les accords entre formations politiques différentes ne se font jamais sans anicroches, sans heurts, sans bruit en tout cas
L’accord entre socialistes et écologistes a été longuement commenté, et pas toujours, convenons-en, de façon positive. Les médias ont été sévères, la droite derrière Nicolas Sarkozy et François Fillon, relayés par l’inénarrable Eric Besson, revenu à son grand rôle de 2007, a crié au loup, se plaignant la main sur le coeur de l’abandon du nucléaire et, plus largement, de l’industrie française. Il est vrai que nous avons pu, à certains égards, prêter le flanc. Le volet électoral, très avantageux pour nos partenaires, a suscité ici et là des réactions, légitimes ou au moins compréhensibles, qu’il faut entendre. Et « l’accord sur les désaccords » – sur l’EPR de Flamanville et ipso facto sur l’avenir du nucléaire – avait besoin de décryptage. Enfin, l’ambiguïté de la rédaction du paragraphe sur le retraitement des déchets et sur la filière MOX – ou plutôt les interprétations auxquelles il a donné lieu – ont suscité une période de tension exploitée par nos adversaires. Il serait vain de nier tout cela, qui est au demeurant classique : les accords entre formations politiques différentes ne se font jamais sans anicroches, sans heurts, sans bruit en tout cas.
François Hollande a de bout en bout été cohérent dans cette affaire, et il en sera au final crédité
J’ai la conviction, toutefois, que François Hollande a de bout en bout été cohérent dans cette affaire, et qu’il en sera au final crédité. Il a, tout d’abord, souhaité l’accord avec les écologistes. Alors que la droite républicaine se réduit à l’UMP, alors que le Président sortant, s’il relève la tête, reste dans un grand état de faiblesse, l’union de la gauche et des Verts annonce une perspective, et constitue un atout. Elle ouvre aussi de nouveaux champs, ceux d’un autre modèle de développement, moins prédateur, plus respectueux de la nature, attaché au développement durable. C’est pourquoi la négociation, commencée par Martine Aubry depuis plusieurs mois, gagnait à être menée à bien. Encore fallait-il que le prix en soit raisonnable, et non exorbitant. François Hollande a donc fixé des principes, et il s’y est tenu. Il a fait preuve de clarté et de fermeté, montrant à la fois sa volonté d’un changement du « mix énergétique » et son attachement à l’industrie française.
en matière énergétique, il est favorable à l’évolution de l’offre française, pas à l’abandon de notre ambition nucléaire
Les primaires, en effet, avaient tranché la position des socialistes sur la question du nucléaire, très présente dans ce débat. François Hollande avait dit, de façon nette, qu’il était favorable à une véritable, à une ambitieuse transition énergétique. C’était le sens de sa proposition de passer de 75 % d’électricité d’origine nucléaire dans la production totale à 50 %, d’ici à 2025. Il s’agit là d’un effort considérable, comparable à celui que fait l’Allemagne. Il a aussi promis la fermeture de la centrale de Fessenheim, et refusé la construction du deuxième EPR à Penly. Il est donc absurde, infondé, injuste de le présenter comme un productiviste à l’ancienne, entouré de tenants du tout nucléaire, arrogants et archaïques. Mais il a également pris position, contrairement à d’autres candidat(e)s aux primaires, contre la sortie du nucléaire, considérant que cette énergie restait, pour des décennies à tout le moins, une source d’indépendance pour la France, une capacité exportatrice puissante, un facteur de baisse des coûts, enfin une filière créatrice d’emplois. Bref, en matière énergétique, il est favorable à l’évolution de l’offre française, pas à l’abandon de notre ambition nucléaire.
A aucun moment, François Hollande n’a cédé aux injonctions qui lui étaient faites de renoncer, pour parvenir à l’accord politique avec les écologistes, à ses convictions. Il a donc annoncé, sur France 2, que se ferait, s’il était élu, le premier EPR, celui de Flamanville, sauf bien sûr si se présentaient des motifs de sécurité contraires. Cette position s’est imposée, même si les écologistes conservent un avis différent, elle sera présente dans le débat présidentiel, et tranchée par les électeurs au premier tour. Est venu, ensuite, le différend sur le MOX et le retraitement. Il fallait, là dessus, adopter une position compréhensible et, là encore, cohérente, ce qui n’allait pas de soi. Dès lors que la production d’électricité d’origine nucléaire, même à un niveau moindre, se poursuit, il était nécessaire de disposer d’un combustible adapté et d’une capacité de retraitement
C’est pourquoi il était impossible de renoncer de façon subreptice au nucléaire, à Marcoule, à la Hague, à la filière Mox, comme certains écologistes – que l’on aimerait plus élégants et respectueux de leurs partenaires – l’ont laissé entendre. Il fallait entendre les inquiétudes des salariés, de leurs syndicats, écouter les responsables des entreprises concernées, à commencer par AREVA : s’il n’est pas question de leur céder, il est légitime de prendre en compte tous les points de vue qui concourent à la défense et à la promotion de l’emploi, dans une période aussi marquée par le chômage de masse. La rectification nécessaire a été faite, au prix il est vrai d’échanges publics dont nous aurions pu et dû faire l’économie. Cet épisode est maintenant derrière nous. Je souhaite qu’en reste la perspective d’un gouvernement commun de la gauche et des écologistes, la promesse de notre unité au second tour des présidentielles et des législatives, ainsi que la solidité de notre candidat au milieu d’une négociation qui concernait au premier chef, je veux le rappeler, les partis.
un cap a été dessiné, un rythme est imprimé, ils seront tenus
Quelques mots, en outre, sur l’équipe de campagne de François Hollande, que j’ai présentée à la presse mercredi dernier. Cette équipe a été élaborée dans les délais prévus, en moins d’un mois après l’investiture du candidat : un cap a été dessiné, un rythme est imprimé, ils seront tenus. Sa constitution obéit à plusieurs principes. En premier lieu, la compétence, clé de la confiance. Y figurent des hommes et des femmes investis, qui connaissent à la fois les sujets qu’ils ont à traiter, les acteurs de leur mise en oeuvre. Le second principe est celui du professionnalisme. Une campagne politique c’est, on le sait, avant tout une conviction. S’agissant de la présidentielle, c’est aussi la rencontre d’un homme et d’un pays. Mais c’est tout autant une organisation, qui doit être sans failles. François Hollande a eu le souci que les aspects logistiques soient dominés, face à la machine que déploiera le Président-candidat, soutenu par l’UMP et porté par l’appareil d’Etat : c’est pourquoi nous avons adjoint à la direction de campagne un secrétaire général, Nacer Meddah, belle figure républicaine.
Nous visons aussi la réactivité. Car une campagne électorale, c’est également un combat, contre un adversaire prêt à tout pour conserver le pouvoir, à toutes les attaques, au dénigrement, aux boules puantes. Face à Nicolas Sarkozy, il ne faudra rien laisser passer, le ramener sans arrêt à son calamiteux bilan, rendre coup pour coup. C’est pourquoi une importante équipe de communication est déployée autour de Manuel Valls. Enfin, nous avons voulu le rassemblement et le renouvellement. Bien sûr, nous n’avons pas cherché à former une direction du parti, en trébuchant des courants aux sensibilités. Mais nous avons souhaité que toutes les personnalités, toutes les générations, tous les talents du Parti socialiste – et des Radicaux de gauche – soient présents autour du candidat : je crois que nous y sommes parvenus, comme nous avons réussi à rapprocher cette équipe de l’image du pays, en faisant sa place à la diversité, en respectant la parité, pour les porte-parole comme pour les responsables des grands pôles thématiques de la campagne.
J’aurai le privilège, avec le concours précieux de Stéphane Le Foll, en charge de l’organisation, de diriger cette campagne. C’est pour moi une fierté. Mais c’est aussi et d’abord une responsabilité. J’ai eu la chance, jeune encore, d’exercer pendant cinq ans une fonction ministérielle aux côtés de Lionel Jospin : cela reste et restera pour moi essentiel, inoubliable. Aujourd’hui, je suis confronté à la tâche la plus importante de ma vie politique, celle d’aider, dans cette mission particulière, la gauche à réussir enfin l’alternance au sommet de l’Etat, de contribuer à l’élection de François Hollande à la présidence de la République, le 6 mai 2012. Il sait, et vous aussi, que je ferai tout pour mériter sa confiance, et que j’y mettrai toute mon énergie.
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François Hollande