Passez-moi l'Expression: le Saint-frusquin

Publié le 29 février 2008 par Caramelito

Pourquoi dit-on parfois, à l'ancienne (quand elle se pointe chez vous avec éventuellement des armes, mais surtout une montagne de bagages) "Ben, ça! Vous avez tout votre saint-frusquin avec vous..."? Ecoutons plutôt!

audio mp3 1'47 minute

Une production de l'atelier de Création Grand Est de Radio France. Texte/voix/réal.: Serge Fournel. Producteur: Max Charri. Fait à la maison et dans les studios de France Bleu Touraine.

Texte de la chronique (déposé SACD et protégé) en cliquant sur "Suite de la Note"

Ah oui, il vient chez nous, ton frère? Que j’ demande à ma femme. Il arrive d’où, ce coup-ci ? De Bombay ? Ouais, il est super-cool, mais c’est quand même une vieux babos. Un quoi ? Qu’elle me dit. Un baba-cool, quoi. Chaque fois, il débarque avec deux potes, ses deux sac-à-dos, son dudu, son narguilé...tout son saint-frusquin ! 
Mais qu’est-ce que quoi ? Saint-qui ? Mais qui est-ce qui nous a collé un saint pareil, saint-frusquin, pour qualifier un tas de bagages, ou en gros tout ce qu’une personne possède ? Un frusquin ? Réfléchissons. Ah mais, non, c’est frisquin, au départ. (Pas chaud ce matin ! Un peu frisquin !)
Mais oui, c’est ça ! Au temps jadis, frisquin était le saint patron des frigorifiés ! Ou un marchand de pulls, ce qui est plus probable et qui expliquerait le saint frisquin, le ballot et tout ça...au départ !
Eh bien non, vous en êtes un autre (de ballot) Suivez-moi !
Comme saint-glinglin, Saint-frusquin n’a probablement jamais existé, et ne figure sur aucun calendrier. Le frusquin est d’abord un mot d’argot, qui, dès le 17ème, désigne les vêtements, les habits, les hardes (on dira plus tard les frusques). A partir du début du 18ème, le saint frusquin, qui s’écrira ensuite avec un tiret, c’est tout ce qu’on possède : vêtements, argent, effets, surtout quand on est pauvre et que ses biens sont bien maigres. Le saint-frusquin est souvent petit, au mieux acceptable. « Ah, si ma garce de ma femme, avant d’en crever, n’avait pas bu tout mon saint-frusquin ! » s’écrie, dépité, un personnage de roman de Zola. S’il a vu le jour, c’est qu’il a un cousin très proche, très ancien,  et bien réel, celui là : saint-crépin, patron des cordonniers, qui devait son nom au latin crepida, qui signifie savate. Lui est son frère Crépinien vécurent et moururent en martyrs au IIIème siècle. Les garçons cordonniers ambulants, qui couraient  dans les rues de nos villes ou allaient de village en village pour travailler, portaient leurs outils et leur cuir dans un sac, et c’est ce petit bagage, ce baluchon qu’ils appelaient saint-crépin. C’était là tout leur bonheur et toute leur richesse ! 
Or donc...Comme Saint-lâche, patron des peureux et sainte n’y touche, patronne des coquines qui jouent à la prude...saint-frusquin est une invention. C’est tout ce qu’on a, et qu’il faut préserver. Et tout le saint-frusquin, et bien, c’est tout le reste, etc...
Voila ! En un mot comme en cent, c’est ça !