éoliennes : le paradoxe de la simplification

Publié le 16 novembre 2011 par Arnaudgossement

A peine intégrées à la nomenclature des ICPE, les éoliennes font déjà l'objet de textes tendant à simplifier le nouveau régime juridique mis en place : une nouvelle preuve du caractère inadapté du classement ICPE des aérogénérateurs. Analyse d'une réforme en trompe l'oeil.


Le Ministère de l'écologie vient de décider de mesures de simplifications du régime ICPE des éoliennes. Alors que ce régime juridique a été présenté comme le plus adapté à l'activité de production d'énergie du vent, l'administration est contrainte de multiplier les dérogations et simplifications. Ce faisant l'administration est en train de créer un droit spécifique aux éoliennes à l'intérieur du droit des ICPE. 

Or, tout juriste sait bien que la multiplication des mesures de simplification a généralement pour effet de....compliquer le régime juridique ainsi traité. C'est désormais un nombre élevé de textes qui a été élaboré en quelques semaines et qui doit être manipulé par les acteurs de l'éolien.  

Plus grave : les mesures de simplification présentées ne simplifient rien. Revue des mesures de simplification annoncées (en gras).

1) Désignation d’un interlocuteur unique pour l’instruction des dossiers permis de construire et ICPE : un chef de projet sera désigné dans les services qui sera l’« interlocuteur unique » du porteur de projet. Il sera particulièrement chargé de veiller à la cohérence de l’instruction, y compris les différentes consultations et expertises nécessaires, et de définir et de faire respecter un calendrier prévisionnel en liaison avec le porteur du projet. 

Commentaire : cette annonce d'un interlocuteur unique est surprenante. D'une part, s'agissant d'une ICPE c'est toujours le DREAL qui est pilote de l'instruction du dossier de demande d'autorisation et doit assurer sa cohérence. Les acteurs de l'éolien ne bénéficient ici d'aucun privilège. Par ailleurs, les textes publiés cet été précisent que l'administration ne doit pas prendre en charge la procédure qui doit être organisée - avant le dépôt de la demande d'autorisation ICPE - entre les exploitants et les opérateurs radars : armée, aviation civile, météo france.. La promesse d'un guichet unique ne vaut donc pas pour pour la procédure radar ni, bien sûr, pour les procédures raccordement et obligation d'achat. Il n'y a donc ici aucun progrés, juste l'application du droit existant. 

2) Renforcement de l’homogénéité des pratiques : afin de garantir une bonne circulation des informations entre les services de l’Etat et une harmonisation des pratiques, les clubs départementaux éoliens seront fusionnés en clubs régionaux animés par la DREAL en y intégrant tous les services concernés, tant régionaux que départementaux.

Commentaire : il ne s'agit nullement d'une procédure de simplification mais d'une simple mesure de réorganisation administrative consécutivé à l'attribution d'une nouvelle compétence aux DREAL...qui n'en voulaient pas. Auparavant les préfectures de département instruisaient les permis de construire (DDT) : demain, si la DDT continuera d'instruire le volet PC, les DREAL instruiront, au niveau régional, les dossiers ICPE. D'où une régionalisation obligatoire de la procédure d'instruction. Pas de simplification mais juste une application des nouvelles règles.

3) Réduction des consultations requises : les éoliennes, comme les carrières, feront l’objet d’une consultation unique non pas du Conseil Départemental de l’Environnement, des Risques Sanitaires et Technologiques (CODERST) mais de la Commission Départementale de la Nature, des Paysages et des Sites (CDNPS) dans le cadre de la procédure ICPE. Cette modification prend acte des enjeux plus importants en matière de paysages et de sites qu’en matière de risques technologiques de ces installations classées. En outre, la consultation de la CDNPS pourra être unique et conjointe au titre des deux procédures permis de construire et ICPE lorsqu’une telle consultation est nécessaire dans le cadre de la procédure permis de construire.

Commentaire : il faut demander aux exploitants de carrières s'ils considèrent que la suppression du CODERST (cf. ma note précédente de ce jour sur ce point) a réellement contribué à la réduction des délais de procédure et à la sécurité juridique de leurs projets. Il s'agit d'une réforme assez contradictoire. 

4) Amélioration de la sécurité juridique pour les exploitants : afin de consolider la stabilité juridique dans le temps des permis de construire et autorisations ICPE, une modification des règles de caducité de ces deux autorisations administratives sera introduite.

Ainsi, il est prévu que les délais de caducité des deux autorisations administratives soient suspendus dès lors que l’une au moins d’entre elle fait l’objet d’un recours. Cette modification du code de l’environnement et du code de l’urbanisme permettra d’éviter que les périodes de recours contre l’un des documents administratifs dépassent les délais de caducité de l’autre et obligent à mener une nouvelle procédure. 

Commentaire : Voici la seule mesure qui mérite en effet d'être approuvée. Les règles de caducité et de péremption (cf. mon billet à ce sujet) peuvent en effet être modifiées. Reste que cette mesure n'a pas d'incidence directe sur le risque contentieux qui demeure bien plus élevé depuis le classement ICPE des éoliennes.

5) Exemption d’autorisation d’exploiter pour les projets sous 30 MW : jusqu’à présent, tous les projets éoliens au-dessus de 4,5 MW devaient obtenir une autorisation d’exploiter du ministère. Dorénavant, les projets sous 30 MW en seront exemptés. 

Commentaire : cette éxonération est bien entendu positive mais son champ d'application est particulièrement restreint et ne concerne pas la procédure la plus compliquée. 

En définitive, ces mesures de simplification ne sont pour la plupart que de simples mesures de mise en oeuvre du classement ICPE des éoliennes. Les principaux inconvénients de ce nouveau cadre juridique ne sont pas ici concernés ni traités.