Cet homme, depuis des années, affirme se placer du côté des victimes. « Notre priorité, c’est de donner la priorité aux victimes », déclarait-il en novembre 2006. Cette approche donne un sens très particulier à la notion de justice, et au rôle qu’elle doit jouer dans la société. En France, depuis la Déclaration des Droits de l’Homme, la fonction première de la justice est d’assurer le respect du droit par tous et de sanctionner les infractions à la loi.
Se placer du côté des victimes, c’est se placer sur le registre de l’émotion et du bon sens : « Vous aimeriez vous faire agresser dans la rue ? Vous aimeriez que votre enfant se fasse violer ? », etc. Je suis victime d’un acte violent, il est donc normal que je fasse subir le même préjudice à mon agresseur. Donner ce rôle à la justice, c’est tout simplement légaliser une forme de vengeance (comme une variante « civilisée » de la loi du Talion).
L’autre facette de cette vision sarkozienne de la justice, Sarkozy l’avait évoquée avec le philosophe Michel Onfray en avril 2007 : on naît pédophile ou suicidaire. Le prolongement de cette croyance (on naît naturellement mauvais ou déviant, c’est une donnée génétique, et la société n’y est pour rien), c’est la loi Dati sur la rétention de sûreté.
Donner la possibilité d’enfermer à vie des individus pour des actes qu’ils n’ont pas encore commis, c’est décréter (sur quelle base ?) qu’ils sont et seront, quoi qu’il arrive, dangereux pour la société. C’est nier la responsabilité individuelle (et donc la présomption d’innocence), et considérer qu’il y a des individus que l’on peut éliminer définitivement de la société pour ce qu’ils sont (et non pour ce qu’ils ont fait).Se placer systématiquement du côté des victimes, c’est en arriver à tout justifier au nom de la souffrance ressentie (d’ailleurs, Nadine Morano n’a pas hésité à traiter de « défenseurs des assassins » ceux qui s’opposaient à la rétention de sûreté).
La loi sur la rétention de sûreté, c’est l’élimination symbolique du délinquant (puisqu’il est placé hors de la société à vie, sans possibilité de recours).
Quelle sera la prochaine étape ? A mon sens, la suite logique de ce raisonnement, c’est le rétablissement de la peine de mort.
Fred