Professeur de philosophie à Abidjan, Boa Thiémélé Ramsès a jeté un pavé dans la mare en 2010, avec un livre intitulé «La sorcellerie n’existe pas» (Editions Cerap, Abidjan). Cet enseignant de l’Université de Cocody, auteur d’un précédent ouvrage sur l’ivoirité, s’est érigé contre des pratiques qui portent divers noms, selon qu’on les apprécie ou pas: monde mystique, magie, superstition, maraboutage, sorcellerie, charlatanisme, etc…
«Une forme de pensée extrêmement nocive que des individus, à leur insu, souhaitent préserver pour, disent-ils, le bien de l’Afrique, au nom de la fidélité aux traditions», écrit Boa Thiémélé Ramsès, dont le propos a été éclipsé par bien d’autres polémiques, liées à la crise politique qu’a traversé son pays en 2010. Sans prendre de pincettes, l’auteur qualifie la croyance dans les mauvais sorts, répandue en Côte d’Ivoire et dans de nombreux pays d’Afrique, de «démission intellectuelle» et de «faiblesse explicative». Il voit dans la sorcellerie une réponse unique à tous les problèmes, interdisant de les comprendre.
«Si les sorciers étaient capables de jeter des sorts aux autres hommes, l’Afrique aurait connu un meilleur développement», assène-t-il. Spécialiste de Nietschze et de Cheikh Anta Diop, l’auteur ne se démonte pas, face aux critiques. Il propose une autre façon de penser: la «dégaoutique», un concept de son invention. En nouchi, le parler d’Abidjan, «gaou» veut dire «niais». Boa Thiémélé Ramsès suggère de déniaiser les modes de pensées, et d’opter plutôt pour une lecture complexe du réel. En somme, il plaide pour la modernité, notent certains commentateurs.
Boa Thiémélé raconte que son pamphlet contre la sorcellerie est parti d’un banal fait divers: un homme accusé d’avoir jeté des mauvais sorts a été battu à mort. L’auteur s’indigne de voir les droits les plus élementaires bafoués, pour cause de sorcellerie, une accusation par nature invérifiable: «Des femmes sont abandonnées, des enfants sont assassinés, des vieillards sont humiliés au motif qu’ils sont des sorciers.» Est-ce parce qu’il sonne juste? Un an après sa parution, ce livre continue de faire débat.