J’avais relevé l’information alors que je travaillai sur le projet du gouvernement d'augmenter la TVA en créant un nouveau taux ( Le Monde 26 oct. 2011) mais faute de temps, fatigue et divers problèmes informatiques, je n’avais pu terminer l’article consacré notamment à cette géniale trouvaille de Louis Giscard d’Estaing qui doit avoir dans ses gènes hérité de «l’art de plumer l’oie sans qu’elle criaille» selon Colbert : assujettir «les produits alimentaires transformés» au nouveau taux de 7 %.
Mais vous pensez bien qu’il dormait bien au chaud dans mes fichiers… Il m’arrive très souvent de préparer des articles que je ne publie pas pour diverses raisons mais dont je me sers par la suite à l’occasion pour en extraire la substantifique moelle. Comment n’y aurais-je pas pensé en travaillant hier sur le « cas Frédéric Lefebvre » et son subtil distinguo entre les sandwiches ?
Les choses seraient nettement plus simples - mais ni vu ni connu, j’t’embrouille - si la liste exacte des « produits de première nécessité » (taxés à 5,5 %) était connue. Mais comme je le fis remarquer tout dernièrement La TVA à « taux réduit » : cul par-dessus tête (20 nov. 2011) c’est au moins aussi « secret défense » que les plans du Rafale de Serge Dassault - lequel vient au demeurant de se faire rétoquer une fois de plus dans les Émirats : trop cher !
Or donc, si nous n’avons déjà pas accès à la liste exhaustive des produits de première nécessité assujettis à la TVA à 5,5 % (avec toutes les aberrations de première bourre que je dénonçai) qu’en sera-ce des « produits alimentaires transformés » ! Et ce d’autant plus qu’à part les fruits et légumes que j’achète plus volontiers sur le marché de Montmorency aux maraîchers que je connais depuis belle heurette et naguère, les œufs, volailles et lapins du paysan qui venait directement de sa ferme, ou les sublimes huîtres et moules en arrivage direct de Vendée (bien moins chères qu'ailleurs) la plupart des produits alimentaires vendus dans le commerce ont subi au moins une transformation avant de nous être proposés.
Quand bien même l’heure ne serait point du tout à la rigolade en songeant à quelle sauce ces prédateurs de haut vol envisagent de nous plumer. A sec, de préférence ! Aie ! Aie ! Ouille ! Ouille ! Je ne peux m’empêcher d’envisager la question avec un brin d’ironie vacharde. C’est le seul luxe - gratuit - qui nous reste.
Or donc, s’il faut être logique les « produits transformés » avant d’être proposés aux chalands représentent la quasi-totalité de ce que nous bouffons quand bien même éviterions-nous le pire - chargé d’une quantité astronomique de produits chimiques par l’agro-alimentaire. Personne ne pourra me contredire sur ce point.
A ma connaissance, un simple paquet de coquillettes, c’est bien un produit transformé, non ? De la farine, de l’eau, du sel, des œufs (pour celles que je préfère). Que celui qui par extraordinaire aurait vu pousser des spaghettis dans les champs me le signale. Idem la semoule du couscous, sans même parler du pain. Vous y ajoutez les légumes en conserve ou surgelés tout simples, les yaourts naturels, j’en passe et des meilleures… La main de l'homme y a bien quelque part.
Et la viande ? Et le lait, et la crème, les fromages, le beurre… Ne sont-ce pas des produits transformés ? Je ne sais si vous avez déjà vu une côtelette de porc, un gigot ou de la macreuse pour le pot-au-feu, un pot de crème, un camembert, du comté ou un reblochon s’ébattre dans les champs… J’ai beau être une amoureuse inconditionnelle de la campagne où j’ai traîné mes guêtres plus que souventes fois : jamais !
Même à Selles-sur-Cher où dans la rue derrière celle de la Porte Grosset où ma sœur habita un certain temps. Elle y avait son jardin et un garage : tous les soirs une femme déjà bien âgée menait son troupeau de chèvres qu’elle rentrait des terrains communaux sur les rives du Cher. Seules traces de leur passage : les petites crottes noires ! Celles-là même qu’enfants mêlés aux petits Solognots pendant les vacances nous faisions manger aux petits Parigots - « têtes de veau » ! En leur faisant croire que d’était du zan. Mais à l’horizon, aucun des succulents « Selles-sur-Cher » !
Il m’est en revanche arrivé souventes fois de devoir ralentir sur la petite route rejoignant par un raccourci Le Luain, écart de Chambourg-sur-Indre, depuis une des pyramides de la forêt de Loches pour éviter d’écraser les poules s’y ébattant en toute liberté… Vous pouvez être certains que les paysans me les eussent fait payer au prix où ils les vendent sur les marchés. Vider un poulet, ça je sais le faire depuis belle heurette mais les plumer, si je l’ai vu faire souventes fois, je ne l’ai jamais expérimenté. Il y faut un sacré coup de main que je n’ai pas. Mais c’est comme tout, cela s’apprend. J’ai bien appris à faucher.
Ça va chier grave pour nous !
Même bouffer le plus simplement possible en cherchant les produits les moins chers va devenir un luxe. Nous laisser crever la gueule ouverte, voilà leur projet. Qu’ont-ils à secouer des «salauds de pauvres», des «Mange-pas-cher» de Thomas Bernhard ?
(à suivre)