On devinait, à travers les reportages télévisés (notamment l'un sur la cinq il y a quelques jours nous montrant des piles de papiers truqués) et les propos des dirigeants de droite qu'il s'agissait de taper sur ce bouc émissaire éternel qu'est l'étranger, l'immigré, le clandestin qui abuse de nos régimes sociaux très (trop?) généreux. On nous a même montré (toujours dans ce même reportage) une dame dont le métier est de traquer ces faux papiers. Et l'on a bien vu à cette occasion comment le pouvoir et la presse vont main dans la main : le trafic de faux papiers fait toujours un bon sujet à cheval sur l'information et la fiction.
Mais il n'y a pas que des reportages à la télévision, il y a aussi des experts qui en savent un peu plus que le journaliste moyen. Et que nous ont-ils dit? Que la fraude existe, naturellement, mais qu'elle est pour l'essentiel le fait des entreprises et des professions de santé (médecins, cliniques, hôpitaux…). Sur les 20 milliards d’euros de fraude sociale, 2 à 3 milliards seulement seraient, d'après les meilleurs experts, y compris de l'UMP comme Dominique Tan, auteur d'un rapport publié en juin dernier, liés aux prestations versées aux allocataires… Exit le clandestin, le sans papier… Ce n'est évidemment plus la même chose.
PS Ayant eu, il y a quelques années, à m'occuper de ces questions dans le cadre d'une étude réalisée pour un grand groupe, j'en ai retenu deux ou trois idées :
- que les excés les plus courants (les absences maladie contestables) sont à peu près incontrôlables : lorsque l'arrêt maladie est court (le cas de la majorité), le médecin contrôleur ne reçoit l'information que bien après le retour au travail du salarié. Et comme il ne peut guère en être autrement (il faut tout de même un peu de temps pour que circule l'information), il est à peu près impossible de vérifier que le salarié était effectivement malade.
- que beaucoup d'excés sont liés à l'absence de services publics (cas des parents célibataires confrontés à la maladie d'un enfant que personne de leur entourage ne peut garder) ou à des situations de travail pénibles (l'arrêt-maladie devient alors une forme de retrait),
- que l'absentéisme dans la fonction publique territoriale (celle qui connait les plus hauts taux d'absentéisme) est souvent lié au laxisme de la hiérarchie et notamment des élus qui, toutes étiquettes confondues, ferment les yeux. Ce qui veut dire que ce n'est pas en tapant sur les salariés que l'on obtiendra une amélioration mais en montrant aux élus le coût réel de l'absentéisme qu'ils tolèrent.