Nos législateurs se proposent d’exiger des aspirants à la citoyenneté française une certaine maîtrise de notre langue. Il me semble que ceux qui font profession de nous informer, les journalistes, tout comme ceux qui nous administrent, les politiques, feraient bien de retourner à l’école ou bien de réapprendre, ou peut-être même d’apprendre, à se servir d’un dictionnaire. A moins que, plutôt que victimes d’une ignorance, ils ne cherchent en fait à nous aveugler.
Je suis régulièrement agacé lorsque quelque journaliste, qui gagnerait parfois à être nommé lecteur de dépêches, nous déclare que tel ou tel « n’a pas souhaité répondre ». La vérité toute nue est simplement que tel ou tel a refusé de répondre. A quoi sert donc cette précaution oratoire sinon à dissimuler le fait que le questionneur n’a pas tenté de vaincre cette réluctance, ne serait-ce qu’en indiquant à son interlocuteur trop discret qu’il ferait évidemment état de son refus.
Grâce au site Owni, je viens de découvrir un nouvel emploi du verbe souhaiter. Si vous vous y reportez, vous constaterez que notre président a ordonné que, lors des cérémonies du 11 novembre, les maires lisent le discours qu’il prononcerait le prochain vendredi devant la tombe du Soldat inconnu. Ainsi, le préfet du Rhône, Jean-François Carenco a adressé aux maires de son département une lettre où l’on peut lire ceci : « J'ai l'honneur de vous faire parvenir, sous ce pli, le message du Président de la République, qui devra être lu lors de la cérémonie commémorative du 11 novembre, que vous organiserez dans voire commune. Le Président de la République a souhaité que les cérémonies du 11 novembre 2011 soient l'occasion de rendre un hommage national à l'ensemble des Morts pour la France, de la Grande Guerre à aujourd'hui ».
Visiblement, ce haut fonctionnaire n’a pas saisi la signification du verbe souhaiter. Souhaiter, c’est formuler un vœu, exprimer un espoir. Ce verbe est du domaine de l’inaccompli, de l’incertain, parfois même de l’irréalisable. Il ne peut accompagner le verbe devoir qui implique une obligation. Àforce de confondre promesses et réalisations, résultats d’une politique appliquée depuis des années et conséquences supposées d’un autre politique pas même encore esquissée, nos gouvernants ont perdu le sens des mots.
En réalité, Nicolas Sarkozy ordonne aux maires de lire la prose de ses nègres (littéraires, bien sûr !). N’abuse-t-il pas ainsi de ses pouvoirs ? Et, seconde interrogation, comment se fait-il que son injonction n’ait pas suscité davantage d’émotion chez les maires et que les médias ne s’en soient guère fait l’écho, préférant gloser sur l’accord entre socialistes et verts ou continuant à révéler avec gourmandise de nouvelles frasques d’un homme désormais bien à terre ?