Mélancolie

Publié le 18 novembre 2011 par Corboland78

Quelle mouche m’avait piqué ? Ces vacances en novembre, quelle idée farfelue. Maintenant que j’y pense, et ça tombe bien je n’ai que ça à faire, ce n’était pas réellement une volonté de ma part mais une directive de la boîte qui voulait que tout le monde ici, écluse ses RTT et autres reliquats de congés spéciaux avant la fin de l’année.

Nouvelles lois en prévision, complications administratives et informatiques, les syndicats avaient râlé mollement et finalement tout le mode s’était dit que ce qui était pris (par nous, employés) ne serait plus à prendre (par eux, direction), donc tout le monde avait joué le jeu.

Seulement voilà, que faire de mes dix jours de vacances, ni prévus ni budgétés. J’aime assez l’idée de saisons, aussi il n’est pas dans mon caractère de vouloir partir au soleil durant l’hiver ou à la neige pendant l’été. L’avion et les agences de voyages permettent toutes ces fantaisies, c’est même leur principale raison d’être. Mais moi, je veux du printemps avec soleil et ondées, de l’été avec soleil et un doigt de canicule, automne avec brouillards et feuilles qui tombent, hiver avec froid et neige. Un cycle complet et on redémarre. Ainsi va la vie, ou du moins telle devrait être son cours.

J’avais donc envisagé un séjour plus modeste. Je pouvais rester chez moi certes, mais dix jours c’était bête de ne pas en profiter pour m’aérer les méninges et me sortir de mon train-train quotidien. J’ai déplié une carte de France sur la table de cuisine et laissé mon regard s’y balader. Tous les coins qui m’attiraient à priori, je les avais déjà visités, en d’autres saisons peut-être, mais je connaissais ces endroits. J’ai hésité, optant pour telle région puis me désavouant, le manège a duré plusieurs heures et quand j’en ai eu marre de mes atermoiements, j’ai posé violemment mon index sur un bled de la côte Vendéenne.

Le lendemain, j’étais sur place, logé dans une petite pension qui fermerait juste après mon départ. « Vous avez de la chance, cette année avec ce beau temps d’arrière saison, nous avons différé notre fermeture annuelle » m’a prévenu la patronne en me tendant la clé de ma chambre. J’étais le seul client, c’est bien parce qu’ainsi j’étais au calme. Le matin quand j’entendais fourgonner dans la cuisine, je savais que mon petit-déjeuner serait prêt sous peu et le soir quand le son de la télé ne me parvenait plus à travers la mince cloison de la chambre, cela signifiait extinction des feux dans la maisonnée.

Ce calme reposant, je le retrouvais aussi en ville. Ville pour faire court, village devrais-je dire, une rue commerçante courant de la mairie à l’église et des ruelles en ramifications mal ordonnées le long desquelles s’entassaient de petites maisons grises sans charme particulier. « Morte saison » m’avait dit le patron du café de la place quand j’y étais revenu pour la seconde fois, boire un jus fadasse, histoire de m’occuper quelques instants.

Et c’est vrai que tout semblait bien mort par ici, des commerces ne subsistaient que ceux fournissant le minimum vital aux habitants, bouffe et café-PMU. Les autres avaient baissé leur rideau en attendant le printemps prochain. Du coup, je traînais comme une âme en peine, de ma chambre au troquet et parfois vers la plage. Là aussi, plage triste balayée par le vent humide et frisquet venu du large, sable recouvert d’algues et d’immondices apportés par la marée, l’idée qu’on puisse se baigner dans ces eaux m’était tout à fait étrangère.

Je ne suis là que depuis cinq jours, je me suis déniché un coin à peu près agréable sur le bord de cette plage et j’y reviens souvent les après-midi. Le regard perdu dans le vague des vagues, à suivre sans rire la montée de la marée, je m’emmerde comme c’est rien de le dire. Je crois que je vais rentrer dès demain, s’il y a un car pour me ramener à la gare ?    

Munch  Mélancolie (1894-1895) – Huile sur toile 81 x100,5 cm – Bergen, Collection Rasmus Meyer