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Le Mefistofele de Boito? On l’aime ou on le voue aux Gémonies. Venant après Berlioz et Gounod, cet opéra écrit et remanié entre 1868 et 1875 assure la revanche du compositeur dans une relecture du mythe goethéen ripoliné au nouvel esthétisme des Scapligiati. Boito en devenant ainsi une des figures de proue.
Mefistofele restera toujours une œuvre atypique, inégale, touffue, une sorte de curiosité du répertoire lyrique du dix-neuvième siècle, un Faust revisité par un poète-compositeur de vingt-quatre ans, doté d’une profonde culture philosophique et littéraire, celui-là même qui allait à l’âge mûr signer les livrets des ultimes chefs d’œuvre de Verdi, Othello et Falstaff.
Ici, c’est Satan qui conduit encore une fois le bal! Et de belle manière. Afin de ne pas mettre ses pas dans ceux des deux Français qui avaient limité leurs transpositions à la première partie du drame, Boito en récupéra la version complète avec au final l’échappée dans l’antiquité de Troie et de sa belle Hélène. Les mauvaises langues relèveront quelques heurts entre l’Italien et le poète teuton, en filigrane cet effort angoissant pour rester au plus près du texte et y rester. Dans le genre ça casse mais ça passe, on a jamais fait mieux…
Il faut donc un sacré culot pour s’attaquer à ce pilier épisodique du répertoire. Voyez un peu: des chœurs en veux-tu en voilà et de toutes espèces (divins, carnavalesques, orgiaques…), une flopée de décors (Rudy Sabounghi), et pour finir quatre-cent quatre-vingt costumes (Buki Shiff au meilleur de sa forme) au compteur…
Broadway et Hollywood s’invitent au Grimaldi Forum pour trois heures d’un réjouissant shoot de bel canto italien.
La production raffinée, ludique, onirique, colorée, baroque et truffée d’humour de Jean-Louis Grinda laisse pantois, abasourdi. Tout simplement en allant à l’essentiel, dans une suite de tableaux fantasmagoriques qui nous trimbalent du ciel aux enfers grâce à de spectaculaires projections de nuages sur grand écran épousant les rafales orageuses de la partition. Les chœurs, en grand oratorio cosmique, sont comme suspendus dans le vide, les carnavals païens à souhait, la Nuit de Walpurgis d’un kitsch irrésistible… Pour qui veut entrer dans cette partition, bonheur complet, pari réussi! Importée de Liège, voilà une production encore une fois sérieuse et bien travaillée.
A tout Seigneur, Tout Honneur! Dans le rôle-titre Erwin Schrott, casse réellement la baraque et s’arrange avec une intelligence diabolique d’une partie écrite pour une vraie basse. Acrobatique, fielleux, visqueux, séduisant, jeune, plein de punch et de vitalité, d’un sex-appeal irrésistible, le baryton uruguayen emporte tout sur son passage.
Jolie prise de rôle également pour Oksana Dyka, Margarita qui a la voix du Bon Dieu, large, pleine, sensuelle, crémeuse à souhait, d’une beauté et d’une finition vocale proches de la perfection. L’approche dramatique est aussi fort belle.
Mirela Gradinaru (Elena), Christine Solhosse (Marta-Pantalis) et Maurizio Pace (Wagner-Nereo) faisaient mieux que de l’intelligente figuration.
Remercions enfin Fabio Armiliato d’avoir sauvé le spectacle. Affecté d’une terrible laryngite, le sympathique ténor génois, n’a pu donner le meilleur de lui-même. On connait sa générosité, sa probité, son sérieux, son professionnalisme. Privé de la moitié de ses capacités, un côté jusqu’au-boutiste, en cette matinée dominicale, rendait son Faust encore plus vrai, plus humain, plus pathétique, plus poignant.
Chorale Rainier III, Chœurs de Monte-Carlo et Nice, immenses, stellaires, grandioses, sous la direction hyperlyrique, pleine de vie, survoltée, d’un Gianluigi Gelmetti, plus que jamais sensible aux accents et nuances d’une partition ambitieuse, étrange, unique en son genre.
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