Max Falque - Le 15 novembre 2011. Le chiffre de sept milliards d'habitants n'a pas de quoi impressionner, quand on sait que la population mondiale a été multipliée par plus de cinq depuis 1850. Les théories malthusiennes ont toujours eu beaucoup de succès, mais ont été constamment démenties par les faits.
Bien entendu non seulement le ridicule rejoint l'ignorance mais aussi la mauvaise foi des vendeurs de peur. Le ridicule : comment identifier sans rire le nouveau-né qui marque l'événement (7 milliards d'habitants !) alors que les statistiques sont approximatives... à quelques dizaines de millions près ? Prenons un peu de recul et considérons les évolutions démographiques et économiques depuis 1850.
- La population mondiale a connu une croissance remarquable passant d'environ 1,3 milliard d'habitants en 1850 à 7 milliards, soit une multiplication par plus de 5. En bonne logique malthusienne on aurait pu s'attendre à une pénurie de matières premières et de nourriture et à une réduction drastique du niveau de vie de chacun d'entre nous.
- L'abondance est au rendez-vous que l'on peut mesurer par l'évolution des prix des ressources en examinant les statistiques publiées depuis sa création par "The Economist". Il publie un indice prenant en compte 25 produits importants dont l'aluminium, le cuivre, les céréales, le café, le caoutchouc, le sucre, le soja... Sur une base 100 en 1850, les prix en dollars constants sont tombés à 20 en 2004 (mais à environ 30 en 2011).
- La consommation de chaque humain a connu une croissance remarquable depuis 1850 : elle a été multipliée par un facteur proche de 10 dans les pays développés et même les habitants des pays pauvres ont connu et connaissent une hausse importante de leur niveau de vie puisque le prix réel des produits a baissé d'environ 70 %.
Les prédictions catastrophiques depuis Malthus (Jevons, Club de Rome, Global 2000, Earthwatch, Goldsmith,...) ont toujours été démenties par les faits : ainsi, en 1968, un auteur à succès, Paul Ehrlich, faisait cette prédiction : "Au cours des décennies 1970 et 1980, des centaines de millions d'humains mourront de faim en dépit des programmes d'urgence." Après tout, quoi de plus logique ? Nous vivons dans un monde de ressources limitées et la population mondiale explose : l'idée selon laquelle nous devrions être confrontés à des pénuries de ressources naturelles et donc à une augmentation du prix desdites ressources semble tout ce qu'il y a de plus raisonnable.
Cependant, en 1980, un professeur d'économie nommé Julian Simon lança un défi à Ehrlich : il s'agissait de parier sur le prix de cinq matières premières choisies par Ehrlich à la date que celui-ci voudrait. Si, à la date choisie, les prix (ajustés de l'inflation) des ressources naturelles sélectionnées étaient effectivement plus élevés qu'en 1980, l'économiste devrait payer la différence et, dans le cas contraire, c'est Ehrlich qui devrait payer Simon. Ehrlich accepta le pari et, le 29 septembre 1980, misa 1.000 dollars sur la croissance des prix du cuivre, du chrome, du nickel, de l'étain et du tungstène au cours de la décennie à venir. De 1980 à 1990, la population mondiale augmenta de 800 millions d'individus, mais le 29 septembre 1990 - quand le pari arriva à son terme -, les prix des cinq métaux sélectionnés par Ehrlich avaient baissé - tous, sans aucune exception. Ehrlich avait perdu son pari et honora son contrat en postant un chèque de 576,07 dollars à l'ordre de Simon. Il refusa en revanche de renouveler le pari. Les thèses malthusiennes ont toujours fait vendre énormément de livres tout en se révélant fausses a posteriori. Habituellement défendues par des biologistes, physiciens ou autres géologues parfaitement compétents dans leurs domaines respectifs mais ignorant tout du fonctionnement d'une économie, leurs prédictions apocalyptiques ont toujours été démenties par deux mécanismes très simples : quand une ressource se raréfie et que son prix monte, la hausse des cours incite les producteurs à produire plus ou à développer une alternative et les consommateurs à adapter leur consommation, pour autant que l'on opère dans une économie de marché.
Quid de l'environnement ? Tout indique que, malgré les prévisions apocalyptiques, sa qualité s'améliore au fur et à mesure que le niveau de vie augmente, et cela non seulement grâce aux réglementations publiques mais aussi et surtout aux progrès technologiques, aux mécanismes de marché et aux droits de propriété qui s'opposent au libre accès aux ressources et donc à leur destruction.
On pointe souvent du doigt l’Afrique pour y montrer les ravages de la surpopulation. Mais ce sont en fait les ravages du sous-développement qu’il faut condamner, pas une quelconque surpopulation face à une rareté des ressources. C’est bien un cadre institutionnel délétère qui étouffe la liberté des peuples d’Afrique, une liberté qui pourrait permettre leur épanouissement. « Il n’y a de richesses que d’hommes » écrivait Jean Bodin.
Résumons-nous : depuis 1850 une population cinq fois plus importante, jouissant d'un niveau de vie de plus en plus élevé dans un environnement en voie d'amélioration. L'avenir est donc à l'optimisme et la perspective de 10 milliards d'habitants n'entraînera pas de catastrophes pourvu que nous adaptions nos institutions et résistions à la dictature écologique. Comme le faisait justement remarquer Julian Simon, tout nouveau-né est doté d'un cerveau et de mains qui contribueront à la richesse et à la beauté du monde. Pas besoin d'une autre planète ! Pourquoi ne pas ouvrir un pari ?
Max Falque, délégué général de l'International Center for Research on Environmental Issues. (www.icrei.org). Cet article a paru originellement dans la Tribune.