Titre : Le Jardin d'Hiver
Scénariste : Renaud Dillies
Dessinateur : Grazia La Padula
Parution : Août 2008
Je suis tombé par hasard sur la bande-dessinée « Le jardin d’hiver ». Le nom de Renaud Dillies sur la couverture a de suite attiré mon regard ! Très fan de son dessin, j’ai été un déçu de voir qu’il ne fait que scénariser cette œuvre, laissant le dessin à Grazia La Padula, dont je ne connaissais pas les travaux. C’est a priori sa première œuvre. Renaud Dillies s’est lui démarqué avec des livres comme « Betty Blues » et « Bulles & Nacelles », ouvrages qu’il menait au dessin et au scénario.
Sam est serveur dans un bar d’une grande ville. Vivant seul, vaguement dépressif, il a coupé les ponts avec ses parents. Un jour, un dégât des eaux intervient : des gouttes d’eau coulent du plafond. Sam sonne alors chez son voisin qui le prend pour son fils. Dérouté, le héros va jouer le jeu quelques instants avant de s’enfuir. Mais le remord le ronge : peut-être aurait-il du faire semblant, le vieil homme avait l’air tellement épanoui… La fuite d’eau continuant et s’amplifiant, Sam va être obligé d’y retourner. Une façon de trouver du courage d’affronter ses propres démons ?
Bien que semblant souffrir de la solitude, Sam a une petite copine : Lili. Cependant, quelque chose semble l’empêcher de s’épanouir pleinement dans cette relation. Pour pouvoir aller de l’avant, il va falloir qu’il regarde en arrière…
On retrouve sans peine dans l’histoire la patte de Renaud Dillies. La solitude est un poids que peut alléger une rencontrer, fut-elle étrange. De même la marginalisation est encore une fois combattue par l’auteur par l’intermédiaire du personnage du drogué. Renaud Dillies sait planter un univers en quelques dialogues et situations avec talent. Les 66 pages de l’ouvrage ne répondent pas à toutes les questions que l’on se pose. Car si le passé des personnages existe, elle est vue au présent, comme des conséquences. Pas de flashbacks explicatifs, on suit le déroulement des évènements, devinant sans peine les fardeaux de chacun.
Afin de renforcer l’aspect dépressif de l’album, il pleut tout le temps. Outre les averses à répétition dehors, il goutte même chez Sam avec la fuite d’eau. Ajouté à ça à la ville, terreau d’agressivité et de béton, c’est l’ensemble du monde qui semble contre les personnages. Et leur seul moyen d’en sortir, c’est de se créer un cocon. Dillies nous concocte comme à son habitude une véritable fable sur notre monde moderne. Et sous un aspect très noir, c’est finalement une œuvre avant tout optimiste.
Etant un fan absolu du trait de Dillies, j’ai eu une moue contrarié de voir cette œuvre dessiné par un autre. Et pourtant, je ne peux qu’applaudir ce choix. Grazia La Padula dessine des personnages aux grosses têtes et au nez rouges avec un style très personnel et original. Les décors regorgent de détail à chaque case. La gestion des couleurs, très douce et grise, participe à planter l’ambiance mélancolique (voire glauque) de l’ouvrage. Mais quand de bonnes choses arrivent, les couleurs s’éveillent pour notre plus grand plaisir. Dillies a clairement trouvé un dessinateur à la hauteur de ses histoires.
« Le jardin d’hiver » est une œuvre sensible, comme un conte parsemé de poésie. La narration de Dillies ne marie parfaitement aux planches magnifiques que nous concocte La Padula. Une belle osmose entre deux auteurs qui ne peut que nous faire espérer une nouvelle collaboration !
par Belzaran
Note : 16/20