(J-Drama / Pilote) Kaseifu no Mita : une gouvernante mystérieuse et un déchirement familial poignant

Publié le 16 novembre 2011 par Myteleisrich @myteleisrich

En ce mercredi asiatique, je vous propose de rester au Japon afin de poursuivre l'exploration de la saison automnale actuellement en cours de diffusion. Signe de mon regain d'intérêt pour le petit écran du pays du Soleil Levant, il s'agit de la deuxième nouveauté testée cette saison, après Last Money ~Ai no Nedan~. C'est également mon coup de coeur toutes nationalités confondues de la semaine.

Kaseifu no Mita est diffusée sur NTV depuis le 12 octobre 2011, tous les mercredis soirs à partir de 22h. Elle comportera un total de 10 épisodes de 45 minutes environ (sauf le premier un peu plus long). Avec son approche atypique et intrigante, mêlant mystère et drame familial, ce drama m'aura très vite conquis. C'est donc à nouveau un "faux test de pilote" que je vous propose (après Gye Baek), puisque la critique qui suit a été rédigée après visionnage des cinq premiers épisodes (à jour de la diffusion japonaise). De quoi déclamer avec une certaine assurance l'enthousiasme que ce drama a su susciter chez moi.

Mita Akari est une gouvernante particulièrement appliquée et compétente dans son travail, donnant souvent entièrement satisfaction à ses employeurs. Cependant, elle ne sourit jamais, ne manifeste aucune émotion et ne donne jamais le fond de sa pensée, restant souvent sans réaction. Cette insensibilité et cette stoïcité apparentes font d'elle une exécutante mécanique de toutes les tâches qui lui sont ordonnées. Elle est en effet prête à remplir un ordre, quelqu'il soit, dans la mesure où celui-ci reste dans ses possibilités. Au point que sa supérieure conseille à ses employeurs de faire attention : si l'ordre était donné de tuer quelqu'un, il se pourrait fort que Mita Akari le fasse...

Kaseifu no Mita s'ouvre sur son arrivée dans une famille sans repères, au bord de la rupture. La mère est en effet décédée il y a moins de deux mois, laissant derrière elle quatre enfants choqués - une petite fille, deux garçons et une adolescente en passe de basculer dans l'âge adulte - ainsi qu'un mari dépassé qui ne sait comment réagir. En gouvernante omniprésente, figure extérieure qui ne juge jamais, Mita Akari va s'insérer dans le quotidien de cette famille, sa présence et ses actions permettant de révéler bien des non-dits et de soulager des tensions. Mais la vérité qui se cache derrière le drame qui a tout bouleversé risque bien de provoquer l'implosion définitive de cette famille sous le poids des responsabilités qui en découlent...

La réussite de Kaseifu no Mita tient à l'habile mélange des genres qu'elle met en scène. La série emprunte en effet à deux tonalités a priori très différentes, pour se révéler à la croisée du suspense et du mélodrame. Trouvant immédiatement le juste équilibre entre ces deux versants, le résultat s'avère à la fois intrigant et surprenant. D'une part, va être entretenu et exploré le mystère autour de cette figure atypique qu'est la gouvernante, le drama restant ici dans un registre purement suggestif qui n'en demeure pas moins inquiétant. D'autre part, nous sommes plongés, avec une justesse rare et beaucoup d'empathie, dans l'intensité dramatique d'une implosion familiale poignante.

C'est donc par sa faculté à développer de manière consistante ces deux facettes, à la fois parallèles et irrémédiablement liées entre elles, que ce drama assure non seulement son originalité et sa richesse, mais aussi la fidélité d'un téléspectateur rapidement captivé.

L'attrait de Kaseifu no Mita réside tout d'abord dans le personnage de Mita Akari. Le drama distille autour d'elle un parfum de mystère, empruntant à cette fin des codes narratifs qui ne sont pas sans évoquer ceux d'un thriller. Car Mita Akari n'a rien de l'employée dévouée ordinaire. Si elle pourrait a priori paraître idéale par sa faculté à exaucer presque tous les voeux, ses employeurs prennent vite conscience qu'elle exécute les ordres qui lui sont donnés sans le moindre recul. Tragiquement déshumanisée, comme déconnectée de toute émotion, elle apparaît semblable à une automate. Cherchant vainement un vestige d'humanité derrière cette figure impassible, le téléspectateur s'interroge : qui est-elle vraiment ? Quelle expérience a-t-elle vécue pour en arriver à ce stade de détachement, non seulement extrême, mais aussi dangereux ?

Au-delà du mystère qu'il dévoile peu à peu, le drama va également exploiter toutes les problématiques que peut soulever ce personnage si déroutant. Car Mita Akari ne s'embarrasse ni d'enjeux moraux, ni d'interdits légaux : elle fait ce qu'on lui demande dans la mesure de ses capacités, peu importe qu'il lui soit ordonné de nettoyer la salle de bain ou de tuer la voisine qui propage les rumeurs les plus infamantes sur la famille... Elle apparaît donc d'abord comme une figure inquiétante : sa seule présence rend soudain possible les souhaits les plus excessifs émis sous le coup de l'émotion, révélant ainsi la part d'ombre en chacun de ses employeurs. Cependant, au fil du drama, la perception du téléspectateur se nuance : en l'observant cantonnée dans un rôle de simple exécutante dont elle peut elle-même être la victime, on prend conscience que le réel enjeu n'est pas ce qui naîtra de sa propre initiative. Elle est le reflet de ses employeurs ; et ce qu'elle fait, c'est tout simplement placer ces derniers devant leurs responsabilités. C'est là le thème transversal, récurrent de ce drama.

Si le rôle de catalyseur de Mita Akari a une telle importance, c'est parce que Kaseifu no Mita nous raconte avant tout l'histoire de la famille Asuda, chez laquelle la gouvernante va être employée. Cette famille traverse une dure épreuve, celle du décès d'une mère qui faisait le lien entre tous ses membres. Le drama débute en empruntant une approche très classique du thème du deuil, traitant avec justesse et sans excès de la difficulté de chacun de faire face à cette perte. Mais très vite, et c'est là que réside la valeur ajoutée de la série, un tournant plus douloureux est pris : cette mort, présentée initialement comme accidentelle, est en réalité un suicide. Or, le jour précédent, son mari, ayant une aventure qu'il pensait sérieuse, avait annoncé à sa femme son intention de divorcer. Par une ironie amère que le drama met pleinement en lumière, le père s'apprêtait donc à abandonner sa famille, mais c'est finalement son épouse qui l'a devancé, d'une bien plus tragique et irrémédiable façon.

C'est lorsque la vérité éclate, à travers les scènes de confrontation qui en résultent, que Kaseifu no Mita acquiert véritablement une autre dimension, tant humaine qu'émotionnelle. Inversant soudain les rôles au sein de la famille, bouleversant toutes les certitudes, les implications de cette révélation sont abordées frontalement. Les réactions des divers enfants à la loyauté désormais écartelée sont décrites avec beaucoup de réalisme. Cependant c'est la figure du mari, par ses ambivalences, qui m'a le plus fasciné. Conscient de sa faillite dans un rôle de père qu'il n'a jamais souhaité, ayant toujours eu l'impression de subir cette vie, tout cela lui sert d'électrochoc pour soudain cesser de prétendre. Son honnêteté est à la fois désarmante et pathétique. Face à un dilemme où il n'y a aucune échappatoire, l'expression de ses doutes achève d'ébranler sa famille.Un père incapable d'affirmer son amour à son propre enfant peut-il se prétendre "père" ?

Nous présentant alors les ruines de la famille Asuda, Kaseifu no Mita n'hésite pas à employer une violence émotionnelle marquante qui pose en filigrane une question plus troublante : qu'est-ce qui fait et fonde une famille ? La série oblige chacun à s'interroger sur la nature de ce lien que l'on considère trop souvent comme un acquis et un dû. Après tout ce passif, les Asuda pourront-ils retrouver le sens du mot "famille" et en reformer une ?

Sur la forme, Kaseifu no Mita se présente de manière très classique. La caméra sait parfaitement jouer sur l'aura mystérieuse qui émane de Mita Akari, n'ayant pas son pareil pour la faire surgir dans un angle de porte ou imposant tout simplement sa présence stoïque et impassible dans un coin de la pièce où se déroule la scène. La réalisation emploie ainsi ce même mélange, entre drame familial et une touche plus inquiétante, qui fait tout l'attrait de ce drama. C'est ainsi que la petite musique qui retentit lors du début de chaque épisode tient beaucoup plus du thriller mystérieux. Dans l'ensemble, la bande-son de ce drama est réussie, avec notamment une superbe chanson qui accompagne toujours les dernières minutes de chaque épisode, dans un style rock un peu mélancolique, interprétée par Saito Kazuyoshi (cf. la deuxième vidéo à la fin de la note).

Enfin, Kaseifu no Mita bénéficie d'un casting homogène, dans lequel nul ne dénote. Logiquement, c'est sans doute Matsushima Nanako (GTO) qui retient prioritairement l'attention : dans un registre d'une impassibilité impressionante, c'est un rôle au minimalisme calculé qu'elle investit avec beaucoup sobriété. A ses côtés, par contraste avec ce détachement appliqué, on retrouve une famille en train de s'entre-déchirer. Le père est interprété avec beaucoup de nuances par Hasegawa Hiroki. Ce qui est assez amusant le concernant, c'est qu'il se retrouve simultanément dans les deux j-dramas que je visionne actuellement, puisqu'il est également l'acteur principal de Suzuki Sensei. Et si jusqu'à présent je le connaissais peu (voire pas), dans ce registre de personnage en proie au doute, j'avoue que je le trouve vraiment très convaincant ! Composent également cette petite famille : Kutsuna Shiori, Nakagawa Taishi, Ayabe Shuto et Honda Miyu. Signalons enfin la présence de Aibu Saki (Karei Naru Ichizoku, Perfect Report, Rebound).

Bilan : Aux confins du suspense et du mélodrame familial, Kaseifu no Mita est un intrigant drama qui trouve le juste équilibre entre ces différents genres et tonalités. Détaché de tout schéma manichéen, il sait aussi bien nous plonger dans un déchirement familial poignant, écrit avec beaucoup de justesse, que cultiver une aura de mystère prenant autour de cette figure presque inquiétante qu'est la gouvernante. En filigrane, s'esquisse une intéressante réflexion sur la famille et ses fondements. Parvenant à surprendre et à dépasser les attentes du téléspectateur, il devrait être capable de toucher tous les publics.

La solidité et la consistance de ces cinq premiers épisodes m'incitent à l'optimisme pour la seconde moitié de la série. A découvrir !


NOTE : 8/10


Les premières minutes de la série :


La chanson récurrente de l'OST (
Yasashiku Naritai par Saito Kazuyoshi) :