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Sarkozy n'est plus crédible pour les marchés

Publié le 18 novembre 2011 par Juan
Sarkozy n'est plus crédible pour les marchés Il est comme ça. On ne le changera pas. Nicolas Sarkozy ne gouverne pas, il fait de la politique. Il prétend évidemment le contraire, mais cela ne trompe personne. Au pire moment d'une crise financière gravissime, notre Monarque perd son temps en petites phrases, réunions politiciennes et déplacements symboliques. On attend de lui qu'il réunisse, convoque, réfléchisse, négocie. Mais il fait de la politique à l'ancienne. Il préfère les invocations gaullistes ou les sermons de PDG qui licencient malgré les aides publiques.
Sur les places financières, cette agitation du président français ne convainc plus.
Sarkozy contre les marchés
Près de 15 jours après l'annonce d'une seconde tranche de rigueur et la présentation du budget « le plus rigoureux depuis 1945 » (dixit François Fillon), les marchés financiers ne sont visiblement pas convaincus. Le spread (prononcez « sprède »), c'est-à-dire l'écart de rendement entre l'emprunt d'Etat français à dix ans et son équivalent allemand, le Bund ne cesse d'augmenter aux détriments du premier. En d'autres termes, les investisseurs prêtent de plus en plus cher à la France... quand ils nous prêtent encore.
Jeudi 17 novembre matin, ce spread atteignait 200 points de base (deux points de pourcentage), un niveau jamais atteint depuis la création de l'euro. L'Etat français avait justement prévu de lever entre 6,0 et 7,0 milliards d'euros ce jour-là.  Le pari fut tenu, mais à quel prix ! On murmure que des banques françaises se sont portées au secours de l'Etat pour la bonne réussite de l'opération (sic !).
La journaliste Isabelle Couet, des Echos, confirme que « de mémoire de Spécialistes en valeur du Trésor (SVT) -les représentants des vingt banques qui aident l'Etat à placer sa dette sur le marché -on n'avait jamais procédé à une enchère de dette dans des conditions aussi dégradées ». Un confrère de Reuters complétait sobrement: « Les investisseurs estiment que la France a déjà perdu sa précieuse note AAA ». Sarkozy se moquait de l'Italie, mais entre 2002 et 2010 la dette de cette dernière n'a augmenté « que » de 19%, quand celle de la France explosait de +41%.
Sarkozy absent ?
Il paraît qu'il s'active: certes, il a félicité par écrit, mercredi, le nouveau président du conseil italien, Mario Monti, qui venait d'annoncer la composition de son gouvernement, une équipe très serrée et essentiellement technocrate. « Les semaines à venir seront décisives. Ensemble nous réussirons. Je suis convaincu que la mise en oeuvre par l'Italie des nouvelles mesures qui viennent en complément des plans déjà adoptés lui permettra, dans la confiance, de trouver le chemin de la stabilité et de la croissance. » Angela Merkel, qui a fait de même, a été plus ferme : « Il vous revient, ainsi qu'à votre gouvernement, de décider et de mettre en oeuvre rapidement des réformes décisives et nécessaires ».
Quand il n'écrit pas, il téléphone. Le Point l'a ainsi montré en tenue de weekend avec son sherpa Jean-Daniel Levitte et son secrétaire général Xavier Musca. La légende indiquait que le cliché avait été pris samedi 12 novembre. Comme par hasard, un photographe avait été convié pour l'occasion. Sarkozy « téléphonait » à Merkel.
Enfin, mercredi, lors du Conseil des ministres, la ministre du budget présentait son projet de loi rectificative pour 2011: le déficit budgétaire de l'année ne sera que de 93,5 milliards d'euros. Pour y parvenir, Fillon gèlera 2 milliards de subventions sociales (sans dire lesquelles), et piochera dans la réserve de précaution pour financer les 462 millions d'euros de coût de la guerre en Libye.
Sarkozy candidat
Pour le reste, son agenda tout entier n'est que politique politicienne.
Ainsi, lundi, il s'émeut de la mort d'un nouveau soldat français en Afghanistan et de la disparition du fondateur des éditions Acte Sud. Il s'est aussi entretenu avec le Sultan d'Oman pour le féliciter du « rôle essentiel des autorités omanaises dans la libération de nos trois compatriotes détenus au Yémen depuis le 28 mai 2011. » Mardi, il animait son habituel petit-déjeuner de la majorité, à l'Elysée. On n'apprit qu'il était toujours furax contre Hollande. Plus tard, il discourait contre les « fraudeurs sociaux » et les « fainéants » du RSA. Mercredi, conseil des ministres.
Et ce n'est pas fini. Ce vendredi, le candidat reprend ses habits de « président du G20 » pour livrer un discours sur Internet et les droits d'auteur, à Avignon. La semaine prochaine, on sait déjà qu'il ira monologuer sur l'agriculture à Auch. Les communicants évoquent même une intervention télévisée le 11 décembre prochain, pour le vingtième anniversaire du sommet de Maastricht. Ces gens-là sont des inconscients. A moins qu'ils ne vivent dans une bulle. Dix-neuf ans après l'adoption de ce funeste Traité, où en sommes-nous ? Nicolas Sarkozy, à l'époque fervent suppôt, enrage que la Banque Centrale Européenne n'achète sans limite de la dette européenne. Mais la BCE se fait tirer l'oreille... Rappelez-vous: en 1992, le Traité de Maastricht entérinait l'indépendance de nos banques centrales. Dix-neuf ans plus tard, voici le moment de l'addition.
Jeudi, Nicolas Sarkozy préférait célébrer les 3 ans du Fond Stratégique d'Investissement. Une fois fois encore, il ne put s'empêcher de redevenir candidat. Et le voici qui lâche sa salve sur la sauvegarde du Fuku-nucléaire française: « Vouloir abandonner cette énergie ou réduire autoritairement sa part, cela signifie des dommages considérables pour notre économie. Pour les industriels, cela voudrait dire payer leur énergie 40% plus cher. A-t-on si peu le souci du pouvoir d'achat de nos concitoyens qu'il faille pour des raisons idéologiques leur infliger une hausse des prix de l'électricité, alors que nous produisons aujourd'hui la moins chère d'Europe? » Quand il prononce ces mots, Sarkozy n'est pas président. Il est candidat, rien d'autre.
«Je ne laisserai pas brader cet avantage, dilapider cet héritage industriel. Tous les chefs d'État français depuis 1958 ont maintenu cet effort, et jusqu'à aujourd'hui dans un consensus politique exemplaire et rare. Ces gens-là engagent l'avenir de nos enfants et de notre paysCes gens-là ? Charles Jaigu, du Figaro, n'était pas dupe: « le nucléaire s'invite donc dans le débat comme jamais auparavant dans une précampagne ou une campagne présidentielle ».
Avec quarante-huit heures de retard, Nicolas Sarkozy eut quelques mots pour les salariés de Peugeot PSA prochainement affectés par 6.800 suppressions de postes. Mardi dernier, le délégué CGT d'Aulnay-sous-bois avait précisé les annonces de la direction : 6.800 postes supprimés, dont 5.000 en France; 1.900 seront dans la production, dont 1.000 CDI supprimés et 800 postes d'intérimaires. Quelque 3.000 concernent « des salariés hors production, dont 900 CDI et 2.200 prestataires, "les précaires en cols blancs"».
Jeudi à l'Elysée, Sarkozy raconta une autre histoire: « Le plan de compétitivité annoncé par PSA a suscité une grande émotion dans notre pays. Je me suis entretenu hier (mercredi) soir et ce matin (jeudi) avec Philippe Varin, le président du Directoire de PSA Peugeot Citroën, et je peux vous annoncer qu'il n'y aura pas de plan social en France chez PSA ». Le Monarque rappela aussi que PSA bénéficiait à plein du fameux crédit impôt-recherche, « le système fiscal de soutien à la recherche le plus favorable au monde». Et il embrouille le monde: « les 2.000 salariés du groupe les plus directement concernés par ce projet seront tous reclassés, soit à l'intérieur du groupe, soit à l'extérieur du groupe, notamment chez ses prestataires » a-t-il promis. Mais combien de salariés seront donc licenciés ?  Le PDG promettait qu'il n'y aurait aucun licenciement deux jours auparavant ! Voici que Sarkozy promettait ... un « reclassement à l'extérieur »... kessako ?
Quelques heures plus tard, Sarkozy recevait d'ailleurs « personnellement », à l'Élysée et pendant plus d'une demi-heure, le président du directoire de PSA Philippe Varin, en présence des ministres du Travail Xavier Bertrand et de l'Industrie Eric Besson.
Ces suppressions faisaient tâche. Comme le notait Laurent Mauduit pour Mediapart ce jeudi, « les groupes que l'Etat a le plus aidés multiplient les plans sociaux.» Pire, « Non seulement Nicolas Sarkozy laisse faire mais il pratique une détestable politique, celle du déni ». Des banques sauvées par l'Etat à l'automne aux groupes automobiles, l'addition est lourde. Sarkozy, donc, a reçu le patron de Peugeot. Croyez-vous que cela serve à quelque chose ? Evidemment non. Sarkozy, en 2008, a « oublié » de placer l'Etat actionnaire des entreprises qu'il sauvait avec l'argent public de la faillite certaine. Quel oubli ! Trois ans plus tard, il ne lui reste qu'à gesticuler.
Nous avons eu droit, ce jeudi, à l'illustration parfaite du volontarisme sarkozyen: on dénonce le problème, on assure une réunion, et ... c'est tout. Fini. Revenez plus tard. Si possible sans poser de question.
Sarkozy président ?
En fait, la véritable élection est pour le 6 mai prochain.


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