La présidentielle se déroule sur un ring, pas sous un chapiteau

Publié le 18 novembre 2011 par Lbouvet

La « séquence » (comme disent les conseillers en communication désormais) qui vient de se dérouler à gauche est révélatrice d’un grave défaut : l’absence de prise de conscience de la spécificité de l’élection présidentielle sous la Ve République. Passe encore pour les écologistes qui n’ont jamais prétendu à quoi que ce soit en la matière. Le seul fait d’avoir désigné une candidate comme Eva Joly à l’élection suprême est suffisamment significatif pour dire non seulement leur évidente incompréhension ou leur rejet total des institutions de la Ve République mais encore leur profonde indifférence à ce qu’ils considèrent visiblement comme un jeu institutionnel vide, sans importance. Pour eux, la « vérité », dont ils sont si friands, semble ailleurs. Le problème est infiniment plus grave et plus gênant pour le PS. Car enfin, depuis 30 ans, il n’est pas un responsable socialiste digne de ce nom qui ne se réclame de François Mitterrand. Et même si c’est pour exercer au regard de celui-ci un « droit d’inventaire », l’ensemble du socialisme français tourne toujours autour de l’axe mitterrandien à la manière d’un moulin à prières. Comme si la victoire partisane puis présidentielle du vieux lutteur politique venu de la droite nationale avait duré plus longtemps à titre posthume que de son vivant. Aujourd’hui, il se trouve même quelques ravis de la crèche socialiste pour souligner que François Hollande porte le même prénom que son illustre prédécesseur de candidat, et que donc bon… suivez mon regard.

Las, la semaine qui vient de passer a démontré, une fois de plus, que les socialistes français, et la gauche avec eux, étaient encore bien loin du retour tant attendu à l’Elysée.

Ce qui devait être une semaine de mise en marche et en lumière de l’armée hollandaise s’est transformé en modèle de cauchemar pour communicant politique. Embêtant, d’autant que cela survient après le coup de mou du candidat dans la « séquence » précédente, celle de la crise européenne, qu’il a très largement passée à observer depuis le quai le passage à toute vitesse du train international du président-qui-gère-la-crise.

La présentation de « l’équipe de campagne », moment-clef du lancement de la fusée hollandaise a donc ressemblé à un feu d’artifice de foire. Coupables tout désignés, ces gougnafiers d’écolos qui n’ont que deux idées dans la vie : caser leurs chefs dans des circonscriptions de gauche imperdables et en finir au plus vite avec le nucléaire quelles que soient les conséquences, économiques notamment, d’un tel choix.

On se permettra de pointer ici les quelques éléments gênants de ce moment perdu du PS. Eléments qui démontrent, à nouveau, si besoin était, que ce parti aime d’abord et avant tout le pouvoir mais pas l’élection présidentielle.

Première question, simple en apparence : qui est le puissant stratège ou l’habile spin doctor qui a prévu de conclure l’accord de gouvernement avec EELV (et l’accord électoral qui va avec) la semaine de la présentation de l’équipe de campagne du candidat ? C’était s’exposer, a minima, à une collision médiatique. On a été servi.

Deuxième question, tout aussi simple a priori : pourquoi vouloir à tout prix conclure une alliance programmatique et électorale pour les législatives dès lors que ces élections viennent APRES la présidentielle, et que dans cette présidentielle, les candidats PS et EELV vont justement s’affronter au premier tour devant les Français ? Quid de la dynamique de la campagne et de la prise en compte des rapports de force, réels et précis, mesurés par ce premier tour ? D’ailleurs, au passage, un des analystes électoraux d’exception que possède le PS a-t-il signalé à ses responsables que l’électorat d’EELV et l’électorat du PS se recoupaient largement ?

Troisième interrogation : pourquoi concéder des éléments de programme et des circonscriptions détenues par des élus socialistes à des « alliés » dont l’objectif (et la prétention sans cesse affichée, au nom d’une sorte de raison historique inéluctable…) est clairement de se substituer à vous comme parti dominant de la gauche ?

Quatrième question, sur le programme lui-même : pourquoi capituler symboliquement (et en partie matériellement) devant des pétitions de principe et des croyances de nature idéologique qui ne font pas partie de sa propre identité politique ? En clair, pourquoi accepter de défendre, en tout ou en partie, les idées des autres sur l’indépendance énergétique du pays, sur la qualité relative de telle ou telle énergie, etc. ? Ce devrait être aux écologistes de se définir par rapport au PS et non le contraire, sur la question de l’énergie comme sur les autres.

Cinquième et ultime questionnement : pourquoi donner l’impression, tant dans la composition pléthorique et illisible de l’équipe de campagne que dans les négociations-tractations avec EELV que le candidat PS, François Hollande, ne peut assumer seul, devant l’opinion, sa marche en avant présidentielle ? Qu’il a besoin de toutes les béquilles possibles pour le faire ? Comme s’il devait sans cesse, plutôt que de se concentrer sur la difficulté et la hauteur de sa tâche, passer son temps et dépenser son énergie à gérer le quotidien, les susceptibilités et les imprévus.

Lui, comme ses multiples lieutenants, capitaines, conseillers spéciaux, ambassadeurs et autres porte-parole… ne cessent de dire qu’il est dans la présidentialisation, au « niveau présidentiel », qu’il se met dans le costume du candidat à l’élection suprême, etc. alors que toute image, toute parole, toute impression de la campagne depuis la primaire, montre et démontre le contraire : un candidat muet ou aphone face à la crise, un candidat dépassé par son propre parti et ses « négociateurs » sur un élément-clef de son programme présidentiel, et au message brouillé par la cacophonie et la brutalité à son endroit de la part de ses supposés partenaires de gauche.

En face, il y a des candidats présidentiels qui assument pleinement et fermement leur statut : Nicolas Sarkozy bien sûr mais encore Marine Le Pen, et même François Bayrou ou Jean-Luc Mélenchon.

L’élection présidentielle est un combat, une lutte à mort. Elle est un moment de révélation des caractères, pour soi-même et devant les Français. Pas un numéro d’équilibriste aussi doué celui-ci soit-il.

Elle se déroule sur un ring, pas sous un chapiteau.


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