Il est toujours intéressant d’effectuer un rapprochement entre la vie et l’œuvre d’un écrivain, et quand cet écrivain est le champion de « l’esthétique de l’impersonnalité dans le roman » et s’appelle Gustave Flaubert, c’est encore plus intéressant.
Flaubert m’amuse beaucoup, au même degré que Victor Hugo, et puis j’honore en lui ce goût du travail, de la ciselure qui occupe tellement à mon sens le travail de l’écriture. Flaubert est un galérien, un « redresseur des torts » de la métaphore et de l’Idéal et il n’est qu’à voir la distance qui sépare l’un de ses écrits de jeunesse, « Novembre » de Mme Bovary pour le comprendre.
Lorsqu’il a lu à ses amis et complices littéraires ses premiers écrits, Flaubert a dû se faire à l’idée que la littérature romantique avait bien vécu et qu’il fallait, pour percer, écrire autrement... Chasser l’exaltation, bousculer l’Idéal, tordre le lyrisme, en un mot, étouffer Emma. En ce sens on comprend la phrase souvent citée : « Mme Bovary, c’est moi ! ». « Quel lourd aviron qu’une plume » gémit l’écrivain.
Flaubert n’a cessé de se battre avec ses aspirations romantiques et de s’escrimer à pointer la phrase parfaite, comme on pointe un papillon dans une collection. Alors que la majorité des écrivains de son époque exaltaient le moi dans la littérature, lui cherchait à se faire oublier dans le filet du texte... Après lecture de l’excellent ouvrage que lui consacre Henri Troyat, je réserve la série d’articles à venir à quelques échos de la biographie de l’auteur que le lecteur perspicace trouve néanmoins dans son œuvre.