Il y a quelques sujets qu’il ne faut JAMAIS aborder entre féministes : la prostitution, le voile, Andrea Dworkin et Marcela Iacub.
On va donc parler de cette dernière qui se fend d’un texte dans Libé, comme au bon vieux temps.
Pour celles et ceux qui sont en train de me faire un 20 de tension, rien qu’à la lecture de son nom, on se calme, on respire.
Passons déjà sur l’attaque sur Autain ; j’ai eu confirmation de plusieurs personnes qui ont lu le bouquin que Autain parle juste d’une personne violée – un cas individuel donc – qui développa un cancer après son viol. Autain évoque une possible somatisation. elle n’en conclut rien de plus. Si quelqu’un a le bouquin et peut nous donner le passage…
Mais évoquons la suite.
Et parlons surtout du consentement qui n’apparait pas dans la loi sur le viol (Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol). Vous avez ici par exemple la définition légale du viol en Angleterre qui parle du consentement et le définit.
Le consentement est la seule chose qu’il importe de déterminer dans un viol ; personne ne dit que c’est simple de le faire ; pourtant il importerait selon moi de le faire figurer dans la loi.
On sait par exemple qu’un mineur – ou une personne handicapée mentale – ne peuvent donner un consentement valable. Une femme est reconnue comme apte à le faire – je le formule ainsi car c’est relativement nouveau.
Les féministes ont beaucoup interrogé la notion de consentement. Pour certaines radicales comme Dworkin justement, le consentement des femmes est toujours biaisé ; quand on est en situation d’infériorité, on n’est pas en position de donner un consentement réel. C’est une position qui n’est pas fausse ; on apprend peu aux femmes à exprimer leur consentement ou leur absence de consentement. Un non va pouvoir être un oui car on leur apprend qu’exprimer son désir c’est être une salope. Un oui va pouvoir être un non car les femmes ont souvent peur de déplaire.
« »Selon Andrea Dworkin ou Catharine MacKinnon (…) parce que l’inégalité des sexes l’empêche de rester maitresse de son désir, la femme n’est véritablement libre ni de se donner, ni de se refuser. » Eric Fassin , le sexe politique (au passage « se donner » est malheureux comme choix de verbe).
Notons que les hommes n’ont souvent d’autres choix que dire « oui » sinon leur virilité serait remise en cause.
« Chez l’homme, le « oui » ne serait donc jamais problématique, ni ambigu, ni incertain – soit par un effet de sa nature, soit en raison de sa culture » (id)
Mais la position de Dworkin me semble dangereuse car elle semble exprimer qu’une personne en situation de domination n’est pas apte à fournir un jugement éclairé puisqu’on ne lui fournirait pas les outils pour le faire. On s’enfermerait donc dans une position où rien ne peut changer puisque tout dépendrait du bon vouloir du dominant.
C’est ce que Iacub exprime ici « Mais si tout consentement donné par une femme dans une société sexiste peut être dominé, il est normal que la notion de viol s’élargisse et que, petit à petit, elle ne signifie plus rien. »
Soyons plus claire. Si mon consentement est toujours vicié car je suis en position de dominée permanente, alors je ne suis jamais apte à formuler un consentement valable. Alors que vaut, par exemple, mon droit de vote ? Mon indépendance financière ? Si je suis dominée au point qu’on ne puisse savoir quand je dis oui ou non, qu’en est il du reste ?
Iacub questionne donc le consentement. Questions avec lesquelles je ne suis pas toujours d’accord mais qu’elle a le mérite de poser.
Est-on consentante quand on se prostitue ? Quand on tourne du porn ? Pour certaines féministes, non d’évidence, cela n’est jamais un consentement.
C’est un peu tout le questionnement posé par Piroska Nagy face à DSK. Elle ne savait pas si elle était en mesure de dire non. Elle ne savait pas si ca pouvait jouer contre elle ou pas. On parlerait ici bien sûr de harcèlement et non pas de viol, mais la question du consentement reste la même.
Sur « ressemble davantage au chantage affectif qu’à un Laguiole » si vraiment cette phrase a été écrite par Autain. Elle me semble en effet très problématique. Qu’est ce qu’un chantage affectif ? C’est très vague. cela peut être un ado de 17 ans – truc connu – qui menace de quitter sa copine si elle ne couche pas avec lui. La sécurité de la jeune femme n’est pas remise en cause. Elle perdra un sombre connard si elle refuse mais rien de plus.
Dans le cas d’une femme que son mari menace de quitter alors qu’elle est femme au foyer, sans revenus, en lui laissant les enfants à charge, le cas est déjà plus complexe. On est peu ou prou dans l’ordre de la menace.
Pour compléter les explications sur ce texte de Iacub.
Iacub ne dit pas que tout va bien dans le meilleur des mondes. Elle dit qu’on a un arsenal de peine sévère pour le viol (oui 15 ans de prison inscrit dans la loi c’est beaucoup). Je rappelle qu’elle est foucaldienne et à mon avis, plutôt très sceptique sur les prisons. Elle avait d’ailleurs écrit en 2004 « Sous le gouvernement de M. Jospin, la part de la population carcérale constituée par ce type d’infracteurs est passée de 12 à 24 %, chiffre impressionnant quand on le compare à ceux des autres pays européens : 4 % aux Pays-Bas, 5 % au Royaume-Uni, 8 % en Espagne, 9 % en Belgique. »
Donc
- soit les victimes portent encore moins plainte dans c es pays là (je doute)
- soit on a plus de criminels sexuels (je doute)
- soit on choisit la prison à tout autre mode (et je pense que c’est plutôt cela).
Cela ne signifie donc pas que Iacub – ou moi même d’ailleurs – souhaitons voir les violeurs gambader joyeusement. Juste ces chiffres issus de La Criminalité sexuelle, Xavier Lameyre, questionnent.
Elle dit simplement qu’au niveau juridique (son domaine) on a de quoi condamner. Cela ne veut pas dire qu’on a les moyens de le faire.
Je la cite, toujours en 2004 « Mais on ne doit pas oublier que ce qui, en droit, commence comme une exception pour une certaine catégorie d’infracteurs finit par devenir la norme pour tous. On ne renonce guère facilement à cette fête qu’est, comme disait Nietzsche, le châtiment. »