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La droite s'apprête à remporter une victoire écrasante lors des législatives de dimanche en Espagne, portée par la colère des électeurs face à une crise qui laisse dans son sillage près de cinq millions de chômeurs.
Le chef du Parti populaire, Mariano Rajoy, 56 ans, devrait malgré son manque de charisme diriger le prochain gouvernement, profitant du vote-sanction infligé aux socialistes, au pouvoir depuis 2004, dernières victimes en date d'une crise de la dette qui a déjà balayé les gouvernements grec et italien.
La campagne, sans suspense, n'a laissé aucune chance au candidat socialiste Alfredo Perez Rubalcaba, 60 ans, ancien ministre de l'Intérieur du gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero.
Les derniers sondages prédisent pour la droite une majorité absolue d'une ampleur historique au Parlement, dont les deux chambres (350 députés et 208 sénateurs) sont renouvelées dimanche par 36 millions d'électeurs.
Mécontents d'un gouvernement qui leur a imposé de lourdes mesures de rigueur, les Espagnols ne devraient pourtant pas échapper à court terme à une nouvelle cure d'austérité, la droite ayant promis des coupes budgétaires afin de redresser les comptes publics.
Sous très forte pression des marchés, alors que l'Espagne a dû concéder cette semaine des taux records pour se financer, Mariano Rajoy va devoir agir vite pour rassurer. Au risque d'attiser la grogne sociale qui a pris corps ces derniers mois.
«Si les marchés perçoivent que le nouveau gouvernement ne va pas agir avec la détermination nécessaire, ils augmenteront encore la prime de risque espagnole», indice de la méfiance des investisseurs, commentait Daniel Pingarron, de la maison de courtage IG Markets.
Les premières réformes, dont les grandes lignes devraient être annoncées dans les jours à venir, ne seraient toutefois mises en place qu'une fois installées les deux chambres du Parlement le 13 décembre, puis investi le chef du gouvernement, à partir du 20.
«La veille du changement», annonçait samedi le journal de droite ABC. «La campagne s'achève dans une Espagne aux abois», titrait El Pais, de centre-gauche.
Arrivés au pouvoir en plein miracle économique, alors que la croissance espagnole était portée par le boom de l'immobilier, les socialistes n'auront pas résisté à la crise financière mondiale qui a éclaté à l'automne 2008.
Depuis mai 2010, les Espagnols sont soumis à une politique d'austérité - baisse de 5% du salaire des fonctionnaires, gel des retraites ou recul de l'âge de la retraite de 65 à 67 ans - qui a fait plonger la confiance envers le gouvernement, finalement contraint à avancer de quatre mois les élections.
À ce régime de rigueur se sont ajoutées cette année les coupes budgétaires décidées dans plusieurs régions autonomes gouvernées par la droite, dont Madrid et la Catalogne, où enseignants, médecins et infirmières restent très mobilisés.
Le mouvement des «indignés», né au printemps d'un élan populaire inédit en Espagne, en réaction à la crise, s'est mis en sourdine mais perdure par exemple en luttant contre les expulsions de propriétaires surendettés.
Quelques centaines «d'indignés» se sont rassemblés vendredi soir à Barcelone et Madrid, à quelques heures de la traditionnelle «journée de réflexion» qui précède les élections.
Le mécontentement est bien là, à l'heure où la pauvreté gagne du terrain, où de nombreux Espagnols se préoccupent avant tout de savoir comment ils termineront le mois.
«Avec la politique à venir du Parti populaire, nous pouvons prévoir une augmentation des manifestations, qu'elles soient d'origine "indignées", syndicales ou corporatistes. Il y aura des mobilisations très fortes, qu'elles soient ou non sous l'étiquette "indignés"», estime Antonio Alaminos, professeur de sociologie à l'université d'Alicante.
Dans ce climat morose, beaucoup d'électeurs semblaient plus désabusés que convaincus, d'autant que l'horizon reste très sombre avec un chômage de 21,52% (45,8% chez les jeunes) et la menace d'un retour à la récession.
«La situation est grave, inquiétante, pour tous les Espagnols, les gens normaux, les étudiants, les travailleurs, tout le monde le vit très mal», résume Federico Cres, un Madrilène de 43 ans employé chez Iberia.
Source : Cyberpresse
Union Révolution Citoyenne