dire au-revoir, l’éléphant semble enchanter de vouloir se faire serrer la
trompe !
tout le monde vient nous dire au-revoir !
Impressionnant... mais gentil !
Le village suivant où nous devions nous arrêter est en deuil,
un villageois vient de mourir et nous ne troublerons pas leur deuil. Nous
passons dans un autre village sans grand monde, les femmes se lavent à la
rivière et là aussi nous ne perturberons pas leur toilette. Sur le chemin du
retour à l’heure du soleil couchant qui dore les cultures nous nous arrêtons
pour grimper sur un rocher où se trouve une grotte avec une source qui ne tarit
jamais, un petit temple s’y trouve également pour honorer Hanuman le dieu singe
adorateur de Rama et
Sita.
Nous revenons au siège de l’association et Birendra
« le big boss » nous rejoint et nous explique que si la construction
des retenues d’eau se généralise les gens resteraient sur place. Une autre
ressource locale est l’arbre à laque. Cet arbre fabrique une sorte de résine
utilisée dans la bijouterie pour faire des bracelets ainsi qu’en cosmétique.
Cela pourrait faire un débouché non négligeable mais il n’y a aucune unité de
production et les cours étant très fluctuants, il reste une solution économique
viable à trouver.
Une autre activité est la fabrication de coupes et
d’assiettes en feuilles adroitement « cousus » par les femmes et
elles aimeraient avoir une sorte de « machine à emboutir » pour
améliorer la production.
présentation de la fabrication d'assiettes et coupes en feuilles
Défi difficile pour les travailleurs sociaux, super
efficaces, enthousiastes, car le gouvernement ne fait rien dans cet état à
cause du mouvement maoïstes, les naxalites, qui sont très présents et qui
utilisent la violence contre les représentants de l’état et de l’ordre.
Deux journées intenses, vibrantes d’émotions, de gentillesse et de
générosité, où nous sommes un peu confus de nous sentir considérés comme de
« riches » occidentaux, que nous sommes bien sûr, face à une telle
pauvreté ici. Tous s’imaginent un peu que nous avons la possibilité d’accéder
aux hautes sphères politiciennes pour leur venir en aide, mais sûr, nous ferons
tout ce que nous pourrons pour faire connaître leurs conditions.
Merci à Hélène pour son importante contribution à ce compte-rendu.