L’histoire est belle et les acteurs l’interprètent avec une grande qualité. Derrière l’apparente simplicité, il y a même de vraies questions qui sont posées et développées dans le respect de leur complexité. Quelle relation avoir avec l’handicap, qu’il soit physique ou social ? Quelle place pour les handicapés dans notre société ? Comment rebondir lorsqu’on se retrouve en situation d’handicap ? Peut-on s’aliéner à un autre pour l’aider à rebondir ? Des univers différents, liés à des référents culturels fondamentalement opposés, peuvent-ils se rencontrer pour sortir de l’impasse ? Peut-on sortir de l’assistanat pour se prendre pleinement en charge ? …
J’avoue que je n’ai pas été obsédé par ces questions importantes lors de la découverte du film. J’ai surtout ri, pris par le plaisir de voir ces deux handicapés à leur manière devenir intouchables par la construction d’un univers propre fondé sur la bonne humeur et le détachement de soi. Le film est vraiment bien construit. C’est du très bon cinéma… et c’est à ce niveau que je le situais.
Seulement voilà, pour moi, quelque part, ce n’était pas tout à fait du cinéma. Mon frère a passé plus de la moitié de sa vie dans sa chaise roulante de tétraplégique. Alors, quand à la fin du film, sont apparus à l’écran les vrais personnages, ceux dont l’histoire a inspiré cette comédie, l’émotion m’a submergé. Ce n’était plus du cinéma, mais la vraie réalité du handicap, du frein brutal de la vie « normale ».
Les larmes m’ont alors envahi. Et j’ai revécu ces moments où nous avons ensemble essayé de faire comme si la vie n’était pas changée. Partir en vacances en montagne, dans un chalet dont le seul accès par un escalier étroit et raide ne permettait pas d’utiliser la chaise roulante… et sur lequel j’ai trébuché un jour en portant mon frère. Partir aussi en vacances aux USA voir notre sœur en évacuant tous les petits problèmes que cela allait nous poser pour ne vivre que le plaisir du défi que cela représentait. Puis, tous ces autres petits moments quotidiens, moins spectaculaires, où nous essayions ensemble, toute la famille et tous les amis, de faire comme si… comme si – bien que fondamentalement touchés – on était effectivement intouchables !