J.D.Salinger du Québec, il a lui aussi abordé abondamment les thèmes de la mort de l'enfance et le désoeuvrement de la vie d'adulte. Il a aussi imité le style de vie de l'hermite, refusant toute entrevue et ne laissant filtrer que deux photos de lui depuis 1966, heure de ses glorieux débuts.
En 1965, Ducharme se présente lui-même:
Je ne suis né qu'une fois. Cela s'est fait à Saint-Félix-de-Valois, dans la province de Québec. La prochaine fois que je mourrai, ce sera la première fois. Je veux mourir verticalement, la tête en bas et les pieds en haut.
À l'école, j'étais toujours le premier à partir. Je n'y allais pas souvent et j'y restais le moins longtemps possible. J'ai complété mes études secondaires à Joliette, avec les Clercs de Saint-Viateur.
J'ai été dans l'Arctique avec l'Aviation canadienne, en 1962. Personne ne veut me croire. Je ne sais pas pourquoi. Je dis : « J'ai été dans l'Arctique. » Ils répondent : « Pas vrai. » En 1963, 1964 (l'année de travail sur "L'avalée des avalés") et 1965, j'ai fait de l'auto-stop au Canada, aux États-Unis et au Mexique. C'est fatigant.
J'ai vingt-quatre ans. Je n'ai plus toutes mes dents. Et cela m'écœure.
Je ne me suis pas marié une seule fois encore. Les femmes ne veulent pas se marier avec moi. Si elles avaient voulu, je me serais marié tous les jours et, aujourd'hui, j'aurais à peu près 5 768 enfants. S'il n'y avait pas d'enfants sur la Terre, il n'y aurait rien de beau.
Il publie La Fille de Christophe Colomb en 1969. Écrit des chansons pour Charlebois et Pauline Julien, puis publie le culte L'Hiver de Force en 1973. Il écrit Les Enfantômes trois ans plus tard et la pièce Ha ha!... deux ans après.
Dans son œuvre, Réjean Ducharme se distingue par le recours fréquent aux jeux de mots, aux néologismes et aux inventions de langage, ce qui rend son style particulièrement vivant et unique.
Discrètement, il sculpte aussi. Il appelle ses oeuvres des Trophoux, sculptures signées Roch Plante. Il les compose à partir des déchets et des débris qu'il ramasse lors de ses promenades dans les rues de Montréal. Il ne fait pas davantage d'intervention publique lors du dévoilement de ses sculptures.
Il réapparait ("officiellement" car qui sait sous quel pseudonyme sévit-il peut-être) en 1990 avec son roman Dévadé, avec Va Savoir quatre ans plus tard et Gros Mots en 1999.
Certains croient que "Réjean Ducharme" était en fait l'actrice Luce Guilbault, dont la vie multiplie les parrallèles avec l'oeuvre de Ducharme. Décédée en 1991, ce serait son fils Ariel qui s'occuperait de publier ses oeuvres selon un calendrier précis et préétabli par l'actrice.
Ha ha!...cruelle et grotesque fable qui n'en finit plus de tomber dans l'abject est depuis le 15 novembre à l'affiche, aussi au TNM, est mis en scène par l'éclaté Dominic Champagne et met en vedette François Papineau, Anne-Marie Cadieux, Marc Béland et Sophie Cadieux.
Réjean Ducharme vivrait toujours à Montréal, dans l'anonymat.
Alchimiste rendu fou par des vapeurs de mercure, je t'aimerai Réjean sans amour, sans souffrir, comme si j'étais quartz. Je vivrai sans que mon coeur batte, sans avoir de coeur.
Je t'aimerai toujours de toutes mes peurs.
Quand tu vas mourir tu vas nous faire signe au moins? Meurt jamais tout seul dans ton coin.
T'es le premier arbre devant la forêt des écrivains de chez nous.
La mort en secret tu nous en fera pas le coup.
Merci la vie pour Reggie Somecharm.
*Et à Philip Roth