Le dîner - Herman KOCH

Aujourd'hui, je vous invite au restaurant ! Mais peut-être ce repas festif vous restera-t-il sur l'estomac… Car oui, même si le restaurant choisi est chic et branché à souhait, même si les plats sont succulents, le service impeccable, il faudra bien à un moment ou un autre payer l’addition. Et cette addition est parfois plus salée qu’on ne le croyait…

En effet, ce dîner, autant vous le dire d’emblée, ne se terminera pas dans la joie et la bonne humeur ! Pourtant, deux couples qui se connaissent bien, deux frères et leurs épouses à la même table, cela ne devrait pas poser de problème. Mais il faut savoir que les deux frères ne s’entendent pas vraiment à merveille, et que le narrateur, Paul, le plus jeune des deux et celui qui a le moins « réussi » dans la vie, en a un peu gros sur la patate de ce frère qui l’écrase, le nargue de ses succès, le rabaisse, tout ça parce qu’il est un homme politique en pleine ascension… C’est en effet ce qu’il ressent, même si on se pose la question de savoir ce qu’il en est en réalité.

Bref, ils sont quatre à table, pas vraiment heureux de se retrouver mais faisant comme si. Babette, la femme de Serge, se cache derrière ses lunettes de soleil pour masquer ses larmes, tandis que Claire, l’épouse de Paul parait sereine et heureuse. Elle épaule son mari, le soutient, et apaise ses angoisses, qui paraissent parfois bien irrationnelles, tout du moins avant d’en arriver au dessert fatidique. Tout au long du dîner, chapitre après chapitre, nous suivons nos quatre protagonistes, leurs discussions, leurs pensées, et surtout celle de Paul, le narrateur. Hors d’œuvre, plat principal et dessert, café, digestif et addition, tout du long, on discute. On parle de tout et de rien, de cinéma, des vacances, de la vie en général, comme le font toutes les familles. Et pourtant ces quatre adultes n’osent pas aborder le sujet principal, objet de la rencontre, qu’on laisse soigneusement de coté jusqu’au dessert. Il faut malgré tout bien y venir et ils évoquent alors du bout des lèvres leurs fils respectifs.

Ce roman est assez impressionnant, car la pression monte tout au long du repas, subrepticement, sans qu’on y prenne vraiment garde. Le narrateur évoque ses souvenirs, notamment ce qui le lie à sa femme qu’il aime et dont il dit connaître parfaitement pensées et réactions. On se rend cependant compte au fil de l’avancée du repas que tout n’est pas rose pour autant. Avec le frère bien sûr, puisque leurs dissensions sont évoquées dès le départ, mais aussi au sein des deux couples.

Certains passages sont très drôles, ainsi l’arrivée de Serge dans ce restaurant branché, ou bien les descriptions récurrentes de la main du serveur qui annonce les plats en montrant les assiettes, la panique des desserts, ou des commandes des boissons, ou bien le barbecue en Dordogne, tout à fait ridicule, mais on rit jaune car on en apprend un peu plus au fur et à mesure sur les fameux fils et leur « grosse bêtise ».

J’ai dévoré Le dîner, mais la fin m’est bien sûr, comme pour beaucoup de ceux qui l’ont déjà lu, restée en travers. Le ton mondain et superficiel des conversations de départ devient lugubre, et on se demande bien ce que nous ferions, nous, si quelque chose de ce genre nous arrivait…

Pas de morale à ce roman, mais des questions vraiment intéressantes : quelle est la place que nous donnons à nos enfants, que sommes-nous prêts à faire pour les aider ou les protéger ? Où plaçons-nous la barre de la justice, celle du bien et du mal, celle de la moralité ? Doit-on payer pour ses erreurs ? Est-on responsable quand on est encore mineur ? Et connaissons-nous vraiment notre conjoint, même si nous sommes en couple depuis de longues années, savons-nous quelles seraient ses réactions en période de stress ou en cas de problème grave ?

A lire absolument !