Clément Poirée, collaborateur artistique de longue date de Philippe Adrien, propose un Shakespeare de toute beauté, drôle, intense et sans esbroufe, porté par une distribution contenant quelques personnalités à suivre de près...
"Beaucoup de bruit pour rien" nous propulse au coeur de deux histoires d'amour. L'une provoquée, l'autre contrariée. Chacune finira cependant par un mariage après de nombreuses péripéties. Cette comédie aux accents parfois graves ou mélancoliques, dans la lignée du "Songe" et annonciatrice de "La Mégère" par l'un de ses personnages, est habilement transposée par le metteur en scène dans la première moitié du vingtième siècle, traduite avec modernité et vivacité par Jude Lucas, dans le plus grand respect du style de l'auteur.
Visuellement, Clément Poirée parvient à faire de chaque tableau de la pièce une véritable peinture. Parfois inachevée. Il en oublie même ses outils sur le plateau (pinceaux, escabeau, bâche de protection...) . Eclairages sculptés, postures des acteurs ultra travaillées, éléments de décor rares, choisis et disposés avec le plus grand soin. Un cadre doré sert d'écrin à l'action. Les images sont belles, fortes. On se croirait immergé dans la toile d'un artiste naturaliste. C'est superbe !
Revenons aux comédiens. Si tous se révèlent à la hauteur des personnages, nonobstant un Jean-Claude Jay dont le jeu nous laisse au fil des ans toujours aussi perplexes (mais on ne peut pas plaire à tout le monde...), ce sont les femmes qui ont surtout retenu notre attention. Alix Poisson compose une truculente Béatrice, jeune fille au tempérament de feu ne voulant pas entendre parler du mariage et dénigrant la gent masculine (qui dira pourtant "oui" à la fin de l'intrigue). Efficace, à la technique sans faille, elle insuffle une belle dynamique au spectacle. Parallèlement, la fragilité de Suzanne Aubert, qui en Hero (c'est le nom du personnage) se verra insultée et humiliée publiquement par celui qu'elle devait épouser (et qu'elle épousera finalement...), nous a touchés. Enfin nous fûmes conquis par la force comique de Manon Combes, irrésistible en Margaret, suivante de Hero, au naturel et à l'accent marseillais des plus rafraîchissants ! Ces trois là illuminent le spectacle de leur talent et de leur personnalité.
Du Shakespeare monté comme on aimerait en voir tous les jours ! Plus exigeant et abouti que le Songe de Nicolas Briançon à la Porte Saint-Martin, mais tout aussi accessible.
A la Cartoucherie (théâtre de La Tempête) jusqu'au 11 décembre. Deux heures et quart que vous ne verrez pas passer.
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Photos : Antonia Bozzi