Au 3° trimestre de l'année scolaire 1954, un peu avant le bac, les terminales furent réunies pour entendre un émissaire de l'inspecteur d'Académie. En quelques mots , il nous expliqua qu'on pourrait avoir un travail dans l'enseignement à condition d'aller dans les départements fortement déficitaires en enseignants. Il suffisait d'obtenir le bac , la formation viendrait par la suite.. Il énuméra les départements déficitaires; j'en retins deux : la Seine et Marne et la Loire.
A mes parents j'explique que je ferai ma demande pour la Loire (le département le plus proche du Var) lorsque j'aurai le bac. Pour moi ça ne faisait aucun doute. Mes parents essayèrent de me dissuader en arguant qu'à Draguignan il y aurait du travail aux Impôts ou à la Poste (ce qui était vrai), mais ma décision était prise, je partirai.Je n'avais pas les moyens d'aller à Aix à la fac. Mes parents acceptèrent.
Pour les jeunes qui me liraient , je dois dire que pour l'emploi c'était une époque formidable. Du travail , tout le monde en trouvait , diplômé ou pas. A Ampus , tous ceux de mon âge ont trouvé du travail et même sans partir bien loin. Epoque complètement différente de la nôtre aujourd'hui où des jeunes ayant Bac+6 ne trouvent pas d'emploi, où un ingénieur reste en CDD malgré ses compétences , au lieu d'un CDI mérité, où les ouvriers voient leurs usines fermer les unes après les autres,où des personnes ont une contravention si elles ont pris dans les poubelles de quoi se nourrir , etc...La période de facilité fut appelée "Les trente glorieuses".
"Les Trente Glorieuses font référence à la période de forte croissance économique qu’a connue entre 1945 et 1973 la grande majorité des pays développés . L'expression a été créée par Jean Fourastié en 1979 en rappel des Trois Glorieuses, journées révolutionnaires des 27, 28 et 29 juillet 1830 qui avaient fait chuter Charles X.
Les Trente Glorieuses furent une révolution, certes plus silencieuse, mais porteuse en réalité de changements économiques et sociaux majeurs, qui ont marqué le passage de l'Europe, quarante années après les États-Unis, à la société de consommation." Wikipedia
Video Les trente glorieuses à travers quelques nouveautés...
Délaissons les "30 glorieuses" pour le département de la Loire - 42
Le Musée de la mine de Saint-Étienne est un musée français créé en 1991 sur le territoire de la ville de Saint-Étienne (Loire - Rhône-Alpes), sous les deux crassiers qui dominent le sud-ouest de Saint-Étienne dans l'ancien quartier du Clapier .
Un jour d'octobre 1954 je découvris le département de la Loire où j'allais rester près de 40 ans. J'y fus heureuse et mon travail me passionna. Après six années de différents postes et de formation à la fac de Lyon , j'eus un poste fixe de professeur à Roche-la-Molière, petite ville où la mine vivait ses derniers moments. J'eus des élèves enfants de mineurs , dont certains étaient d'origine polonaise et qui habitaient un cité réservée aux mineurs. La municipalité avait transformé le vieux château en collège. Pendant quelques années, j'enseignai dans ce lieu historique avant qu'un collège flambant neuf ne fût construit , plus pratique mais moins romantique.
"Le château, complet et admirablement préservé, est entièrement restauré. Il est nommé dans l'acte de partage Forez-Lyonnais de 1173. Les Lavieu en sont les premiers propriétaires connus.En 1772, le négociant Jacques Neyron acquiert le domaine, et y fait réaliser d'importants travaux (surtout intérieurs: salons).La ville le récupère en 1951 pour en faire, sur une période très brève, un collège, avant de passer dans le giron de la société d'histoire locale. L'ensemble, aujourd'hui espace culturel (expositions), est constitué d'un vaste parc jalonné de sentiers de promenade, jeux pour enfants et, au fond dans la partie nord: les voûtes, témoin du passé." Wikipedia
Ci-dessous le château-collège et une de mes classes - 1964
Mon mariage eut lieu à Ampus en 1956 avant de rejoindre la Loire où René et moi enseignions. Au début de mon récit , j'ai parlé de la guerre de 1939/45, il me faut maintenant évoquer une autre période pénible de notre Histoire : la Guerre d'Algérie. Continuant ses études , mon mari était sursitaire , mais il dut partir en Algérie où tous les Appelés étaient envoyés faire une guerre qu'ils n'avaient pas choisie. Parti à l'automne 1959, il ne revint qu'en janvier 1962, à la fin de la guerre.Tous faisaient leur service durant une très longue période : durée du service (18 mois... 24 mois... 27 mois... 30 mois selon les circonstances - j'ai un ami qui a fait 32 mois!)
"La guerre d’Algérie est un conflit qui se déroule de 1954 à 1962, principalement sur le territoire des départements français d'Algérie, avec également des répercussions en France métropolitaine. Elle oppose l'État français aux indépendantistes algériens, principalement réunis sous la bannière du Front de libération nationale (FLN)".Wikipedia
Au total, on estime à près de 2 millions le nombre des soldats métropolitains qui servirent en Algérie de 1954 à 1962. Les appelés et rappelés en constituèrent la grande majorité (particulièrement dans l’armée de terre) .
Pendant que les jeunes appelés étaient en Algérie et risquaient leur vie , la vie des autres continuait et la société de consommation se déployait. Pour bien montrer la facilité pour emprunter, nous avions acheté un appartement en construction, cours Fauriel à Saint-Etienne, quartier résidentiel, alors que nous n'avions même pas 25 ans et que planait sur nous le départ en Algérie ! J'ai emménagé toute seule dans un vaste logement, non loin de la célèbre manufacture Manufrance, appartement que nous avons revendu pour aller s'installer à la campagne en 1972 lorsque Catherine et Nicolas sont arrivés dans notre foyer . 1968-ce fut une année marquante : Mai 1968 mouvement revendicatif, nous fîmes un mois de grève pendant laquelle nous refaisions le monde lors de réunions interminables - 20 juin arrivée de Cathy et 20 novembre 1971 arrivée de Nicolas. En 1972 nous nous sommes installés dans une maison à Saint-Victor , proche du barrage de Grangent, autre quartier résidentiel de Saint-Etienne. La vie n'était pas difficile comme maintenant pour la jeunesse. J'ai raconté cela pour bien montrer la différence entre les deux époques !
"1968, sous l’impulsion des étudiants parisiens, la France s’agite soudainement pendant un mois. Lassés d’une société autoritaire et paternaliste, les jeunes dénoncent pêle-mêle le capitalisme, l’austérité morale gaulliste, les arrestations de leurs camarades, tout en prônant la libération sexuelle, plus de droits pour la femme, le tout avec parfois le Petit Livre rouge à la main. D’abord désemparés par ces « gauchistes » qui couvrent les murs parisiens de slogans libertaires, travailleurs et syndicats prennent le relais en moins de quinze jours. La France est paralysée et le régime menacé. Le pays connaît en quelque sorte son dernier épisode insurrectionnel".(L'Internaute)
Les enfants grandirent , firent leurs études. Nos voisins étaient devenus nos amis, des collègues de travail l'étaient devenus aussi. Bref, tout allait bien jusqu'à ce qu'un accident de santé de René nous fasse changer d'avis...Les soucis entrèrent dans la famille de toutes parts et pour longtemps.
La suite demain, si vous le voulez bien. Episode 2 sur 3