Les Tanks connaissent la vérité

Publié le 16 novembre 2011 par Mtislav
Après son arrestation en 1945, il a connu la Loubianka, les chantiers de construction, la vie de travailleur-prisonnier dans un laboratoire et à partir de 1949, le camp d’Ekibastouz au Kazakhstan. Où un chirurgien bagnard l’opère d’une tumeur. Libéré en 1953 mais relégué à Kol-Terek, au Kazakhstan. Deux ans plus tard, nouvelle tumeur maligne. Réhabilitation en 1956. 
Alexandre Soljenitsyne, un effort de funambule à chaque fois que nous l'écrivons ! Mais quelques uns n'ont pas hésité à donner cette solution au Politiqui n°10 :  un certain "Aime-t-il slave ?" (de qui se moque-t-on ?) ainsi que Suzanne que nous félicitons ! 
La photographie date de cette période. Il enseigne la physique à l’école de Mizinovka, un lieu que je ne suis pas parvenu à localiser pour tout vous dire. Imaginons un lieu dans la campagne entre Riazan et Nijni Novgorod. Riazan, à deux cents kilomètres de Moscou où il s’établira en 1957. Il donnera d’ailleurs “La Journée...” à publier sous le pseudo de Riazanski. Et Nijni Novgorod, histoire de communier avec Michel Strogoff et Dumas qu’admirait Soljenitsyne. Soljenistyne sort du Goulag. Il se fait baptiser. Il écrit. C’est de 1959 que date l’écriture d’"Une journée d'Ivan Denissovitch" qui sera publié en 1962.
La photographie a été publiée dans “Alexandre Soljenitsyne, le courage d’écrire”, sous la direction de Georges Nivat (éditions des Syrtes). Georges Nivat souligne la mémoire phénoménale du mathématicien devenu écrivain mais aussi la forme particulière de personnalité qu’il a été contraint de développer :  “un vrai clandestin, stratège et tacticien d’une armée secrète qui était composée de lui-même et de quelques compagnons de combat, les “invisibles””. Alexandre n’en est plus à apprendre par coeur ses écrits, à les enterrer au fond du jardin. Il a appris utiliser des micro-films. Il travaille au “Premier Cercle” et à un scénario “Les Tanks connaissent la vérité” relatant les troubles qui ont agité le camp d’Ekibastouz auxquels il a participé. 
Nivat explique les grandes manoeuvres des années qui suivent : “rédaction initialement totalement affranchie de toute censure, puisque écrite pour le tiroir (ou plutôt une cachette), suivie d’une révision pour “adoucir” le tranchant du texte, dès que paraît l’espoir d’une publication possible, enfin nouvelle rédaction “rendurcie” lorsque cet espoir disparaît.” A observer la photographie, on se dit qu’il ne lui manque qu’une carte sous les doigts et une casquette de général sous le bras... Deux autres “officiers” l’entourent, deux enfants. 
Il a quarante ans. Il n’est pas encore l’historien talentueux ou l’incarnation discutable de l’âme russe. Il n’est pas encore père. Un père qu’il a perdu trop tôt. Il est débarrassé du petit Staline. Il est grand. Il considère l’essentiel, un repas improvisé par les deux petits apôtres. S’il y a mise en scène, elle ne se voit guère si ce n’est qu’il a les yeux presque clos comme s’il apprenait son texte. En ce sens, on peut voir là un grand acteur de la politique.
Félicitations aux autres participants, au premier chef Lucia Mel, qui n'est pas passée loin, Gaël, MHPA, Nicolas et Solveig.