Élément constitutif de la personnalité architecturale de Paris, l’hôtel particulier sis entre cour et jardin raconte une histoire de la capitale, à travers son évolution, du moyen-âge au XXème siècle.
D’abord relativement simples et construites sur le même plan, les bâtisses se complexifient et s'adaptent aussi bien aux évolutions des goûts qu’à la difficulté de construire dans une ville aussi dense que Paris.
On peut citer l'exemple de Lambert (ici à droite) qui, en 1639, demande au jeune Louis Le Vau de bâtir un hôtel sur l’étroite parcelle qu’il possède sur l'Île Saint-Louis. La commande relève du défi : le terrain, trop peu profond pour accueillir la traditionnelle enfilade cour-bâtiment-jardin, oblige l’architecte à repenser le modèle-type de l’hôtel particulier. Il crée alors une demeure dont les bâtiments encadrent la cour et dont une aile se prolonge jusqu’au bord de la Seine et s’ouvre sur le premier balcon parisien dominant le fleuve.Un siècle plus tard, la riche veuve Girardot de Vermenoux fait édifier par Claude-Nicolas Ledoux un hôtel dont la forme audacieuse rompt avec les habitudes parisiennes. Derrière un arc de triomphe à demi enterré s’élève un bâtiment dont le corps central semi-circulaire est entouré d’une colonnade, si bien que l’ensemble semble plus proche du temple que de la maison bourgeoise. Entre portail et hôtel, une grotte souterraine, un lac … D’ailleurs, l’architecture de l’hôtel Thélusson est si originale que les Parisiens se pressent bientôt pour le visiter, grâce un système de billetterie. Ce bâtiment extraordinaire sera démoli seulement cinquante ans après son édification, le style neo-classique évoquant par trop les excès révolutionnaires.Que dire encore du Palais Rose (à gauche) construit au n°50 de l’avenue du Bois (avenue Foch) pour Boni de Castellane après son mariage avec la riche héritière américaine Anna Gould, dont il disait « Elle est belle, vue de dot ! ». Un pastiche du Petit-Trianon surélevé d'un étage, revêtu de marbres polychromes, doté d’un escalier de parade propre à célébrer les plus belles réceptions de Paris. L’immeuble sera démoli en 1967 ….L’exposition est superbe : on parcourt les différents espaces classiques d’un hôtel virtuel : la cour pavée, le vestibule avec son escalier, l’antichambre, le salon, la chambre …
On imagine ces décorations luxueuses, grâce aux plans détaillés publiés dans des recueils de modèles, qui se transformeront au XIXème siècle, en plans d’appartements bourgeois à l'heure de l'expansion haussmannienne.
Ainsi au fil des siècles, Paris se couvre de demeures d’apparat, faites pour exprimer le rang social, la noblesse ou la situation professionnelle de financiers fortunés. On dit que la capitale en comptait environ 2000 …L’Hôtel particulier est donc une spécificité parisienne. Nulle part ailleurs en Europe on ne connait le même concept.Cependant, la croissance de la ville conduit aussi à faire disparaître certains édifices soit parce qu’ils sont tombés en deshérence, soit pour percer de nouvelles voies, soit simplement pour satisfaire la spéculation immobilière. En sortant de l’exposition, on passe devant une série d’agrandissements photographiques émouvants ayant saisi, avant ou pendant leur anéantissement, une série d’hôtels dont certains étaient de purs joyaux.
Ce trésor architectural protéïforme est relativement concentré dans certains quartiers : le Marais, les faubourgs Saint-Germain et Saint-Honoré, le quartier de la Nouvelle Athènes, les Champs-Elysées …Les lieux où il faut être changent de localisation avec la mode et l’expansion de la cité.Et il reste aujourd’hui des escaliers, des portails, des ferronneries, des boiseries soigneusement démontées et remontées…et des bas-reliefs splendides comme la porte des Ecuries de l’hôtel de Rohan, représentant les chevaux d’Apollon s’abreuvant, par Robert Le Lorrain ….
Exposition à la Cité de l’architecture et du patrimoine jusqu'au 19 février 2012. Palais de Chaillot, Paris, Entrée 7€. fermé le mardi.