Le quotidien québécois Le Devoir a publié un article d'Alexandre Shields sur les dérives qui ont récemment touché le microcrédit dans l’État indien d'Andhra Pradesh. Selon le rapport mondial 2012 de la Campagne du Sommet du Microcrédit, la microfinance a en effet succombé à la course effrénée aux profits et la tendance à laisser les clients s'embourber dans une spirale d'endettement insoutenable.
«Comme le sexe, la microfinance peut être sans risque si elle est pratiquée de façon responsable »
Elisabeth Rhyne, directrice générale du Center for Financial Inclusion à ACCION, affirme : "comme le sexe, la microfinance peut être sans risque si elle est pratiquée de façon responsable. Néanmoins, nous avons vu récemment que tous les acteurs du secteur de la microfinance ne pratiquent pas forcément une microfinance sans risque. Comme avec toute activité risquée, les acteurs de la microfinance peuvent être tentés de suivre une voie qui les éloigne des relations saines et durables avec leurs clients. Il suffit de voir ce qui s'est passé dans l'Andhra Pradesh en Inde, où la tentation de la croissance rapide pour gagner des parts de marché, du prestige et des profits a poussé les prêteurs à encourager le surendettement des clients avec des conséquences néfastes prévisibles pour les clients et les prêteurs".
Michael Schlein, chef de la direction d'ACCION, renchérit : "si l'Andhra Pradesh a été le déclic, je pense que les problèmes sont plus profonds et qu'ils se sont aggravés au fil des années. Quels sont les véritables problèmes ? Les vraies questions portent sur le surendettement, les mauvaises pratiques de recouvrement, la tarification, les frais et l'impact. Tels sont les réels problèmes auxquels il faut trouver des solutions".
Vers une meilleure réglementation et plus de transparence
D'où l'idée de mettre au point un « label d'excellence ». Le but est de cibler les institutions qui fournissent des produits et services accessibles aux populations pauvres et qui les aident à s'affranchir de la pauvreté en se basant sur un ensemble de critères. Le sujet sera d'ailleurs au cœur des discussions lors du sommet du microcrédit, organisé du 14 au 17 novembre, à Valladolid, en Espagne. Mais déjà, plusieurs acteurs du secteur s'entendent sur une priorité : accroître la transparence des IMF.
Il faudra pour cela éviter que le secteur ne sombre dans le capitalisme débridé des grandes institutions. Le même fléau du court terme qui a contribué à provoquer la crise financière de 2008-2009. Andrew Hilton, directeur du Center for the Study of Financial Innovation, pose la question : "le secteur continuera-t-il à progresser -- croître, offrir de nouveaux produits, servir des segments mieux nantis du marché -- jusqu'à ce que les IMF ressemblent aux autres institutions financières traditionnelles (banques, sociétés de crédit à la consommation, etc.) ? Ou reviendra-t-il à ses origines comme source plus modeste de petits crédits pour le marché relativement limité des groupes de personnes à revenu faible, généralement dans les pays pauvres ?"