Dans mon précédent billet, j'avais rapporté, et commenté, les réactions de quelques députés à la proposition de Lionnel Luca, député UMP des Alpes-Maritimes, visant à diminuer de 10% l'indemnité des députés. Voici les propos de quelques autres indignés.
Pour ma part, je décernerais la palme à Jacques Myard, député UMP des Yvelines, qui s'exprime ainsi : " Nous sommes franchement bien en-dessous de ce que gagnent de très nombreux cadres français. Donc il faut arrêter ce genre de conneries. La mesure proposée par Lionnel [...] aujourd'hui est à contre-sens économique et c'est un non-sens politique, c'est flatter je dirais les plus bas instincts de l'anti-parlementarisme qui est toujours en sommeil dans ce pays ".
Ce représentant du peuple connaît fort mal la réalité sociologique de ce dit peuple. Si certains cadres dirigeants peuvent gagner davantage que les députés, l'immense majorité des cadres ne connaissent pas un tel niveau de rémunération. De plus, à la différence des députés, la totalité de leurs revenus est imposable. Enfin, ils sont rémunérés par leurs entreprises et non par de l'argent public et surtout, leur performance est évaluée beaucoup plus souvent qu'une fois tous les cinq ans. En quoi réduire les dépenses de l' É tat serait un contre-sens économique ? Quant à l'anti-parlementarisme, il est plutôt nourri par le manque d'assiduité des députés, résultant du cumul des mandats de certains d'entre eux et par leur souci d'être présent dans leur circonscription, c'est-à-dire chez eux. .
J'attribuerais à Jean-Marie le Guen, député PS de Paris, le prix de la mauvaise foi : " Monsieur Luca [...] essaie ainsi d'instiller aussi un message : Français, apprêtez-vous à diminuer vos salaires, apprêtez-vous à diminuer votre protection sociale, c'est moins les parlementaires qu'il vise que les Français, doncde ce point de vue je pense que c'est une proposition qui a un caractère très idéologique et très dangereux pour notre pays ". Où donc a-t-il vu que cette mesure était destinée à faire accepter aux Français une baisse de leur salaire ? Il existe une barrière qui interdit la propagation des lois entre députés et citoyens ordinaires. Les députés qui, de façon si convaincante, ont argumenté que la disparition des régimes spéciaux ne pouvait souffrir aucune exception, expliquant par exemple que les conducteurs de locomotive ne sauraient prétendre exercer maintenant un métier pénible, ont par contre bien veillé à conserver leur régime de retraite. Charité bien ordonnée commence par soi-même. Si une mesure destinée à la " France d'en bas " ne saurait concerner celle d'en haut, de même on ne pourrait propager vers le bas des économies frappant les députés.
Avec le même souci d'universalité, Bernard Accoyer, président de l'Assemblée, déclare : " Si un jour les salaires de la fonction publique devaient être baissés, ce quin'est absolument pas le cas aujourd'hui grâce aux mesures qui ont été prises jusque-là,alors la question se poserait de bien entendu suivre cette baisse. Aujourd'hui ça n'est pas le cas ". Il n'a visiblement rien compris : personne n'a proposé de baisser les salaires de la fonction publique, ce qui concernerait également les députés. Il s'agit simplement de réduire les revenus des députés et, contrairement aux dires de cet expert, la situation de notre économie démontre que les mesures prises jusque-là n'ont pas été suffisantes.