Un nouvel article de mon ami Gérard Roig, récemment disparu. En le lisant, certains de me lecteurs comprendront pourquoi l'amitié de cet homme compta tant pour moi… Comme un jardinier, il planta dans ma tête une petite graine…
La ligne 13 St Denis Basilique-Châtillon Montrouge ayant absorbé la ligne 14 mesure désormais 21 kms. La station Pernety (genéral mort en 1856) est incorporée dans un immeuble de briques rouges de six étages qui fait le coin des rues Losserand (ex-rue de Vanves) et Pernety (perçée en 1868).
En face, un immeuble de même style abrite le classique café “Au Métro”, les autres angles étant occupés par le café “Le p'tit pot” et l' inévitable banque. Seule concession au snobisme contemporain : le restaurant sis au 44 rue Pernety eu l'on sert du katsudou et du tataki (ce n'est que du maquereau) : On peut aussi pratiquer le zen grâce au Maitre Taisen Deshimaru. L'endroit est animé et commerçant alors que, tout près de là, de grands drames se préparent :
Le périmètre compris entre les rues Vercingétorix, Pernety, Losserand et avenue du Maine va disparaître, dans l'extension inexorable du quartier Montparnasse Déjà, de bruns lusitaniens casqués s'affairent à creuser des trous, tandis que les grues dressent vers le ciel leurs bras métalliques cruciformes. Rue Perceval, rue de l'Ouest, des groupes d'immeubles désertés, aux fenêtres murées, aux murs couverts d'affiches et de graffitis semblent, tels de fatalistes boeufs, attendre le merlin libérateur.
Rue des Thermopyles…
On déchiffre des enseignes maintenant dérisoires : Cyrnos bar, Hotel du chemin de fer… Au 93 rue du Château, une vieilledame vit seule avec son chat, sans eau ni gaz. Dans la cour, une machine à coudre agonise. Partout des détritus s'amoncellent. L'on se prend à songer qu'à ce rythme il ne restera bientôt plus de Paris que quelques édifices religieux ou monuments nous permettant de reconstituer mentalement la ville ancienne. Aussi, dépêchez-vous d'aller flâner dans cette étonnante rue des Thermopyles, étroite, bosselée et paisible, avec ses cours pleines de verdure et de chats noirs…
Gérard Roig.
(Publié dans le Petit responsable de juin 1981).