A présent située dans un ancien relais de poste, place Carriat, à Bourg-en-Bresse, la librairie Montbarbon résiste fièrement aux aléas des modes, du temps, et surtout, de la concurrence impitoyable des grandes surfaces à vocation dite culturelle.
Photo, G Serrière: Philippe Montbarbon devant le rayon des romans policiers
C'est une magnifique librairie qui déploie ses bibliothèques à travers deux étages. On peut y flâner tranquillement sans être dérangés, y découvrir un ouvrage inattendu, trouver bien sûr celui qu'on cherche, ou se faire conseiller par les libraires. On peut même s'arrêter un instant aux petites tables disposées sur le palier à mi-hauteur de l'escalier, en profitant de l'aubaine pour se laisser entraîner, comme en un conte de Lewis Caroll, de l'autre côté du miroir, placé là, comme par hasard. Mais est-ce vraiment un hasard?
Les librairies comme celle-ci sont en effet des havres où l'esprit souffle. Qu'y a-t-il donc derrière ce grand miroir? Le reflet des livres bien entendu, mais peut-être également l'empreinte à l'encre sympathique des mots échappés de pages trop noircies? Ou l'esprit vagabond d'un auteur disparu? Ou encore l'ombre des voyageurs d'hier qui animaient ce lieu insolite: Les chevaux, en bas, qu'on étrillait pour reprendre la course du lendemain. Les voyageurs, eux, tout en haut, sous le toit en verrière qui existe toujours, éclairant les portes de ce qui fut autrefois les chambres du relais de poste.
Esprit du lieu. Esprits sans nul doute, aussi, de ceux qui fondèrent la librairie venant de s'y réfugier, trop à l'étroit qu'elle était, dans son espace au coeur du quartier piéton. Il fallait oser. Les cousins, Didier et Philippe Montbarbon, justement, ont osé. Pour que la clientèle se trouve à l'aise et continue à venir chercher le livre qui l'intéresse, nécessité était de s'agrandir en quittant son emplacement devenu trop exigu. Par ailleurs, au-delà du cercle du centre ville, deux grandes surfaces offraient leurs services aux parcours obligés, à la manière d'Ikea. Le public se laisserait-il entraîner ou suivrait-il le projet de délocalisation de sa librairie de proximité, hors du quartier piéton?
Eh bien le public a suivi. Envoûté par l'esprit du lieu. L'accueil du personnel est exceptionnel. Le pari de Philippe et Didier semble gagné.
Il faut dire que pour les habitants de Bourg, il ne saurait être question de quitter sur un caprice, cinq générations de libraires! Car le magasin existe depuis 1864. Jean-Marie Montbarbon, l'ancêtre de Philippe et de Didier, a reçu son "Brevet de libraire", signé de la main de l'Empereur Napoléon III, le 9 mai 1864! Précieusement conservé par les libraires actuels, le document ancre l'établissement dans les profondeurs d'une longue aventure.
Ainsi la libraire Montbarbon résiste. C'est ce qui la caractérise. Il faut dire qu'elle appartient au patrimoine individuel des autochtones. Chacun se l'approprie. Je vais chez "mon" Barbon, tu vas chez "ton" Barbon...Et les livres, chez ces Montbarbon-là, sont loin d'avoir dit leur dernier mot!