Nous avons eu la preuve et l'illustration, cette semaine, de l'irresponsabilité européenne de Nicolas Sarkozy. Depuis mai 2007, le Monarque avait choisi de jouer sa carte personnelle aux détriments d'une plus forte gouvernance européenne. La chose fut peu commentée, effacée du radar par la Grande Crise.
On nous a fait même fait croire qu'à l'automne 2008, Nicolas Sarkozy avait été ce Très Grand Homme qui protégea la France de la faillite et guida l'Europe toute entière vers le salut. Puis, de sommets européens en G20 grandiloquents, notre président français s'est agité sur des estrades à fond bleu aux côtés d'Angela Merkel, pour nous faire convaincre que l'Europe serait sauvée par un leadership franco-allemand renouvelé.
C'était gravement faux.
Sarkozy a gâché l'Europe
Une dizaine de sommets de la dernière chance plus tard, chacun peut comprendre que cette agitation immobile et autocentrée de Nicolas Sarkozy a été complètement contre-productive. Il a agi sous l'emprise de son narcissisme, avec ce besoin de multiplier les shows bilatéraux et les conférences, aux détriments d'un renforcement de la présidence européenne et du rôle du Parlement. Il a préféré l'émiettement à l'intégration, une attitude complètement irresponsable dans la période que nous traversons. Il n'a eu également de cesse que de minorer l'importance du Parlement européen. Pour des raisons de tactique politicienne internes, il préféré perdre du temps et de l'énergie à multiplier les symposiums thématiques non prioritaires voire inutiles alors que l'urgence était toujours de résoudre cette crise des dettes souveraines.
Certes, il n'était pas seul à privilégier les discussions bilatérales et les conseils européens, l'Europe des Chefs d'Etat contre l'Europe tout court. Sa grande amie Angela Merkel aussi fait de la résistance. Mais Sarkozy a été aveugle et imprévoyant. Il a cru que la France pourrait co-diriger l'Union européenne avec la grande Allemange. Sarkozy n'a eu droit qu'à un strapontin à côté de la conductrice Merkel. L'économie allemande est sortie de la crise, pas la France.
La seule tactique possible eut été de confronter Merkel à un front plus élargi de pays européens solidaires. Sarkozy a préféré se coucher. Il s'est dit qu'il avait plus à gagner à coller la France au modèle allemand, un mirage puisque rien n'a été mis en oeuvre depuis 2007 à l'exception ... de la suppression du bouclier fiscal (sic!).
Aujourd'hui, la situation est donc grave.
La France menacée par les marchés
Désormais, la totalité des Etats européens, sauf l'Allemagne, sont sous la menace d'investisseurs méfiants. La Grèce cumulait tous les handicaps: statistiques truquées, déficit budgétaire, et surendettement. Mais d'autres Etats, endettés mais moins fragiles, sont désormais attaqués avec autant de vigueur. Les investisseurs n'ont plus confiance en personne; l'Italie est surendettée mais dégage toujours un excédent budgétaire; la Finlande pourtant rigoureuse ; même l'Autriche, dont l'endettement est plus de 10 points de PIB inférieur à celui d ela France, craint une dégradation de sa solvabilité d'un seul cran,
de AAA à AA+, qui lui ferait payer trois milliards d'euros d'intérêts en
plus chaque année. Or cette méfiance généralisée provoque un renchérissement des taux d'emprunt par ces Etats sur les marchés. Cette semaine, la Finlande a emprunté à 7%, comme l'Espagne. Cette inflation des taux aggrave leurs déficits. Vendredi, les 27 Etats-membres et le Parlement européen bataillaient pour trouver une solution de sortie.
Même Nicolas Sarkozy en a enfin conscience. Il aimerait que la BCE intervienne plus massivement pour garantir les emprunts européens, mais Angela Merkel ne veut pas. Il voudrait une zone euro plus resserrée, mais Mme Merkel veut, et a obtenu, des sanctions contre les Etats mauvais gestionnaires. Pire, la méfiance des marchés s'emballe aussi contre la France, un pays un peu moins endettée que l'Italie, mais aux budgets largement plus déséquilibrés.
Jeudi, la Sarkofrance avait une échéance peu connue du grand public:
l'Etat français devait lever 6 à 7 milliards d'euros d'emprunts pour
financer ses déficits. Il y parvint durant la matinée, mais à quel prix ! Ces derniers jours, l'écart de taux d'emprunt
entre la France et l'Allemagne n'avait cessé d'augmenter. Pour emprunter
à 10 ans, les Français ont dû proposer une rémunération de 3,7% aux
marchés, quand les Allemands sont toujours à 1,7%. L'écart est historique depuis la création de
l'euro: « Les investisseurs estiment que la France a déjà perdu sa précieuse note AAA » relevait Reuters.
Nicolas Sarkozy est dans une impasse. Et, ces derniers jours, notre Monarque a perdu le sens de la mesure. Il veut porter le fer contre Hollande. Il trépigne tellement qu'il en oublie qu'il a une crise à gérer.
Sarkozy préfère faire campagne
Mardi, il avait donc endossé son costume de candidat. En visite à Bordeaux, il confia publiquement que sa femme Carla avait peur de manquer de lait maternelle pour leur petite Giulia. Plus tard, il invoqua de Gaulle et le Conseil national de la Résistance pour fustiger les fraudeurs sociaux. Il confirmait l'obligation de travail pour les bénéficiaires du RSA (7 heures de travail gratuit) et même l'extension du délai de carence d'indemnité pour les salariés malades. Même les fonctionnaires en ont eu pour leur compte. Alors que trois quarts des salariés du privé sont couverts par leur employeur, les fonctionnaires subiront une journée de carence de salaire s'ils tombent malade. L'amalgame était total. Le dégoût aussi. Jamais Nicolas Sarkozy n'avait organisé de similaire show contre la fraude aux cotisations (une quinzaine de milliards d'euros par an)
Le lendemain, son ministre de l'Enseignement Supérieur Laurent Wauquiez croyait bon surenchérir sur les propos de son Monarque. L'assisté de Haute-Loire (il a hérité de sa circonscription par le désistement de Jacques Barrot en 2004) justifiait : « Si jamais, quand vous tombez malade, cela n'a aucun impact sur votre
indemnité et votre salaire, ce n'est pas très responsabilisant ».
Sarkozy, lui, adoptait le budget « le plus rigoureux depuis 1945 » en conseil des ministres: 93 milliards d'euros de déficit budgétaire encore cette année, et une nouvelle impasse en perspective pour 2012 vu la révision à 0,6% de la croissance française par la Commission européenne. Le même jour, le Monarque félicitait Mario Monti, le nouveau premier ministre italien. La patronne Merkel a été plus directe: « Il vous revient (...) de décider et de
mettre en oeuvre rapidement des réformes décisives et nécessaires ».
Jeudi, Sarkozy profita d'un discours pour les 3 ans du Fond Stratégique d'Investissement pour fustiger publiquement l'accord entre écologistes et socialistes. Ses sbires se déchaînèrent contre une prétendue irresponsabilité. Ils craignaient pour leurs postes. L'accord EELV-PS a créé un stress, il n'a qu'un objectif, virer un maximum de députés UMP en juin prochain. A l'Elysée, on a sonné la charge. Copé et Kosciusko-Morizet se déchaînent. Même Henri Proglio, patron d'EDF nommé par Sarkozy, est appelé à la rescousse.
Ce jeudi, Sarkozy a aussi tremblé pour la filière automobile. Deux jours avant, le PDG de Peugeot avait annoncé 6.800 suppressions de postes, mais Sarkozy avait oublié de réagir. Deux jours plus tard, il racontait l'incompréhensible: « je peux vous
annoncer qu'il n'y aura pas de plan social en France chez PSA ». Sans blague ?
Sarkozy s'emballe
Vendredi, Sarkozy s'emballe. Il était parti à Avignon, pour le quatrième Forum d'Avignon sur la culture et l'économie. Sur la tribune, il était secoué de tics. Le Figaro s'emballe tout autant: Sarkozy impose la baisse de la TVA sur l'e-book. Primo, la France qui se lève tôt est ravie. Elle n'aura pas les moyens de se payer un e-book avant quelques décennies. En revanche, elle supportera le relèvement de 5,5 à 7% de la TVA dès l'année prochaine. Secundo, Sarkozy n'impose rien. Il suggère un peu tard l'instauration d'un taux unique de TVA à l'ensemble des biens culturels: « J'espère que
la Commission européenne ne s'opposera pas à cette initiative.» Le Monarque a d'autres envies. Il a compris que son Hadopi contre le téléchargement de fichiers culturels était la riposte du passé. Il veut s'attaquer au streaming. On lui souhaite tout le courage nécessaire.
Du courage, il en aura aussi besoin pour affronter les affaires. Mercredi, le parquet de Paris a été obéissant. Il a classé sans suite l'enquête préliminaire sur les accusations françafricaines de l'avocat Bourgi. Le candidat Sarkozy ne veut aucun remous à droite. Bourgi chargeait Chirac. On l'a fait taire. Un autre repenti reste énervé. Ziad Takieddine, dans les colonnes du Point cette semaine, a confirmé, enfin, qu'il y avait bien des commissions occultes versées dès les premières heures des contrats d'armements signées par le gouvernement Balladur. Bravo !
Last but not least, Mediapart révélait que Takieddine invitait, dans son yacht, en 2002, le patron des Douanes, Pierre-Mathieu Duhamel, futur directeur du budget au ministère de l'économie et des finances et proche de Jean-François Copé et Nicolas Sarkozy.
Ami sarkozyste, où es-tu ?