[Critique cinéma] L’ordre et la morale

Par Gicquel

Le cinéma français, si frileux habituellement avec son histoire contemporaine se rattrape cette fois de manière radicale. La prise d’otages à Ouvéa, en Nouvelle-Calédonie n’a que vingt-trois ans et la voici au cœur d’une réalisation qui tord le coup à la version officielle de l’époque. Elle  lui oppose celle de Philippe Legorjus, alors chef du GIGN,négociateur directe avec   Alphonse Dianou, chef des preneurs d’otages..Un an après  il quittera sa fonction, écoeuré par la manière dont les opérations se sont déroulées.Il écrira « Enquête sur Ouvéa » dont s’inspire Kassovitz.

Si son point de vue est éminemment présent tout au long du récit, il n’occulte en rien la rage du cinéaste de vouloir briser le silence et réveiller quelques vérités toujours enfouies au fond de cette grotte.

Là où vingt-sept gendarmes sont retenus en otage par une vingtaine d’indépendantistes kanakes , qui exigeaient la suppression de la Loi Pons , privant la population locale de toute son identité.

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Je parle de rage, mais elle est entièrement contenue dans une mise en scène qui ne cherche par l’épate du cinéma américain ( peut-être par manque de moyens ) ou l’esbroufe des films de guerre.Plus sur le registre psychologique, Mathieu Kassovitz épluche toutes les pièces du dossier , et si le film dure aussi longtemps (2 h 15) c’est qu’il tient à nous décrire le processus de la prise d’otages, et le lent cheminement des négociations .

C’est parfois fastidieux et interprétant lui-mêmele rôle principal, Mathieu Kassovitz semble à la longue aussi fatigué que son personnage tenaillé entre les preneurs d’otages et les politiciens de Paris qui s’apprêtent à élire un nouveau président. La pression est constante, les ordres et contre-ordres significatifs d’un état d’esprit qui au dialogue, préfèrera l’usage de la force.En pleine période d’élection présidentielle, lorsque les enjeux sont politiques, l’ordre n’est pas toujours dicté par la morale…

Selon la thèse soutenue par Kassovitz, Legorjus s’apprêtait à obtenir la reddition des kanakes. Au final, tout le monde se sent trahi. Au final dix neuf kanakes et deux gendarmes seront tués. Un gâchis humain, et politique, qui aujourd’hui hante encore les plages de la Nouvelle-Calédonie.

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