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Les pseudonymes, une histoire intime.

Publié le 20 novembre 2011 par Paule @patty0green
Pseudonyme déf. : Nom d’emprunt que s’est donné quelqu'un pour dissimuler ou cacher son identité.
Remix :
Pseudonyme déf. : Nom d’emprunt que s’est donné quelqu'un pour révéler ou explorer ses potentiels identitaires.

Le pseudonyme n'est pas une mode
Loin de moi la prétention, ni l'envie de faire l'histoire du pseudonyme ou de l'avatar en arts visuels ou en littérature pour en défendre la pertinence. Cette histoire est aussi riche que complexe, aussi ancienne que récente, c'est-à-dire, liée aux technologies numériques (ou à la culture affro-américaine/hip hop, comme l'affirme DJ Spooky), comme l'ont démontré les communications présentées lors d'une conférence à Stanford University à laquelle j'ai participé il y a quelques années.
Ce qui est drôle à propos du pseudonyme, c'est que lorsqu'on y réfléchit un peu, on réalise qu'on possède presque tous une histoire intime à propos de celui-ci. Son origine est multiple et la question de sa pertinence est impertinente : le pseudonyme est un phénomène anthropologique, il se manifeste chez tous les êtres humains à qui l'on a attribué un nom derrière lequel se
dissimule/révèle une identité, mais surtout des potentiels identitaires. Le nom ne sert-il pas d'entrée de jeu à dissimuler/révéler quelque chose?
Une histoire intime
Dans ma vie intra-utérine, je m'appelais Lucianne. Je suis née Paule, mais mes parents n'ont pas pu se défaire de ce premier nom qui figure, encore à ce jour, sur mon passeport. Ma mère s'appelle Lucie. En tant que Lucianne, je suis un peu elle.
Mes parents m'ont finalement appelée Paule parce que l'un des meilleurs amis de mon père, à l'époque, s'appelait Paul. Il était né, tout comme moi, un 19 juin. J'étais donc un peu Paul. Lorsque en sixième année de primaire, j'ai appris que ma chanteuse préférée Paula Abdul était née la même date, il y avait alors là pour moi une corrélation nécessaire. Les Paule, Paula, Paul étaient nés le 19 juin. Nous étions tous un peu la même personne.
Je venais à peine de naître et je (Lucianne, Paule, Paul...etc.) dormais dans ma petite bassinnette. Ma grande soeur avec qui j'ai un an moins trois jours de différence et qui commençait alors à dire quelques mots, cherchait à me toucher à travers les barreaux. "Attention, elle est toute petite", lui répétait toujours mon père. "Touti, Touti". Ma soeur m'avait donné un nom qui, comme les mèmes sur Internet a rapidement révélé son caractère viral pour mon entourage! Tout le monde m'apellait Touti ou improvisait des dérivés de ce nom : Toots, Tutti Fruiti. Aujourd'hui, le nom est resté pour quelques amis d'enfance, mon père, ma soeur et mon chum l'a adopté. Avec eux, je suis Touti.
Chez mon père, nous avions toujours toutes les dernières consoles de jeux vidéos. J'ai été toute la panoplie de personnages de jeux vidéo, j'avais évidemment des préférences, un plaisir marqué à incarner certains d'entre eux, sans parler de ceux de la télévision interactive de Vidéotron! Ces personnages ont tous un peu forgé mon identité à certains moments de ma vie. Un seul nom est resté : PacMan. Mon père m'appelait ainsi, car je dévalisais le réfrigérateur. Je suis encore reconnue pour mon très très bon appétit. Je suis un peu PacMan.
Puis l'époque des camps de vacances est arrivée. Lorsque j'entrais au camp de vacances, je devais laisser Paule, Touti, Lucianne, PacMan (etc.) à la maison pour devenir "merise", par exemple. Jeune adulte, je travaillais dans une base de plein air où l'on me surnommait Bout d'choux car j'étais la plus jeune dans la cuisine. L'année suivante, je suis devenue la bar tender de la place et on m'appelait toujours ainsi, par habitude. Être bout d'choux, dans la cuisine, c'était cute. Être bout d'choux, en arrière du bar dans un week-end célibataire, c'était carrément problématique.
Lorsque j'ai découvert Second Life, j'ai publiquement révélé Touti. C'était à la même époque où je suivais des cours de musique électronique à l'UdeM. Touti Maktoum était une historienne de l'art qui explorait le monde virtuel, qui échangeait sur la plateforme Odyssey, Contemporary Arts and Performances et qui faisait de la musique électronique (j'ai retiré le profil
Myspace en question). Paule allait à l'UQAM pendant que Touti allait à l'UdeM faire de la musique électronique et se baladait sur Second Life.
Comme bien des gens, j'ai joyeusement emprunté l'identité de Mouchette et de David Still, les avatars créés par l'artiste de net art Martine Neddam. Il fallait bien que je devienne un peu ces personnages afin de les étudier dans le cadre de ma thèse. Ensuite, Touti Maktoum a infiltré la plateforme de Neddam, virtualperson.net. Mes avatars ont tous été, par la suite, influencés par le travail de cette artiste.
J'ai ensuite incarné Marie-Christine Levasseur, directrice d'une chaire de recherche intitulée
Supports livresques et technologies. Il y avait un site et des envois de courriels à l'appui (que j'ai retirés). Marie-Christine était avant tout un poisson d'avril gentil et créatif à l'intention de mes collègues et dont l'identité (celle de Paule) fut dévoilée lors d'un colloque puisque les deux (Paule et Marie-Christine) y étaient invitée. Les traces de cette avatar en ligne sont toutes disparues sauf ce petit résumé. Durant la période d'incarnation secrète de l'avatar, j'étais Marie-Christine Levasseur de l'université de Trois-Rivières. La chose a pris une ampleur inattendue et, bien plus que mes collègues, JE me suis fait prendre par Marie-Christine Levasseur!!!
Il m'est arrivée souvent (et il m'arrive encore souvent) de me présenter à de nouvelles personnes, surtout durant des partys et que l'on entende "Maude" au lieu de Paule. Paule est un nom peu commun et il semble que l'on cherche rapidement la familiarité. Je laisse parfois les gens m'appeler Maude, car ça ne me dérange pas.
-Ah, c'est Paule ton nom? Pourquoi ne me l'as-tu pas dit, je t'ai appelé Maude toute la soirée.
-Ah, Maude, c'est correct aussi.
-Ben là, je veux t'appeler par ton vrai nom!
Pour moi, ça ne me dérangeait pas, car avec le temps, dans les partys, je m'étais mise à être Maude.
Lorsque je suis revenue des États-Unis où l'on m'appelait systématiquement Paula, Pauli, Paul ("is this a woman's name?" "yes yes, it is, you have to pronounce "Pôôôle"), je me suis créée un nouveau personnage que j'explore encore aujourd'hui.
Patty O'Green parle le franglais, fait des gifs animés, jouent avec ses prismacolors (les couleurs html), remixe sa vie et celles des autres et est une urbaine qui veut désespérément virer country. Elle porte le nom d'une poupée que j'adorais lorsque j'étais petite, mais c'est aussi un nom country et anglophone, aux raisonnances irlandaises, comme le nom de mon copain.
Je partage mon compte twitter avec Patty O'Green, car j'ai entièrement adopté cette extension identitaire et pour de bon! D'ailleurs, c'est Patty O'Green et non Paule Mackrous qui a été finaliste pour le défi de twittérature de la Zone d'écriture de Radio-Canada cette semaine!
Le pseudonyme est vital
J'en oublie sans doute beaucoup, comment ne pas en oublier? Les pseudonymes se créent en un éclair pour le besoin du moment et disparaissent parfois aussi rapidement. Chez certaines personnes, ils ne demeurent que dans leur imagination, encore à des stades inexplorés, mais ils sont bien là et ils sont vitaux! Ils forgent un aspect de l'identité qui persiste ou qui s'éteint de lui-même. Il s'agit-là d'un processus sain et inévitable. On ne crée pas plus un personnage qu'il ne nous crée.
Je réalise que, mise à part le poisson d'avril créé à mon boulot, je n'utilise jamais un pseudonyme pour cacher mon identité. Au contraire, j'utilise le pseudonyme pour révéler davantage, ouvrir cette identité : sauter dans le vide!
Dans certains cas, plus que d'autres, le Web m'aura permis d'en exploiter la pleine potentialité.
Le pseudonyme, comme amorce d'un avatar, est aussi une manière de ne pas m'attacher à une seule voix, car celle-ci devient trop rapidement autoritaire, univoque, avare. On a tous cette petite tendance contre-créative à nous cantonner dans une manière d'être, cette vilaine habitude de vouloir être cohérent (!)...
Je me dis souvent que si "Paule ne peut pas faire ceci, Patty O'Green par exemple, peut bien le faire, elle!" Et si Patty O'Green ne peut pas le faire, je trouverai quelqu'un d'autre!
Les pseudonymes (avatars) sont pour moi des forces positives à toutes les niveaux : théorique, créatif, ludique, croissance personnelle (pourquoi pas?). Et ils doivent le rester! C'est l'unique loi qui figure dans mon manuel d'utilisation du pseudonyme. Une loi bien personnelle, évidemment.
Le pseudonyme est parfois un état d'esprit
Depuis peu, ceux qui me côtoient par courriels auront remarqué que je signe parfois "Paulette". J'écris ce nom dans des situations bien particulières, enfin, lorsque je suis dans un état d'esprit particulier. Je suis en train de devenir un peu Paulette, une pseudomusicienne qui fait de l'antifolk ésotérique.
À suivre donc...
Paulette ;)

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