Encore quelques expositions vues à Tel-Aviv et alentour, et d'abord celle de Laurent Mareschal au Musée d'Ashdod où j'allais le dernier jour de l'exposition (et alors que quelques missiles venaient de tomber sur la ville en représailles à un raid meurtrier la veille). Laurent Mareschal est un artiste français marié à une Israélienne, il a longtemps vécu en Israël. Au bout de cinq mois d'exposition, les épices locales qui composent ce parterre un peu piétiné, comme un carrelage de maison arabe, avaient un peu perdu leur senteur, mais, me disait-on, au début, tout le musée embaumait : cette pièce, nommée Beiti, évoque tant la maison juive que la maison arabe, ici réunies. A côté d'une vidéo montrant l'idylle incertaine d'enfants juifs et arabes construisant un château de sable que la mer détruira, cette pièce de trois métronomes battant parfois à l'unisson en trio, ou deux synchronisés contre un, ou en désaccord total, se nomme Jules, Catherine et Jim : les coeurs des trois protagonistes de Roché et de Truffaut battent encore. La coïncidence est que le fils de Jules a écrit 'Indignez-vous' en évoquant les crimes commis cent kilomètres au sud d'Ashdod.
A Tel-Aviv même, parmi les galeries visitées, une vidéo de Yael Bartana inspirée d'Otto Dix, Degenerate Art Lives (chez Irit Sommer) montrait ces vétérans éclopés qui défilaient en formant, vus de haut, les mots 'Entartene Kunst' : devant ce travail sur le militarisme et la censure, j'ai aussi pensé à Trembling Time.
Chez Alon Segev, j'ai aimé les tableaux de Maya Gold, paysages structurés par leur seule ligne d'horizon, personnages vus d'en haut et nuages sans limites, comme un travail jouant avec le vertical et l'horizontal, le haut et le bas, le cadre et le hors-champ.
A la galerie Dvir, dans son Hangar de Jaffa, Dor Guez présentait une vidéo (Sabir) sur son histoire, récit de sa grand-mère palestinienne dont la maison, voisine du Hangar, leur fut volée en 1948 lors de la Nakba. Tout le travail de cet artiste (de père juif tunisien et de mère palestinienne chrétienne) tourne autour de la mémoire et de l'appartenance à une minorité, et cette brève rencontre m'a donné envie d'en voir plus.
Encore plus brève fut, hélas, la visite au Musée d'Herzliya pour la fin de la Biennale locale. Gil Marco Shani y a construit un trompe-l'oeil glacial où on se heurte à une porte de verre de l'entrée d'un immeuble, désorientant le visiteur, Nir Evron y montre le Palais du Roi Hussein à Ramallah, achevé à la veille de l'invasion israélienne en 1967 et Michal Helfman a construit cette impressionnante installation Forgive Forget, comme un fantôme de burqa. Adam Rabinovitz, lui a bâti un cocon blanc accueillant comme un tombeau. Malgré la visite trop rapide, j'y ai ressenti une sensation d'étrangeté, de suspension, d'inachevé.
Photos 1, 2 & 6 de l'auteur. Ce voyage a été fait en compagnie d’un groupe d’Amis de la Maison Rouge, ce billet n'exprimant évidemment que la vision personnelle de l'auteur.