La lecture de la presse économique repose parfois. Dans la valse des chiffres que les différents états-majors des partis politiques se balancent, sans crainte de compter n'importe quoi, Les Echos et l'Institut Montaigne (think tank libéral) lancent ce lundi et pour six mois le chiffrage des programmes pour 2012.
Henri Gibier, directeur de la rédaction aux Echos, explique :
« [Ce travail sera réalisé ] avec l'aide de hauts fonctionnaires de Bercy dont c'est le métier de chiffrer les projets gouvernementaux, représentant les sensibilités politiques diverses mais sans attaches partisanes. »
« Course à la dépense » et « rien que ça »
On a beaucoup parlé de la proposition de François Hollande de créer 65 000 postes dans l'Education nationale. Martine Aubry, durant la campagne de la primaire, s'est montrée dubitative, et la droite a raillé l'initiative :
« Les propositions de François Hollande sont irresponsables et irréalistes », avait immédiatement réagi le ministre de l'Education Luc Chatel, critiquant les « vieilles recettes de la fuite en avant budgétaire ».
La porte-parole du gouvernement, Valérie Pécresse, avait déclaré que « la primaire socialiste virait chaque jour un peu plus à la course à la dépense ».
On a moins évoqué une proposition de Nicolas Sarkozy, datant de septembre, lorsqu'il avait visité le centre pénitentiaire de Réau, en Seine-et-Marne : 80 000 places de prison pour 2017, soit 30 000 places nouvelles. « Quand Sarkozy dit qu'il veut 30 000 places de prison en plus, il veut en augmenter le nombre de 50%, rien que ça », tweete l'avocat Maître Eolas.
1,9 milliard pour les profs, 3,69 milliards pour les prisons
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65 000 postes d'enseignants
L'Institut Montaigne chiffre à 1,9 milliard d'euros « en rythme de croisière » le coût de la mesure, soit moins que le chiffrage du PS, 2,5 milliards pour Hollande.
« Faut-il considérer la facture sur une année ou sur toute la durée de carrière des fonctionnaires », questionnent d'emblée les experts.
« La tradition des lois de finances, retenue par tous les gouvernements, veut que l'on raisonne sur une année. »
Sur cette base, l'Institut Montaigne parvient à un coût annuel de 378 millions pendant le quinquennat et de 1,9 milliard par an en rythme de croisière (en 2017, 65 000 postes).
François Hollande annonçait un coût de 2,5 milliards, Luc Chatel évoque 7,5 milliards d'euros, et l'UMP....100 milliards, intégrant dans son calcul la rémunération des professeurs pendant quarante ans puis sa pension de retraite pendant vingt ans.
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30 000 nouvelles places de prison
Dans un article publié par Rue89, l'Observatoire des prisons établissait ses comptes :
« La construction de 30 000 places de prison représente un coût de plus 3 milliards d'euros pour le contribuable. Outre la construction, le coût d'une journée de détention est évalué en moyenne à 82 euros, ce qui reviendrait avec l'incarcération visée de 80 000 personnes, à un budget de 6,5 millions d'euros par jour. »
L'Institut Montaigne estime que la mesure coûterait 3,69 milliards d'euros, et intègre les hypothèses d'établissement moins sécurisés (pour détenus en semi-liberté) :
- coût annuel des investissements entre 2012 et 2017 : 737,2 millions d'euros, soit 3,686 milliards sur les cinq ans ;
- coût de fonctionnement par an : 730 millions.
C'est un peu facile – mais tentant – de chuter sur Victor Hugo : « Ouvrez des écoles, vous fermerez des prisons. »
Blandine Grosjeanpour Rue 89