Une soirée entre amis avec Karkwa

Publié le 16 novembre 2011 par Gabnews
Le 11 novembre dernier, un célèbre programmateur d’un célèbre festival fêtait son anniversaire au Tipi. Pour la cause, il avait rassemblé une foule d’amis, tant dans la salle que sur scène. Pour l’occasion, Simon Beaudoux, Loic BO, Redboy (MLCD) et j’en passe sont venus faire grincer leur guitare en l’honneur de leur hôte. Pour couronner le tout, un groupe d’outre-atlantique, venait ponctuer la soirée. Karkwa, un groupe trop peu connu de ce côté de l’océan, nous faisait le cadeau d’un concert en toute intimité.
On ne va pas vous mentir, on était pas complètement convaincues. On trouvait le dernier album assez plat. Et puis, la pop/rock en français, je n’adhère pas. Or, surprise, on est complètement rentrées dans cet univers sombre et mélancolique. Leur set est beaucoup plus rock et pèchu que ce que l’on peut entendre sur support, et c’était pas pour nous déplaire. Il va sans dire, les cinq gars en imposent. On est vraiment face à une petite machine rodée et efficace. Dommage pour la qualité sonore, encore une fois, le Tipi a de quoi se poser des questions.
Par rapport à mon aversion pour le français chanté, j’ai tenté de faire abstraction de la langue (d’autant plus facile qu’on ne comprenait pas grand chose). Un peu comme s’ils chantaient dans une langue obscure et incompréhensible. Et c’était définitivement le bon plan ! D’après Louis-Jean Cornier, c’est comme ça qu’est reçue leur musique quand ils jouent en Angleterre, par exemple, un peu comme Sigur Ros.
Toutes les photos du concert par Céline sont visibles ici.
Comment ça, d’où je tiens cette info ? Ah oui ! Je ne vous ai pas dis. On a eu la possibilité de discuter un brin avec le chanteur, Louis-Jean (qui arborait pour le « movember » une jolie moustache) et le batteur, Stephane. Une interview décontractée d’avant concert.
Qu’est-ce que ça veut dire « Karkwa » ?
Louis-Jean : Vous n’avez pas fait votre boulot les filles ! Un carquois, c’est un étui à flèches. On a choisi de l’écrire « karkwa », selon la phonétique internationale. Mais ça ne veut absolument rien dire pour nous. Pour connaitre la raison de ce choix, il faut demander aux adolescents qu’on était quand on a mis le doigts les yeux fermés dans le dictionnaire pour trouver un nom de groupe…
Vous existez depuis plus de 15 ans. Quel est le secret de cette longévité ?
Stéphane : La chance. En grande proportion, oui. C’est comme un couple mais on multiplie les aspects négatifs par cinq. C’est pas commun d’avoir un travail où tu lies des liens si fort avec tes collègues. Donc je pense qu’il faut tomber sur les bonnes personnes pour que ça marche.
Louis-Jean : Il y a plein de niveau de difficulté à cette profession. C’est souvent une question d’endurance, par rapport aux autres, par rapports aux kilomètres, aux heures de vol, aux salles de concert qui sont déficientes techniquement ou très bien techniquement. En générale, quand on a une tournée bien organisée avec des salles qui sont bien, le moral des troupes est meilleur.
Pour un groupe qui vient du Québec, c’est un parti pris de chanter en français ?
Louis-Jean : Chez nous, c’est une vocation mais on ne le fait pas par engagement politique mais plutôt parce qu’on trouve que c’est une belle langue et que les gens la délaissent, même de ce côté de l’océan. Il y a de plus en plus de groupes qui chantent en anglais. Je n’ai aucun mal-être avec ça. Mais avec Karkwa, c’est comme ça depuis le début et ça va le rester. On est un groupe d’expression francophone. Ca fait de nous des espèces de bêtes à part. Parce qu’en France ou en Belgique, il n’y a pas beaucoup de groupes de rock qui s’expriment en français. C’est notre fierté parce que c’est notre langue.
Stéphane : Et puis il y a l’aspect traduction. Le français, c’est notre langue maternel. Et je ne vois pas l’intérêt d’écrire un texte et puis de le traduire, à part peut-être de vouloir être une star planétaire.
Louis-Jean : Ce qui peut être une bonne idée aussi. En même temps, l’idéal d’un artiste, c’est quand même de faire un truc universel, que ça touche le plus grand nombre et que le monde entier se souvienne de ta chanson. De ce point de vue-là, on ne peut pas contester de vouloir chanter en anglais. Mais, si tu chantes en anglais comme la plupart des groupes français et puis que tu n’arrives pas à sortir de la France, là il y a un petit problème.
Stéphane : Ça place l’industrie française ou belge d’ailleurs dans une position un peu particulière. C’est-à-dire que ça va devenir de plus en plus difficile. Tout le milieu culturel qui a été bâti qui était très bien structuré et très bien nourri financièrement se heurte maintenant à la complexité des anglais d’Angleterre et des anglais des Etats-Unis qui eux ont aussi et peut-être plus, sans vouloir être « baveu » comme on dit chez nous (comprendre « condescendant »), une plus grande filiation au rock. C’est plus flagrant d’avoir des groupes rock dans ces milieux là. Ca tue un peu le milieu. La crise du disque en France, proportionnellement parlant, est dix fois pire que chez nous au Québec. Il y a peut-être des questions à se poser. On dit que les gens n’achètent plus d’albums. Mais attends ! Est-ce que vous travaillez à construire une industrie du disque française qui plait aux francophones d’Europe ? Je ne crois pas. Maintenant la tendance est tellement d’essayer de percer … Et c’est drôle parce que nous, surtout en France, on nous dit souvent qu’on a un fort accent. Mais quand on joue aux Etats-Unis avec un groupe français qui chante en anglais, on entend un terrible accent ! Ce qui nous met un peu d’égal à égal.
Et comment est reçue votre musique par les publics non-francophones ?
Louis-Jean : C’est dur à dire … Parce qu’on draine quand même un public majoritairement francophone. Quand on va jouer à New-York, il y a une majorité de gens de Montréal. Mais quand on va jouer dans les pays scandinaves, la réaction est assez intéressante. Les gens sont à l’aise avec le fait d’entendre un concert en dialecte qui est différent de l’anglais. Ca les rend super accueillants.
Stephane : Ils ont l’habitude d’entendre des chansons qui ne sont pas dans leur langue.
Louis-Jean : Et quand on tourne aux Etats-Unis ou en Angleterre, les gens vont nous comparer d’emblée à des groupes islandais comme Sigur Ros. Parce que pour eux, c’est une musique qui est plaisante mais ils ne comprennent rien de ce qu’on dit. Ca crée un espèce d’exotisme.
La tournée en cours accompagne votre dernier album « Les chemins de verre » qui est sorti en 2010. Ca fait longtemps que vous êtes sur la route, dites-moi.
Stéphane : On est pris dans un roulement entre tournées et albums. C’est un peu une tournée qui dure depuis dix ans.
Louis-Jean : Mais les retombées du dernier albums sont assez grosses. Ca nous a permis de faire pleins de trucs qu’on avait encore jamais fait. Depuis la sortie de « Les chemins de verre » et surtout depuis notre victoire du prix « Polaris » au Canada anglais, on a été écouté par un grand nombre de mélomanes, anglais en majorité, et qui ont accroché sur notre musique. Ca nous a fait faire des tournées qu’on ne pensait jamais faire. On est allé presque jusqu’en Alaska ! On a un tourneur nord-américain qui nous book partout. C’est ce prix-là et les retombées indirectes de ce prix qui nous a permis de jouer en Allemagne, au Danemark, en Islande. Mais nous, notre but, cette année, c’était de prendre des vacances ! A la sortie de ce disque, on s’est dit « on le sort, on le laisse vivre un peu et puis on se retire ». Et puis là, on est entrain de le promouvoir en Europe … Mais là, on vous le jure, mesdames, on va se reposer ! En 2012, on envisage la sabbatique.
Vous avez assuré la première partie d’Arcade Fire au Zénith de Paris. Ca fait quoi ?
Stephane : C’est agréable ! Mais ça se passe surtout au moment où tu apprends que tu vas le faire, quand tu anticipes. Sinon, la soirée arrive super vite. Surtout que nous, on débarquait de l’avion et on allait au Zénith. Et cette salle est immense, elle est faite pour de très gros concerts. Et quand tu es le groupe principal de la soirée, tu es avec tout ton équipement, tous tes techniciens, tu te mets à l’aise. Mais nous, on était juste la première partie. On était étourdi.
Louis-Jean : C’était un peu maladroit. On a eu notre dose de problèmes techniques. Les gens sont là pour patienter avant Arcade Fire. Mais il faut dire qu’il y avait une grande partie du public qui connaissait Karkwa. Mais Arcade Fire, pour en parler juste un peu, ce sont des gens qui font de la musique pour les bonnes raisons. Ils sont super sympathiques. Ils font pas vraiment de compromis. Les journalistes peuvent les trouver hautains parce qu’ils ne veulent pas trop leur parler. Mais avec les artistes et avec les artisans, les techniciens, ils sont vraiment super chaleureux. Et puis, ils sont vraiment super bons. Ca aide !
Et quelles sont vos impressions pour ce soir ?
Stephane : On est pas des vedettes en Europe. Et on se heurte à toutes sortes de contextes. On a fait des petites salles super équipées avec plein de gens, des immenses salles bien équipées avec peu de gens, des salles moyennement équipées avec moyennement de gens … A peu près toutes les possibilités. Notre tournée ressemble à ça.
Aujourd’hui, c’est sold out, dans une petite salle, moyennement équipée…
Louis-Jean : Ce soir, on est là en grande partie pour célébrer l’anniversaire d’un gars qu’on aime bien et qui nous aime bien. On s’est rencontré quand il nous avait programmé et depuis on se croise souvent. Une grande partie de nos attentes sur ce concert sont concentrées sur « Ouch ! Je vais avoir mal à la tête demain ».
Et pour conclure, quels sont vos derniers coups de coeur musicaux ?
Louis-Jean : Connan Mockassin, Philippe B et son album « Les variations fantômes », The Tallest Man on Earth, James Blake, Fredo Viola.
Stephane : Connan Mockassin aussi, Tame Impala, Timber Timbre.


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Large extrait de l'article "Une soirée entre amis avec Karkwa – 11.11.11 @ Tipi" publié le 16 novembre 2011, auteur Françoise, The Noisy Exhibition