REVIEW - Pour leur unique date en Suisse, Les Docks ont reçu mardi dernier (8 novembre) le quintette légendaire de rockeurs timides venus du Texas: Explosions In The Sky (EITS) accompagnés par The Drift, un trio de nouveaux venus produisant un son hyper-minimal et tout droit sortit du désert de Chihuaha. Le public, envoûté par l'intensité de la performance en a perdu son souffle ainsi que son équilibre.
C'est dans le cadre d'une tournée internationale non-stop à l'occasion de la sortie de leur 7ème et nouvel album TAKE CARE TAKE CARE TAKE CARE que le tour bus noir d'EITS s'est parqué mardi soir dans la zone industrielle de Lausanne pour faire vibrer l'automne. Inhalations saisonnière de bois brulé, feuilles mortes et mouillées et température extérieure de 10 degrés se sont combinés à l'ambiance de la foule modeste d'environ 500 personnes qui attendait avec impatience cette date.
La soirée débute avec The Drift, un trio venant de San Francisco qui promeut son premier album BLUE HOUR, hommage à leur trompettiste décédé il y a peu d'un cancer. Avec un son qui n'est pas des plus accessible, ils émergent de derrière la fumée rouge qui se vide de la scène, c'est alors qu' une basse lente des plus minimale et répétitive pénétre la salle, celle-ci accompagnée par une guitare de cobra qui ferait entrer en transe un homme sourd. "Minimal-american-desert-psychedelic-rock, slow moving yet heavy" progressif et cyclique. Un trio qui se dandine sur des ailes sonores au ralenti. La batterie s'arrête, les carillons la remplace alors que le spectateur entame une marche solitaire dans une autre époque. Il n'est pas étonnant que les membres de The Drift se considèrent comme des artistes avec un penchant pour le visuel et le cinématique, je n'ai pas consommé de LSD mais les mirages du Grand Canyon se diffusaient à petite dose dans mon imaginaire à travers un voyage musical des plus atmosphérique; A un certain moment je me croyais presque dans l'Arizona, j'avais envie de regarder les étoiles et de me faire aspirer par ceux-ci dans le noir infini de la galaxie. Le public n'était pas des plus réceptif mais il était peut être trop distrait par l'anticipation du concert à venir.
"Encore plus décadant en live que sur album"
C'est donc après des années d'attentes pour certains (la dernière visite remonte à 2008) qu'un des plus important groupe dans l'histoire du rock "orchestrale", progressif et instrumental fait son entrée discrète sur scène. Le guitariste Munaf Rayani prend la parole en français et introduit rapidement le groupe avant d'entamer une symphonie rock d'une heure et demie quasi-ininterrompue. Ils comptent à présent un membre de plus sur scène. Et sans "bullshit" ni prétention, ces modestes musiciens mettent leur instruments ensemble et fusionnent pour ne former qu'un corps et décharger un rayon sonore qui colorie tout sur son passage, y compris l'obscurité. La synergie entre leurs instruments était telle qu'on avait l'impression d'assister à une conversation musicale entre télépathes, les compositions englobaient une riche palette d' émotions, le spectateur traverse tous les états: solide, liquide et invisible. Certaines fins de chansons déviaient en noise et d'autres prenaient naissance dans les ultra-sons, EITS surpassa l'attente du public en faisant preuve d'une précision obsessionnelle dans la réalisation de ce spectacle hypnotique, innovant et rempli d'énergie. Les transitions progressives entre les morceaux et les montées provoquèrent des cris parmi la foule. Ils jouèrent certains de leurs anciens morceaux comme "Greet Death" et "The Birth and Death of the Day" d'une manière encore plus décadente en live que sur album.
"Pas que pour les oreilles"
Les morceaux du nouveau 7-track prennent une autre forme en live, les compositions sont plus minimales, subtiles et mélodieuses avec des climax toujours plus dramatiques. Les morceaux "Last Known Surroundings" et "Let me Back In" prirent une ampleur colossale en stimulant une pluie émotive allant et revenant de la tête aux pieds, EITS aime la scène, c'est évident. Il n' y en avait pas que pour les oreilles, on a vu Munaf agenouillé par terre et donnant des coups de cloches violents contre le sol; A chaque frappe c'était son corps entier qui se vautrait, il titillait sa guitare avec un stabylo, courrait à travers la scène, renforçait les percussions de Chris Hrasky avant de revenir à sa place reprendre la guitare et rallumer le réacteur mélodieux.
Ces cinq amis restent les maîtres du crescendo, leur oeuvre nous en a fait voir dans toutes les gammes de couleurs. Impossible de rester froid, impossible de rester chaud, impossible de rester, on ne peut que demeurer en mouvement et s'accrocher à chaque note qui rebondit contre la paroi intérieur de notre être…