Salle Gaveau
45-47, rue de La Boétie
75008 Paris
Tel : 01 49 53 05 07
Métro : Miromesnil
One man show écrit par Gaspard Proust
Mon avis : Comme à chacun de ses spectacles – c’est la troisième fois que je vais le voir – Gaspard Proust effectue la même entrée en scène. Il arrive nonchalamment du fond de la salle, tel un touriste, se hisse sur le plateau, dépose sa parka sur le fauteuil qui représente le seul élément du décor et se tourne enfin vers le public. Par rapport à ses précédents spectacles, la phrase d’intro est nouvelle : « Allez… Au tapin ! » marmonne-t-il pour se donner un semblant de cœur à l’ouvrage. Tout Gaspard Proust est dans cette posture. Son nouveau one man show est en effet baptisé « Gaspard Proust tapine Salle Gaveau ». Aurait-il la sensation de se prostituer ? Il voudrait le faire croire, mais de la péripatéticienne, il ne peut revendiquer que l’aspect « langue de pute », car il balance le bougre. Et pas qu’un peu !
Son introduction est très hard. Il n’y a pas de round d’observation. Il y va direct. Son personnage est désormais bien rôdé. Affichant le désabusement affecté de l’aquaboniste de Jacques Dutronc, il se montre aussi cynique qu’arrogant et ne dédaigne pas aiguillonner ses propos d’une pointe de cynisme. Sa façon de faire est très simple : il agit comme quelqu’un qui penserait tout haut et sortirait tout ce qui lui passe par la tête. Parfaitement impassible, il énonce ses sarcasmes comme autant de bulles de BD assassines. Cet homme n’épargne rien, il tire tous azimuts. Personne n’échappe à ses commentaires perfides et insidieux, les classes sociales comme les classes d’âge. Allègrement, sans complaisance aucune, il piétine toutes les valeurs et les idées reçues. Ames sensibles et esprits conformistes s’abstenir. Ce Gaspard est un rat dégoût, un plaisir d’odieux. Quand on va le voir, on sait très précisément à quoi s’attendre. Depuis quelques mois, le bouche à oreille a fait son oeuvre. Il faut aimer être choqué. Cet individu repousse les limites des frontières de la bienséance jusqu’à un no man’s land ou aucun humoriste n’a osé s’aventurer avant lui. C’est d’autant plus imparable qu’il est brillant. Il possède un vocabulaire riche, précis et imagé. Et sa plume, trempée dans le vitriol, est d’une qualité rare. La plupart de ses insanités sont étourdissantes. Le pire, c’est que, dans la majorité des cas, ce qu’il évoque, ce ne sont que des évidences. Il faut de grâce cesser de l’affubler de comparaisons avec d’autres artistes dont les plus fréquemment cités sont Desproges et Guillon. Non, lui il fait du Proust. Point ! Si Coluche s’interrogeait sur ce qui pouvait être « plus blanc que blanc », lui il s’ingénie à inventorier ce qui serait plus noir que noir.
Sans parti pris, il s’en prend aux hommes politiques de droite comme de gauche, il ironise sur les trois religions monothéistes et sur le bouddhisme, et se complaît à terminer son show « en beauté » avec un chapitre annoncé sur les femmes. On voit parfaitement qu’il jouit intérieurement à jouer ainsi les misogynes. En plus, il a l’outrecuidance d’affirmer sans frémir : « Moi, ce qui va me tuer, c’est mon romantisme »... Il y a franchement de quoi s’esclaffer et de s’ébaubir devant tant de mauvaise foi.
Gaspard Proust, on aime ou on n’aime pas. Il ne peut y avoir de milieu. Soit on adhère et on accepte en se délectant d’en prendre plein les trompes d’Eustache avec ses rodomontades et ses inconvenances. Soit on s’effarouche, on s’indigne, on s’insurge et on reste chez soi ou on va voir Mamma Mia !... A ce propos, je me demande ce qui a pu amener Guy Bedos à quitter la salle à la moitié du spectacle… Etonnant, non ?
Gaspard Proust sera de retour Salle Gaveau du 13 au 17 décembre.