Au cœur du faubourg Saint Germain, un musée est consacré, depuis 2004, aux lettres et manuscrits des personnages célèbres. Jusqu’au 12 mai prochain, il expose une exceptionnelle série de messages autographes du Général de Gaulle, adressés de 1940 à 1942 à ses cadres de la France Libre - qui souvent sont des militaires bien plus hauts gradés que lui - et aux gouvernants alliés de cette guerre qu’il mène, bien seul, depuis Londres, puis à Alger.
On apprécie les ratures, les corrections incessantes qui permettent d’atteindre la formule la mieux ciselée, la plus efficace, la plus économe de moyens. On perçoit aussi combien De Gaulle est circonspect, voire carrément méfiant, envers ses alliés, les britanniques et surtout les américains.
Une exposition bien présentée, malgré la rigueur du propos, qui met en lumière les acteurs de la France Libre et la façon dont le général les traitait. Et il n’est pas indifférent de regarder comment cette collection de manuscrits est parvenue jusqu’à nous…Marie-Thérèse Desseignet vivait en Angleterre quand la guerre est déclarée. Dés l'été 1940, elle rejoint le premier État-major du Général de Gaulle. Elle devient responsable du pool des dactylographes, des rédactrices et télégraphistes du Général de Gaulle qu'elle suivra ensuite à Alger.Le Général de Gaulle comprend rapidement que la France est provisoirement sortie du champ de bataille, et que sans attendre l'organisation de sa résistance intérieure, il faut miser sur les forces de son empire, avec le concours des Anglais, des Américains et des Français de bonne volonté. Le véritable champ de bataille de la Seconde Guerre mondiale va devenir planétaire et se situer d'abord au Moyen-Orient, en Syrie et au Liban, en Afrique, dans le Pacifique, dans les territoires d'Outre-mer, tout comme en Russie ou en Asie.
Charles de Gaulle doit, en priorité, obtenir le ralliement des forces de l'Empire et déployer les couleurs de la France Libre dans le sable des déserts et de la France d'Outre-mer en général. Ses ordres codés sont donc adressés à la France et aux dirigeants qu'il a nommés pour diriger les combats au Moyen-Orient, en Afrique, et sur le restant de la planète.
1940, 1941, 1942… tous les messages et manuscrits secrets sont là, classés, répertoriés.
Lorsque le Général de Gaulle part à Alger en 1943, Marie-Thérèse suit le mouvement et travaille à la Villa des Glycines. En 1944, lorsque l'État-major de la France Libre rejoint la France métropolitaine, Marie-Thérèse quitte Alger avec un peu de retard. Lorsqu'elle effectue une dernière visite dans les locaux de la France Libre pour y chercher ses affaires, les lieux sont vides et elle découvre, oublié dans un placard, un dossier dans lequel figurent 313 des messages qu'elle avait personnellement corrigés, fait dactylographier, coder puis télégraphier à la demande de leur auteur, alors que de Gaulle était à Londres. Dans ce dossier ne figure que la majeure partie des ordres envoyés par le Général entre le 11 décembre 1940 et le 11 décembre 1942.
Elle fait alors prévenir le Général de Gaulle qu'elle est en possession de ses documents originaux. Charles de Gaulle lui répond alors :
« Gardez-les, ils sont entre de bonnes mains ».
Lorsque le Général de Gaulle revient à l'Élysée en 1958, Marie-Thérèse Desseignet fait prévenir le nouveau Président de la République qu'elle est toujours en possession de ses manuscrits et messages secrets de Londres et de la France Libre. Le Général lui répond de nouveau :
« Gardez-les ! » ....Une très belle histoire !
Musée des lettres et des manuscrits, 222 boulevard Saint-Germain 75007 PARIS - fermé le lundi, entrée 7€, et sur www.muséedeslettres.fr