Abdelaziz Bouteflika, à pas comptés: Si l'Algérie est resté en marge du Printemps arabe, le pouvoir a senti le vent du boulet. En réponse au mécontentement populaire, le chef de l’État Abdelaziz Bouteflika a lancé un processus de réformes. À son rythme, et dans la concertation. Avec prudence, comme d'habitude.
Réseaux sociaux, Facebook ou Twitter, et médias traditionnels, des plus sérieux aux tabloïds, nationaux ou étrangers, se sont longuement interrogés sur les capacités de résistance du pays d’Abdelaziz Bouteflika aux vents révolutionnaires qui soufflent sur le monde arabe.
Chancelleries et officines, spécialistes de l’Algérie et éditorialistes plus ou moins avisés ont abondamment commenté cette absence de contagion, épargnant un État que l’on disait, avec une étonnante légèreté, fragile.
Cela dit, le « système » algérien a pris bonne note de l’actualité régionale. En janvier 2011, deux coups de semonce l’ont sorti d’une douce léthargie institutionnelle et du confort douillet qu’assure l’opulence du Fonds de régulation des recettes, où s’accumulent les surplus des revenus pétroliers (un bas de laine estimé à près de 48 milliards d’euros fin 2010), et d’une réserve de change de 174 milliards de dollars (121 milliards d’euros).
Première alerte, le 5 janvier. Des émeutes contre la cherté de la vie embrasent Bab el-Oued, quartier populaire de la capitale, puis s’étendent au reste du territoire, plongeant dans le chaos 20 des 48 wilayas (préfectures) du pays, livrées aux casseurs et aux pilleurs. Mais le mouvement ne fédère pas. Pis?: il provoque le désaveu populaire.
Le pouvoir n’a pas le temps de profiter de ce retour au calme. Le 14, l’impensable arrive?: le peuple tunisien contraint son dictateur, Zine el-Abidine Ben Ali, à la fuite. Les certitudes sont ébranlées et les sphères décisionnelles s’accordent sur la nécessité d’un changement. Le président Abdelaziz Bouteflika prend la mesure de l’ampleur du séisme. Le 3 février, il convoque un Conseil des ministres pour répondre aux « inquiétudes et impatiences » de la population. Dans la foulée, il annonce la levée de l’état d’urgence, en vigueur depuis près de deux décennies, et son intention d’introduire « des réformes politiques visant à consolider la pratique démocratique ».
Une partie de l’opposition, emmenée par le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, de Saïd Sadi) et quelques organisations de la société civile, tente d’imposer le changement par la rue. Mais la faiblesse de la mobilisation a raison des velléités révolutionnaires, car opinion et classe politique sont d’accord sur un point?: « Si changement il doit y avoir, autant qu’il se fasse de manière ordonnée et pacifique, affirme Me Miloud Brahimi, ancien président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme. La violence et l’instabilité?? Ici, les gens estiment avoir déjà donné. »