Jean-Jacques Sempé, dessinateur et Gilbert Garcin photographe, sont décidément deux octogénaires bien verts !
Outre leur grand âge, ils ont un autre point commun : ils pratiquent «l’humour grave».
Sempé et Gracin ont le don de nous faire sourire tout en nous faisant réfléchir.
Voyez plutôt !
En faisant un petit tour à l’Hotel de Ville de Paris vous pourrez découvrir 300 dessins originaux de Sempé.
C’est l’occasion d’admirer son trait génial tout en s’en payant une tranche !
Car on rigole beaucoup devant ses petits personnages qui nous ressemblent tellement.
On rigole, et en même temps on a un petit pincement au coeur. C’est l’effet «humour grave» !
On est d’abord touché par le petit air de nostalgie qui flotte sur ses dessins.
On y retrouve : le bus à plateforme, le monsieur qui salue en soulevant son chapeau, les amoureux à bicyclette dans les champs… Tout cela forme une sorte d’image d’Epinal de la France des trente glorieuses.
Et pourtant, il y a quelque chose de totalement indémodable et intemporel dans ces petits personnages écrasés par le quotidien, la vie, le temps… C’est bien nous que Sempé croque : nos tics, nos espoirs, nos vanités. Mais il le fait sans moralisme, avec tendresse. Comme il le dit : «il ne fait pas de l’esprit, mais de l’humour».
Enfin, il y a dans l’expo un Sempé peu connu, c’est le «Sempé peintre». Depuis 1978 Sempé collabore au journal le New-Yorker pour lequel il a fait plus de 100 couvertures à la gouache, aux crayons ou à l’aquarelle.
Il y a une couverture que j’aime particulièrement. C’est celle où un monsieur en costume porte un attaché caisse à la main et traverse une forêt, cravate au vent, sourire aux lèvres. C’est très simple, mais tout est là : notre soif de douceur, de nature, de liberté… et, en arrière fond : le costume qui enserre dans un rôle social, la ville que l’on devine oppressante … C’est un petit moment de bonheur que Sempé capte avec génie.
C’est le même esprit ludique, tendrement moqueur, «légèrement» philosophique que l’on retrouve dans les photos de Gilbert Garcin.
Ce monsieur s’est mis à la photo à la retraite avec un gout prononcé pour l’auto-dérision. Grâce à des photos montages très graphiques il se met en scène (parfois avec sa femme) pour nous livrer une vision de la condition humaine à la fois drôle et terrible.
Une photo que j’adore c’est celle où «Monsieur G» déroule la route devant sa femme.Là aussi, tout est dit : les choses n’ont aucun sens, mais il faut bien tracer son chemin, non ?
Pour autant, tout n’est pas si explicite chez Gilbert Garcin. Il y a aussi une grande part d’onirisme dans son oeuvre. Il me rappelle parfois ces cauchemars où l’on court toute une nuit après un bout de papier. Ou bien, ces rêves où le ciel est à l’envers, comme un miroir à nos pieds… En tout cas c’est le genre de rêve que je fais. Il faut croire que nous faisons les mêmes !
Finalement je trouve que les oeuvres de Sempé et de Garcin sont des cures de jouvence. Ces deux vieux messieurs sont restés des gamins facétieux toujours prêt à faire des blagues. Des blagues à part… un peu métaphysiques, qui nous permettent, à nous aussi, de supporter le temps qui passe.
L’exposition « Sempé, un peu de Paris et d’ailleurs » 300 dessins originaux
Du 21 octobre 2011 au 11 février 2012.
Exposition gratuite à l’Hôtel de Ville.
Tous les jours sauf dimanches et fêtes de 10h à 19h.
Conseil : allez-y plutôt le matin car il y a beaucoup d’attente l’après-midi.
Pour en savoir plus sur l’oeuvre de Gilbert Garcin : http://www.gilbert-garcin.com/