Si l'album de Ludovic Navarre "Tourist" avait en son temps connu un très gros succès et permis l'essor à l'international de ce qui deviendra vite le son de la "french touch" version nu-jazz, "SOEL", paru 3 ans plus tard, à la notoriété bien plus relative, n'aura quant à lui pas reçu le même engouement commercial. Il faut dire que le projet reprend plus ou moins le même processus de fabrication que pour "Tourist". Exception faite de son appellation, dur en effet d'y voir autre chose qu'un nouvel album de St Germain. Astuce commerciale de circonstance, le nom du producteur s'affiche bien en évidence sur le boitier du cd, juste à côté du "logo" SOEL dont la typographie reprend une carte du continent africain. De prime abord (en tout cas pour moi), impossible de deviner que le terme de SOEL puisse être en réalité le nom de scène du trompettiste franco-guinéen Pascal Ohsé, un ami musicien de Ludovic que ce dernier avait déjà fait jouer sur certains de ses disques (d'où le clin d'oeil à l'Afrique).
Concernant l'album, je continue de m'étonner de ce choix de pochette puisqu'il tend plus vers un hommage à la musique américaine qu'africaine. "Memento" est même clairement inspiré de la soul et de la funk des années 70 aux Etats-Unis, voire par moments à la musique sud-américaine, comme sur le titre "Le Vicomte", qui reprend le thème du célèbre morceau de Kenny Burrell "Chitlins Con Carne", mais sans grande conviction (je lui préfère de loin l'original, ou encore la version qu'en a fait Stevie Ray Vaughan). L'exemple de "Le Vicomte" est une bonne illustration du manque de "prises de risques" de l'ensemble de l'album. Le choix de cette production hyper léchée est plombante, le rendu très froid, le tout pêchant par son manque de musicalité. Trop linéaire, on peut dire que Ludovic Navarre, également en charge de la direction musicale de l'album, n'était pas très inspiré. A ce titre - sans doute à cause du manque constant de changements harmoniques ou mélodiques - les musiciens donnent l'impression de frustrer leur jeu et de s'en tenir au strict minimum; un solo et puis s'en va, comme un effet de circonstance. On aimerait de vraies envolées qui n'arrivent pas, on souhaiterait quelques arrangements pour casser la monotonie, mais non. Même constat pour les programmations rythmiques faciles et attendues. Le potentiel qu'inspire ce disque est totalement bridé par le concept même de cette musique, plus faite pour s'apprécier dans un club branché que sur une platine de salon. C'en est d'ailleurs étonnant de constater comme les goûts changent et s'affinent avec le temps. Je me souviens qu'il y a quelques années j'étais bien plus tolérant avec ce SOEL sur lequel je portais un jugement plutôt positif. Mais aujourd'hui vous l'aurez compris, mon enthousiasme à été revu à la baisse. Alors tant pis. Ce fut l'occasion de le ressortir de sa boîte. Et puis peut être qu'après tout certains d'entre vous lui trouveront plus de raison que moi de s'y attacher, ce qui finalement reste le principal (la musique avant tout). Pour les autres je vous conseille, si toutefois vous ne le connaissez pas encore, dans le genre mais en mieux: "Loop In Release" de Booster.