DSK sera-t-il convoqué comme simple témoin ou mis en examen pour proxénétisme, voire pour recel d’abus de biens sociaux.
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Jusqu’où ira «l’affaire du Carlton»? Les témoignages et les écoutes auxquels L’Express a eu accès révèlent en tout cas l’incroyable agenda 2009-2011 de l’ex-patron du FMI. Où se mêlent, entre ses obligations publiques, des rendez-vous privés avec ses amis lillois et leur escorte de «filles» tarifées.
L’»affaire du Carlton» a basculé dans une autre dimension. Parties d’une sombre histoire de prostitution mêlant notables lillois et filles de joie, les investigations de trois juges, épaulés par la police judiciaire, révèlent un scandale inédit en France, à la confluence des «réseaux francs-maçons, libertins et politiques», selon les termes des magistrats dans une ordonnance. Même les frasques de certains élus de la IVe République paraissent fades en comparaison du système d’approvisionnement en call-girls mis en place pour satisfaire l’ex-patron du Fonds monétaire international (FMI), Dominique Strauss-Kahn.
Selon les témoignages recoupés, les écoutes et autres textos dont L’Express a eu connaissance, ces parties fines n’avaient rien à envier aux «bunga bunga» italiennes de Silvio Berlusconi. Sous couvert de soirées libertines, un groupe, composé notamment d’un policier de haut rang et de deux entrepreneurs, a reconnu avoir «importé» des prostituées sorties des «maisons de débauche» belges.
Mounia, Béa, Jade et les autres ont détaillé, devant les enquêteurs, le comportement sexuel de DSK, jetant parfois un éclairage cru sur ses relations avec les femmes. De ces rencontres, elles conservent des souvenirs contrastés. L’une d’elles décrit un «homme attentionné», quand une autre dénonce sa brutalité. Ce dernier témoignage pourrait fragiliser sa situation aux Etats-Unis, où Nafissatou Diallo, la femme de chambre du Sofitel de New York qui l’accuse de viol, le poursuit toujours devant la justice civile après avoir été déboutée au pénal.
Auparavant, l’ex-leader socialiste devra honorer un autre rendez-vous judiciaire, à Lille, où les enquêteurs veulent l’entendre. Lui-même a d’ailleurs demandé à s’expliquer pour mettre fin à ce que ses avocats, Mes Frédérique Baulieu et Henri Leclerc, assimilent à un «lynchage médiatique». Il reste à savoir s’il sera convoqué comme simple témoin (en France, les clients de prostituées ne sont pas poursuivis) ou s’il sera mis en examen pour proxénétisme, voire pour recel d’abus de biens sociaux, dans la mesure où les frais de ces soirées étaient pris en charge par diverses sociétés.
Une situation «malsaine» et «racoleuse»
Face aux révélations de la presse, Mes Frédérique Baulieu et Henri Leclerc, les avocats de Dominique Strauss-Kahn demandent, dans un communiqué rendu public le 11 novembre, à ce que leur client soit entendu au plus vite par les magistrats instructeurs. «Dès le 9 octobre, lorsque son nom est apparu dans l’affaire dite du Carlton, Dominique Strauss-Kahn a déclaré qu’il demandait à être entendu le plus rapidement possible par les juges chargés de l’information judiciaire afin de mettre fin aux insinuations et extrapolations hasardeuses et malveillantes qui se répandaient. Depuis un mois, il n’a pas été entendu. Pendant ce temps, un véritable lynchage médiatique n’a cessé de s’amplifier, alimenté par des informations puisées dans des procès-verbaux et des pièces du dossier communiqués en temps réel à la presse et d’évidence soigneusement sélectionnés avec partialité. Ces «révélations» ne peuvent avoir pour origine que certains de ceux qui ont accès immédiatement et par profession à la procédure. Dans le même temps, on se refuse à interroger celui qui est ainsi mis en cause publiquement sans lui donner la possibilité de se défendre en étant exactement informé de ce dont on le soupçonnerait et dont certains l’accusent déjà. Une telle situation dont chacun peut percevoir à quel point elle est à la fois malsaine, racoleuse, et non dépourvue d’arrière-pensées politiques ne saurait perdurer. Mis en cause par une campagne publique fondée sur une procédure judiciaire, Dominique Strauss-Kahn affirme à nouveau qu’il est prêt à s’expliquer, non devant un incertain tribunal de l’opinion, mais devant ceux qui conduisent l’enquête judiciaire et demande à nouveau à être entendu le plus rapidement possible» Dans un deuxième communiqué, transmis à l’Agence France presse (AFP), le 14 novembre, les conseils de Dominique Strauss-Kahn annoncent leur intention de «saisir la justice» pour faire «cesser ou condamner» toute atteinte au «secret de l’instruction», à «la présomption d’innocence» et à leur «vie privée».En attendant, cette enquête permet, par son extrême précision, de croiser l’agenda privé et les activités publiques de DSK. Au fil du temps, de 2009 à 2011, le scénario d’une étonnante double vie se dessine, soulignant l’inconséquence d’un homme politique surdoué mais gouverné par ses sens. Et finalement perdu par ses pulsions.
Février 2009 – Paris un Incident à L’Aventure
En ce début d’année 2009, DSK est à Paris, où il doit participer au Forum mondial sur la concurrence, programmé par l’OCDE du 19 au 20 février. Profitant de ce séjour, il enchaîne les rendez-vous politiques et médiatiques. Ainsi, le 17 février, il est l’invité de France Inter, où l’humoriste Stéphane Guillon raille son appétit sexuel, ce qui provoque sa colère à l’antenne. Le même jour, L’Express révèle l’existence d’une lettre où Piroska Nagy, fonctionnaire hongroise du FMI avec laquelle il a eu une liaison, écrit: «Je crains que cet homme n’ait un problème qui, peut-être, le rend peu apte à diriger une organisation où travailleraient des femmes.»
Le jeudi 19, après son discours à l’OCDE sur «les leçons de la crise pour la politique macroéconomique», DSK change d’auditoire: à l’heure du déjeuner, le voici à l’Aventure, un restaurant du quartier de la place de l’Etoile. Parmi les convives, nul économiste, mais quelques amis et leurs «accompagnatrices». Un militant socialiste du Pas-de-Calais, Fabrice Paszkowski, joue les entremetteurs. Patron d’une société de matériel médical, il connaît DSK depuis cinq ans. Ce jour-là, il est accompagné d’un ami, David Roquet, patron d’une société spécialisée dans la pose de revêtements routiers (Enrobés du Nord), et du commissaire divisionnaire, chef de la sûreté départementale à Lille, Jean-Christophe Lagarde. Le trio n’est pas venu seul: au moins deux prostituées, débarquées de Belgique, sont du voyage. Une salle fermée du restaurant protège les ébats des convives… Selon plusieurs témoignages, le patron du FMI se montre plutôt entreprenant, jusque dans les toilettes. Son attitude choque même l’une des jeunes femmes, Béa, la compagne d’un proxénète français installé en Belgique, Dominique Alderweireld, alias «Dodo la Saumure» (lire son interview).
Mai 2009 – Vienne (Autriche) La tournée des «boîtes»
Le patron du FMI jongle avec son emploi du temps, il orchestre sa vie de «libertin» en fonction de ses obligations publiques. Il dispose pour cela d’une hot line, un téléphone portable fourni par Paszkowski. Les SMS retrouvés par la police trahissent un sens aigu de l’organisation. Ainsi, le 21 avril 2009, DSK écrit à son compère: «J’emmène une petite faire les boîtes de Vienne le jeudi 14 mai. Ça te dit de venir avec une demoiselle ?» De fait, DSK passe bien quarante-huit heures dans la capitale autrichienne. Au menu officiel: une très sérieuse conférence à la Banque centrale. A l’issue du séjour, il déclare à la presse: «Il n’y aura pas de reprise tant que les banques n’auront pas remis de l’ordre dans leurs affaires.»
Janvier 2010 – Washington Les «copines» débarquent
Au début de 2010, les textos fusent par-delà l’Atlantique pour préparer l’arrivée d’une délégation d’un genre particulier. Le 7 janvier, DSK s’impatiente. Il demande par SMS à son ami Paszkowski: «Tu arrives et repars quand exactement? En dehors de la délégation, des copines?» Puis, le 23 janvier, à minuit: «Alors, qui auras-tu dans tes bagages?»
Suit cet échange: «Sylvie, toujours compliqué. Jade, Catherine, certain. Pour la petite nouvelle, elle a envie de te voir, mais en France dans un premier temps… Une soirée belge m’est aussi beaucoup demandée avec new couple.»
Alors qu’il doit participer, deux jours plus tard, au Forum économique mondial de Davos (Suisse), le patron du FMI attend la petite troupe pour le 25 janvier. Au dernier moment, l’un des invités est privé de ce déplacement: à Paris, David Roquet est refoulé, faute de passeport valide.
Fabrice Paszkowski débarque, lui, avec une certaine Jade, présentée comme sa collaboratrice. Le commissaire Lagarde fait également partie du voyage, de même que Jacques Mellick, fils de l’ex-maire de Béthune (également prénommé Jacques) et membre de l’association A gauche, en Europe, à Lille. Pour le policier, le programme est clair: il s’agit d’un «voyage de travail» avec DSK, suivi d’une «soirée libertine».
La délégation loge dans «un hôtel magnifique, idéalement placé», le W, voisin de la Maison-Blanche. Mais Lagarde joue de déveine: il ne peut pas se joindre aux réjouissances. «Je n’ai pas participé, car j’avais mal au dos», avouera-t-il plus tard aux enquêteurs. Quant à «Jade», elle aurait passé la soirée avec le patron du FMI, avant de se faire photographier avec lui, le lendemain, dans son bureau.
Printemps 2010 – Paris «Petite soirée» au Murano
DSK a fait de l’hôtel Murano, situé près de la place de la République, l’épicentre de ses plaisirs parisiens. Ils sont parfois une douzaine à se presser dans ces «transports en commun», selon le bon mot d’un avocat. Devant les policiers qui l’entendent en octobre dernier, Mounia, l’une des prostituées lilloises, témoigne de ce qui s’est passé ce soir-là, à l’invitation de David Roquet : «[Ce dernier] m’a dit qu’il était un ami de DSK et, qu’avec lui, il avait prévu d’organiser une soirée dans un hôtel à Paris et qu’il fallait être très discret. Il m’a expliqué que l’on devait être quatre filles. Il y aurait un buffet et chacune des filles aurait une relation sexuelle avec DSK.» D’habitude, dit-elle, ce genre de soirée est rémunéré 1500 euros.
Après une heure de TGV en compagnie de Roquet et de deux inconnus, Mounia débarque au Murano. «Après avoir bu un verre au bar, David m’a fait monter avec ses deux amis» dans un duplex avec piscine, où un buffet avait été dressé. «Puis il y a eu deux filles, une brune et une blonde, qui sont arrivées à l’appartement. Elles m’ont dit qu’elles venaient du nord de la France.» Se présente une autre femme, apparemment d’origine algérienne. «DSK est arrivé, poursuit Mounia. Il est allé prendre une douche avec la Maghrébine. Ils sont ensuite revenus en peignoir. Nous avons mangé. Ensuite, j’ai eu des rapports sexuels complets avec DSK dans le duplex. Je me souviens qu’il s’agissait de rapports brutaux avec sodomie. Il ne m’a pas violentée, mais on sentait qu’il aimait les rapports de force. Pendant ce temps, il y a eu également des rapports avec les deux autres hommes, dont je ne connais pas le nom.» Dans le taxi de retour vers la gare du Nord, peu avant 23 heures, David Roquet lui aurait remis une enveloppe contenant seulement 900 euros… Pour justifier la différence avec le tarif promis, il aurait argué, déçu, que c’était une «petite soirée».
Décembre 2010 – Washington Deux jolies «assistantes»
Au printemps 2010, David Roquet, dirigeant d’une filiale d’Eiffage, fait venir des prostituées lilloises à l’hôtel Murano, épicentre des plaisirs parisiens de DSK.
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Le 14 décembre 2010, DSK effectue un voyage officiel au Mexique puis rentre à Washington, où l’attend un programme chargé, à commencer par la gestion de la crise grecque et l’attribution d’un prêt de 22,5 milliards d’euros à l’Irlande. Cette séquence officielle se double, en coulisses, de rendez-vous particuliers. Le 15 décembre, par un froid glacial (- 6°C), mais sous un beau soleil, se présente à Washington une joyeuse troupe française. Les inséparables Roquet, Paszkowski et Lagarde sont escortés par deux jeunes filles, yeux clairs et cheveux bouclés, Aurélie et Marion, présentées comme secrétaires de la société Enrobés du Nord. Avec eux, également, le supérieur du commissaire Lagarde, Jean-Claude Menault, patron de la sécurité publique du département du Nord.
Ce policier effectue discrètement le voyage afin d’évoquer les problèmes de sécurité avec le futur candidat du PS à la primaire. D’ailleurs, le lendemain, il a l’occasion d’aborder ce sujet lors d’un long déjeuner avec DSK. Mais, le soir, après le dîner, l’ambiance change du tout au tout. Dans leur chambre de l’hôtel W, les soi-disant assistantes se mettent à l’aise en présence des hommes. Selon Jean-Claude Lagarde, son supérieur, «gêné», est sorti quand elles ont commencé à se déshabiller: «Il a dit que ce n’était pas son truc.» Sa présence au W, éventée par l’enquête, lui coûtera son poste: il prendra prochainement sa retraite.
2 février 2011 – Lille Une enquête pour proxénétisme
Ce jour-là, à Lille, est lancée une enquête préliminaire pour proxénétisme en bande organisée. «Selon plusieurs éléments recoupés», écrivent les policiers, un réseau s’active dans la région. Les enquêteurs visent notamment René Kojfer, personnage haut en couleur, responsable des relations publiques de l’hôtel Carlton. Ils épluchent les milliers de communications passées depuis son portable, ainsi que depuis celui de la call-girl Mounia (20 703 SMS émis et 10 763 reçus!). A ce stade, les policiers ignorent que leur enquête, ciblant des notables locaux (assureur, commerçant, avocat, conseiller municipal, fonctionnaires…), va les conduire à DSK.
Certaines filles proviennent des «maisons de débauche» belges tenues par le fameux Dodo la Saumure, surnommé ainsi en référence à la substance permettant de conserver… maquereaux et morues. Quand les policiers français demandent à leurs homologues belges des renseignements à son sujet, ceux-ci répondent que le réseau s’approvisionnerait notamment en Hongrie. Les enquêteurs belges reprochent aussi à Dodo de se prévaloir d’appuis dans leurs rangs, ce qui a pour effet, écrivent-ils dans leur rapport, «d’effrayer les filles [et] d’entamer la crédibilité des services de police auprès de ces dames». «Mon client, qui ne connaît pas M. Strauss-Kahn, n’a rien à voir avec l’affaire dite du Carlton», insiste aujourd’hui son avocat belge, Me Etienne Wery. «Il n’a d’ailleurs pas été entendu par la PJ française», ajoute son conseil parisien, Me Sorin Margulis.
Mai 2011 – Washington Dernière nuit au W
En ce moment dans les kiosques L’Express n°3150Le 11 mai, alors qu’en France la polémique enfle sur son train de vie, DSK reçoit ses amis lillois à Washington. Le lendemain, une soirée échangiste est organisée à l’hôtel W. Florence, une call-girl proche du commissaire Lagarde, y participe. Interrogée par les policiers, elle décrira DSK comme un homme «très attentionné avec les femmes», «jamais violent». Selon elle, le patron du FMI se serait plaint du «puritanisme hypocrite des Américains». C’est pourquoi, à l’entendre, il était «content de nous voir, nous, Français, qui assumons nos choix libertins». Ce jour-là, «Flo» sera défrayée entre 1000 et 2000 euros, en espèces. Le vendredi 13 mai, à midi, a lieu une ultime rencontre avec DSK. David Roquet, également présent, note la présence d’une Américaine, blonde, parlant français, car ayant fait ses études à Bruxelles. Le soir, les convives se quittent. DSK part pour le Sofitel de New York et sa fameuse suite 2806…
Mai 2011 – Lille Le choc de l’arrestation
Le dimanche 15 mai, le monde entier apprend l’arrestation du patron du FMI, accusé de viol par une employée du Sofitel. Dans les bordels belges aussi, c’est la stupeur. Dodo la Saumure, que L’Express a pu interroger par le biais de son avocat, Me Margulis, se souvient surtout de l’attitude de son ami Kojfer, le collaborateur du Carlton de Lille: «René Kojfer, sortant de grosses libations, m’a téléphoné. Il se vantait de pouvoir mettre tout en oeuvre pour faire libérer DSK à New York. J’ai répondu qu’il se mette au Vittel fraise, lui qui n’avait jamais réussi à faire sauter un seul PV!»
A la même époque, les policiers saisissent une autre conversation entre les deux hommes:
«(Dodo)
- T’as vu Strauss-Kahn?
(René)
- J’suis au courant. J’ai vu l’commissaire qui v’nait, Lagarde, parce que c’est son pote. Et y était à Washington avec lui.
- C’est pas étonnant. Tu sais, quand j’avais ramené les filles. Tu te souviens qu’il avait voulu b… Béa dans les toilettes?
- Ben, je sais, c’est un gros cochon…»
Un peu plus tard, René Kojfer appelle un autre ami, policier, prénommé Denis, un ancien de la brigade de répression du proxénétisme.
«(René)
- Dis-moi, il y a un gros coup à faire. J’ai deux filles qui témoigneraient contre DSK. L’avocat de Diallo, il cherche des témoins qui auraient été un peu bousculés.
(Denis, dubitatif)
- Ouais…
- Moi je pensais à Dodo. Les filles qu’il a ramenées. Il y a peut-être un gros coup à toucher. Qu’est-ce que t’en penses?
- Ouais. Après, il faut partir à l’étranger…
- Je vais lui faire un courrier comme quoi on est ok.
- Non, moi j’ai une carrière à faire!»
Interrogé par L’Express sur ce surprenant échange, Me Christophe Snyckerte, l’avocat de Kojfer, assure qu’il faut «prendre tout cela au second degré, comme une plaisanterie de garçon de bains». «Mon client n’a jamais été proxénète», assure-t-il.
Du côté des prostituées aussi, les nouvelles en provenance de New York suscitent bien des commentaires, ce 15 mai 2011. La PJ, qui enquête alors sur l’affaire lilloise, intercepte ainsi une conversation entre Béa, la compagne de Dodo, et une hôtesse d’un club belge, le Havana. Ce dialogue, digne de Michel Audiard, porte sur l’épisode de l’Aventure, en 2009.
«(L’hôtesse) J’ai regardé la télé. Ton copain Strauss-Kahn a été arrêté à New York [...] Et Dominique [Dodo], qu’est-ce qu’il a dit?
(Béa) Ben… On était dans la voiture quand on a entendu ça aux informations. J’ai dit que ça m’étonne pas avec qu’est-ce-qu’il avait fait dans les toilettes.
- Il l’avait fait avec toi dans les toilettes, hein?
- Non. Il m’a sauté dessus. Mais moi, j’ai pas couché avec lui. J’avais ramené une fille. Mais j’ai dit: ça m’étonnerait pas du tout. Mais c’est dommage pour lui, à un an des élections.
- Président, c’est fini. Il sera président… de la prison [rires].»
L’hôtel Carlton, à Lille, est le point de départ d’une enquête qui, à l’origine, ne visait pas DSK.
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9 novembre 2011 – Le dossier reste à Lille
Depuis le mois d’octobre, le torchon brûle entre le parquet de Lille, favorable à un dépaysement du dossier, et les trois juges Stéphanie Ausbart, Mathieu Vignau et Ida Chafaï, spécialiste de la délinquance financière. Le 9 novembre, la Cour de cassation tranche: l’affaire continuera à être instruite dans le Nord. «Une victoire importante, qui va faire avancer l’enquête», selon Me Frank Berton, avocat du directeur du Carlton.
D’ores et déjà, les magistrats s’attaquent au volet financier de l’affaire. Ils ont établi que trois sociétés réglaient les bons plaisirs de DSK. Ainsi, pour le seul déplacement à Washington de décembre 2010, la société de Fabrice Paszkowski a pris à sa charge les billets d’avion et les chambres pour quatre personnes. Total: 11 888 euros. Quant à David Roquet, il passait la plupart de ces dépenses en notes de frais, inscrivant parfois «DSK» au dos des justificatifs pour sa société. Eiffage, la maison mère, aurait ainsi déboursé près de 50 000 euros entre 2009 et 2011. «Défaillance dans le contrôle des notes de frais», selon le responsable du groupe de construction. «Au mieux, Eiffage a un mauvais comptable, au pis, ils sont au courant, dénonce Me Eric Dupond-Moretti, l’avocat de Roquet. La vertu survient avec la certitude que DSK ne sera pas président.»
Les amis «libertins» de DSK ont-ils agi par simple amitié ou dans l’espoir d’un retour sur investissement? En cas de victoire en 2012, la sex machine DSK aurait pu se transformer, pour certains, en «cash machine».
«Pleinement concentré sur son travail»
Certaines phrases anodines, prononcées avant les différentes affaires Strauss-Kahn, prennent aujourd’hui un relief particulier. Ainsi, le 12 mai dernier, alors que la presse s’interroge sur le calendrier politique de DSK et l’annonce de sa candidature à la présidentielle de 2012, une porte-parole du FMI, Caroline Atkinson, assure devant les médias qu’il est «pleinement concentré sur son travail» de directeur général de l’organisation. Depuis, l’enquête lilloise a permis d’établir que, ce même jour du printemps 2011, Dominique Strauss-Kahn a participé à une soirée échangiste avec des ami(e)s français dans une chambre de l’hôtel W, palace proche de la Maison-Blanche, à Washington.
P. B.
L’effarante double vie de DSK – L’EXPRESS.