Et pourtant. Pourtant il y a quelque chose chez Vincent Lindon. Une certaine incarnation de l’humanité peut-être. Je l’ai vu il y a quelques jours dans Toutes nos envies de Philippe Lioret, avec lequel il avait déjà tourné Welcome. On y retrouve le Vincent Lindon que l’on connaît et que l’on se prend à aimer, à la fois incarnation parfaite de l’homme, le vrai, et d’une certaine fragilité, cette douce humanité toute féminine. Il y a chez l’acteur ce conflit masculin/féminin que l’on retrouve chez très peu de ses collègues avec un naturel si fort, un choc constant entre sa virilité et sa douceur. C’est parfait pour Toutes nos envies, qui fait affleurer l’émotion parce qu’il accepte le mélo qu’il est et parvient à le dépasser (quand La couleur des sentiments, dans le genre mélo, s’étalait trop dans l’exploration de chaque recoin des clichés émotionnels), faisant jaillir l’étincelle grâce à la retenue et la suggestion.
Lioret n’évite pas les défauts, comme lorsqu’il esquisse la préparation de l’après (à la Ma vie sans moi d’Isabel Coixet), trop succinctement pour être véritablement essentiel, mais il parvient à trouver une autre nécessité à son film, autre que l’émotion pure. Un portrait d’homme et de femme, et à travers eux un regard sur la place de l’humain au sein d’une société où la consommation, le capital, la loi du marché priment trop souvent sur l’individu. Toutes nos envies cherche l’humanité... d’où Vincent Lindon.
Il y a quelques jours, le quotidien Le Parisien réclamait un César pour Vincent Lindon, et semblait croire que cette année serait peut-être, sûrement, la bonne. J’espère que le journaliste qui y croit ne sera pas trop déçu, car il ne fait aucun doute qu’il sera une fois de plus absent des récompensés. Lindon aura peut-être un jour un César, mais pas cette année. Peut-être serai-je un peu déçu moi aussi parce que même s’il se limite lui-même, même s’il va trop souvent là où on l’attend, même si ses performances ne sont pas forcément électrisantes, Vincent Lindon m’émeut. Il est là, l’humanité faite homme, fort, naïf, hésitant, bouleversant. Et cela me suffit à le trouver indispensable au cinéma français.