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Récit de mon retour de l'Everest Sky Race (de Lukla à Kathmandou...)

Publié le 18 novembre 2011 par Sylvainbazin
Bon ben ça y est, je suis revenu à Katmandhou, après deux jours et demi de marche et de course à travers le Solukhumbu et un très éprouvant voyage en bus entre et Katmandhou, l’une des pires expériences de ma vie de voyageur je dois bien le dire.
Avant donc de revenir plus en détail sur cette Everest Sky Race, je vous fais un petit récit de cette «aventure supplémentaire», qui est advenue, comme doivent l’être les aventures finalement, par un concours de circonstance. A l’arrivée de la course, à Lukla, j’étais donc resté en rade: pas d’avions à l’horizon, il fait trop mauvais. Mes compagnons de courses, pressés par leurs avions internationaux, ont du faire le choix onéreux (près de 500€) de l’hélico qui vole quant à lui dans le brouillard pour rentrer à temps à Katmandhou. Pour moi, qui suis moins pressé et sans doute aussi plus fauché, il n’en était pas question. La perspective de rallonger un peu le trajet à pied jusqu’à Jiri, ou un peu plus près , où l’on peut maintenant prendre le bus, ne me paraissait que plus plaisante. Certes, avec l’état de fatigue itinérant, je savais que ça ne serait pas une sinécure, mais enfin...
J’ai cependant bien failli «échapper» à ce trek additionnel: le lendemain du départ de mes compagnons, Shandra et son équipe me réveille en sursaut: il faut aller d’urgence à l’aéroport, les avions volent ce matin. Je me précipite donc, à peine réveiller, vers l’aérodrome. On peut pas dire qu’il fasse grand beau, mais c’est peut-être un peu mieux qu’hier. Cependant, après qu’on m’est donné un billet, pour le 3e vol de la compagnie Tara AIR, une longue attente commence... Je la passe en compagnie d’une dame rencontrée hier avec son mari, de très sympathiques professeurs du Tampon, à la Réunion. Nous allons attendre quelques heures, à scruter le ciel à la recherche d’un éventuel avion... Finalement, deux engins atterrissent et, après une longue attente pour le second, repartent: coup de bol pour mon enseignante, le sien fait partie du lot. Son mari lui, reste à quai et moi aussi. On finit par nous annoncer: «plus d’avion». Je joins donc Shandra pour lui dire que finalement, je préfère donc rentrer à pince... Il me donne un peu d’argent (il m’annonce 6000 mais me donne en fait 4000 roupies, ce qui s’avèrera un peu juste!) pour la suite et me dis « à bientôt à Katmandhou!». Sur ces entrefaits je rencontre Dolma qui s’apprête également à partir. Après un très rapide déjeuner, je prend donc la route en compagnie de la petite Sherpani qui dégringole avec une agilité extraordinaire les escaliers et les pentes techniques qui s’offrent à nos semelles. Ensuite, escortée par quelques amis népalais, dont un guide qui redescend après une saison chargée (Everest camp 3, Amadablam...), elle me laisse prendre la tête de notre petit groupe. C’est cependant à bonne allure que nous avançons pendant quatre heures pour nous arrêter chez une ami à elle, qui tient un lodge à Kaurikola. La maison est plutôt bien tenue et l’accueil sympa. Je mange avec appétit car je n’ai pratiquemment rien pris de la journée, je vais être bien affûté en rentrant, c’est sûr!
Le lodge est bien fréquenté: je rencontre là deux journalistes grecs venus suivre le Solukhumbu trail: c’est vrai que nous sommes sur le parcours de l’épreuve de Dawa, des chemins que j’avais déjà emprunté en 2008 et qui sont si typiques du bas Khumbu: très caillouteux, souvent glissants, irréguliers et aux pentes accentuées, dans un paysages plutôt verdoyant et entrecoupés de villages parfois fleuris, une région vivante et qui contraste avec l’austérité des hauteurs. Mes deux collègues grecs suivent le «Solu» depuis deux ans: ils prennent systématiquement une étape d’avance sur les coureurs, pour assurer leurs photos. Nous parlons de pas mal de chose, dont la crise grecques à laquelle ils sont heureux d’échapper pendant ce séjour népalais. Il y a là aussi Jérôme, un guide français qui, après avoir guidé pour la première fois au Népal dans la Kantjejungua, se laisse aller à «traîner» dans le coin et est dans le village depuis trois jours, et Nicole, qui tient, à la saison, un gîte du côté du col du Galibier. Elle est là pour dix semaines, suivant l’évolution d’un projet d’éducation qui la tient en haleine depuis maintenant cinq ans. Une belle implication qui va de paire avec une bonne humeur communicative; si j’ai l’occasion, j’irai faire un tour dans son gîte. Pour compléter le tableau, deux sympathiques irlandaise que nous avons doublé sur le chemin et qui m’avaient immédiatement surnommé «Forest Gump».
Après cette bonne soirée, je n’ai aucune difficulté à m’endormir d’un sommeil de plomb qui me libérera presque reposé à six heures.  Le temps d’un petit-déjeuner et je repars toujours en compagnie de Dolma: pas pour longtemps car elle s’arrêtera au village suivant, pour rendre visite à sa famille. Je poursuis donc ma route seul, en direction de Taksindu. Ce village, qui est le lieu de naissance de Dawa, abrite un monastère où en 2008 j’ai assisté à une Puja, lors du Solukhumbu Trail; d’ailleurs les coureurs doivent repartir de là aujourd’hui et je pense les croiser. Ca me fera plaisir, j’ai pas mal d’amis dans la course. D’ailleurs, je commence à croiser quelques rubalises «induni» qui me font dire que je suis sur le parcours (l’épreuve est balisée, contrairement à l’ESR...). Un parcours que je reconnais bien d’ailleurs: la pente que je suis en train de remonter assez péniblement, je l’avais dévalé en compagnie de Jean-Michel Jorda il y a trois ans. Le sol est très irrégulier, et avec l’humidité ambianté certains passages sont bien glissants. Je plains les chevilles des coureurs dans la descente. La montée, elle, se révèle assez interminable. Je suis pourtant sur le bon chemin, mais je ne croiserai finalement pas les coureurs: ils ont du prendre un autre sentier, en parrallèle et j’ai manqué l’intersection. Je passe devant le monastère et le lodge, mais il n’y a plus personne.
Un peu plus loin, après une légère descente puis une petite montée (little bit up, little bit down comme on dit ici...) je décide de m’arrêter déjeuner. Je dois sérieusement veiller à faire des économies et déjeune dans une très modeste demeure, tenue par trois personnes plutôt contentes d’avoir un client, isolée sur le chemin. Le plat de nouilles me coûtera 100 roupies (un peu moins d’un euro) et me voilà un peu regonflé pour repartir.
Je marche d’un bon pas vers Jumbesi. J’y arrive vers 15h, il me reste deux bonnes heures de jour avant de songer à m’arrêter. Autant ne pas marcher la nuit. Mais la fatigue est bien là et dans le village je manque l’intersection et suit même bêtement des marques (qui doivent être là, je le comprendrai le lendemain, pour une course espagnole) orange qui me conduisent d’abord vers une belle stupa puis vers un étonnant village de monastères et de petites maisons. De là, je grimpe bien à près de 3500 mètre d’altitude comme prévu par le parcours mais le chemin est étroit et ça me semble bizzarre. Je ne me rappelle pas ce col, pourtant vraiment remarquable par la quantité de drapeaux de prière qui semble presque l’entourer tellement il y en a. J’avais certes demandé mon chemin en bas à deux vieillards qui m’avaient indiqué celui là, mais bon pas sûr qu’ils aient compris. Arrivé devant une maison, je redemande à une mère et sa fille. Ce n’est bien évidemment pas le bon. Je redescends donc vers le village, y croise des nonesses. Elles me confirment mon erreur. Après avoir un peu «visité» cet étonnant endroit, qui se nomme en réalité Phumgmunche et qui est un important centre de méditation, je retourne à Jumbesi. La nuit tombe et je décide de rester là, après avoir trouvé le bon chemin, c’était simple, rentrant dans le premier lodge qui se présente. J’y suis accueilli par un homme d’âge mûr très serviable et qui parle un bon anglais.
Dans la salle, la télé est allumé: ça fait longtemps que je n’ai pas regardé une telle lucarne! Je dîne aussi copieusement que mes économies me le permettent. Mais ça ira bien pour tenir jusqu’à demain. Le patron m’informe que je pourrais prendre le bus à Shimalaya, un peu avant Jiri, qui est à une bonne journée de marche d’ici. Par contre il ne sait pas exactement combien ça coûte, j’espère que j’aurai assez... Je me couche tôt, harassé et comme j’ai en prime perdu ma lampe frontale... Décidément entre les lampes et les bâtons, j’ai un problème: pas moyen de garder l’un ou l’autre plus de deux mois! Je vais devoir en racheter une à Katmandou, ça doit coûter dans les 3 euros, pour poursuivre mon voyage dans les Annapurnas.
Le lendemain matin, alors que je prends mon petit déjeuner, Sugargath, un des porteurs de l’expédition, se présente à la porte: lui aussi poursuit à pied car il n’y a décidément pas d’avions à Lukla. Nous repartons donc ensemble, à un bon rythme: il fait partie des «increvables» qui nous accompagnent sur nos courses; les étapes de 50 kms ne lui font pas peur. Son anglais est très rudimentaire mais nous communiquons tout de même un peu. Nous franchissons à un bon rythme le col à 3600 mètre de Lampserung Pass, et nous arrêtons prendre un thé (et même un petit coup de Rakchi!) chez une amie à lui. Son bambin est tout rond et braille un peu. Mon compagnon l’amuse cependant beaucoup. Dehors, le temps est particulièrement brumeux. Décidément il ne fait pas beau au Népal en ce moment.
Nous apercevons dans les nuages un Lapophore, l’oiseau emblématique du Népal, une sorte de Paon (famille des faisans) tout de même assez rare. Je le filme mais bon le brouillard est trop épais pour espérer réaliser une bonne image. Dans la descente technique, mon compagnon s’en donne à coeur joie: il saute, virevolte de rochers et pierrailles. Les népalais sont vraiment des descendeurs hors pairs. Sa robustesse est étonnante. Une étape de 50 km ne l’effraie pas, il mange pour cela du Dal Bat midi et soir, et se réjouit déjà de celui qu’il va engloutir à Kinja, à midi.
Nous y arrivons effectivement pour déjeuner et avalons un dal bat, avec une cuillère ou la main droite selon nos habitudes respectives. Le temps est toujours menaçant, le village, en fond de vallée et en bordure de rivière, plutôt accueillant. Le patron du restaurant m’indique qu’on peut effectivement prendre le bus à Shivalaya , mais pas à Deurali où mon compagnon voulait s’arrêter. En marchant bien, on peut y être avant la nuit. Sans frontale c’est préférable d’autant que le chemin n’est pas bon pour y arriver et sans doute glissant avec l’humidité ambiante. Sur le prix du bus, il pense que c’est dans les 800 roupies.... Comme il m’en prend 200 pour le repas, je suis mal barré, il me resterait à peine 100 roupies pour survivre d’ici demain soir... Enfin je verrai bien!
Je repars d’un bon pas, dans une pente qui remonte bien entendu (c’est le jeu!) au-dessus de la rivière. Mon compagnon de route marque clairement le pas, et après l’avoir attendu quatre ou cinq fois je me décide de continuer seul, il connait le chemin mieux que moi... Je traverse le village de Dorghan, puis atteint Deurali, en haut du dernier col du parcours, dont je me souviens bien: c’est assez joli, une stupa et des moulins de prières l’orne, j’étais passé en 2008, au début du Solukhumbu trail... Après, le chemin ne fait que descendre vers , en coupant parfois une piste, signe que j’approche du but; il est cependant particulièrement mauvais, plein de caillasses entassées et glissantes. En prime, une pluie fine commence tout juste à tomber. J’aperçois cependant Shivalaya, le village d’arrivée et dégringole les derniers lacets. Je suis arrivé, juste avant la pluie et l’obscurité!
Dans le bourg je cherche un lodge et ma bonne étoile me conduit finalement dans le meilleur qui soit: le Paradise Hotel porte bien son nom; une dame vraiment gentille me reçoit, son fils m’accompagne un peu plus loin pour prendre mon billet de bus. Comme je leur explique mes soucis financiers, elles m’offrent d’abords un café et m’explique que je n’aurai pas à payer pour la nuit et le repas. Le petit garçon me pose pleins de questions. Il semble assez rare qu’un européen fasse autant de chemin en un jour pour aller jusqu’ici et cela me rend tout de suite sympathique à leurs yeux. Je leur raconte aussi un peu mon parcours à travers la Rolwalling. Une des aides de la patronne vient justement de Simigaon, où nous avons fait étape en début de course.  Un peu plus tard, je dîne d’un bonne platée de nouilles reconstituante en compagnie de. Il est militaire, vit à Katmandou mais est revenu à cause du décés de sa belle-mère. Agé de 36 ans, il a combattu pour la paix avec l’ONU et les casques bleus sur plusieurs théâtre d’opération qui l’ont marqués: la côte d’Ivoire, la Bosnie... Il a aussi grimpé deux fois l’Everest, en 2003 et en 2008, pour porter la flamme olympique de Pékin (les relations Népal- Tibet-Chine sont toujours plus complexes et moins tranchés qu’on l’imagine souvent) sur le toit du monde. Il m’explique aussi que pour de bons boudhistes, accueillir gratuitement un étranger sans le sou n’est pas un problème! Ma bonne étoile me fait passer une excellente soirée, ça n’était pas gagné! Mon compagnon du jour est arrivé une bonne heure après moi, trempé, et a aterri dans le même lodge! Il se régale, avec quelques autres, d’un énorme Dal Bat, pour ne pas changer...
Après une courte nuit, nous retrouverons Richard et un autre membre du staff qui sont aussi arrivés la veille au soir pour reprendre le bus.
Là commence la partie la plus pénible du voyage: un bus très vétuste, une route très difficile, une mauvaise place à l’arrière, c’est bondé...Je suis cahoté de toutes part, mes cervicales et mon cocsis, entre autres, passent un bien mauvais moment. Bref une journée vraiment pénible pour arriver finalement à bon port. Richard est à peu près dans le même état que moi. La douche, un bon repas et quelques «vrais cafés» plus tard, me voilà prêt à repartir...

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