Depuis plusieurs années le groupe Botanic, spécialiste des produits éco-jardiniers, a réussi à remplacer les pesticides et les engrais chimiques de synthèse par des produits écologiques.
Une interview de Stéphane D'Halluin, Service Développement Durable & Qualité de Botanic.
-Pourquoi avez-vous supprimé les pesticides et les engrais de synthèse dans vos productions et à partir de quand ?
En 2006, à la demande de notre société, une étude a été menée par le MDRGF sur les pesticides autorisés en jardinage. Celle-ci a révélé qu'un nombre important de ces produits contenaient des matières actives toxiques ou nocives pour la santé (molécules classées possiblement cancérigènes, toxiques pour la reproduction neurotoxiques...) avec des risques sur l'environnement (pollution des eaux, impact sur la faune et la flore...).
Nous avions été volontairement très conservateurs sur la méthodologie en utilisant exclusivement des études reconnues officiellement (US-EPA, CIRC, UE). La méthodologie de cette étude avait été validée par André Picot , professeur de toxicologie au CNRS.
Pour autant, la plupart de ces produits ne sont toujours pas classés toxiques ou nocifs. Ils peuvent même ne pas avoir de classement toxicologique du tout comme c'est le cas du Round Up.
Le postulat actuellement en vigueur, dit que c'est la dose qui fait le poison, alors que ce principe médiéval est de plus en plus battu en brêche par les scientifiques concernant les molécules chimiques. Ce n'est pas la dose qui ferait le poison mais le MOMENT et la DUREE d'exposition (voir à ce sujet le documentaire diffusé fin 2008 sur Arte "Mâles en péril" à ce sujet).
Par ailleurs, le système d'homologation actuel n'évalue pas du tout les effets cocktail, les effets de bioaccumulation et l'impact des adjuvants. Ainsi, dans le cas du Round Up, le professeur Gilles-Eric Seralini de l'Université de Caen en a démontré les mécanismes de toxicité: ce sont les adjuvants (jamais évalués en tant que tels et en effet cocktail avec la ou les matières actives) qui renforcent la toxicité de la matière active elle-même.
Plus fondamentalement, il y a manifestement un déficit d'expertise scientifique indépendante sur les pesticides et plus généralement sur les produits chimiques, tant au niveau français qu'européen. Concernant les pesticides, en aucun cas, de notre point de vue, le classement toxicologique actuel ne peut être considéré comme une information fiable, et il nous semble incontournable d'attendre la mise en oeuvre effective de REACH.
Tous ces éléments ont motivé notre société à ne plus cautionner le commerce de ces produits en les supprimant de ses rayons. Une action majeure qui engage l'entreprise dans le développement durable.
-Par quels produits les avez-vous remplacés ?
Botanic propose une gamme large de plus de 1000 produits "éco-jardiniers" issus du jardinage écologique, des solutions alternatives simples et saines pour jardiner autrement : engrais organiques, paillages, outillage, récupérateurs d'eau, composteurs, végétaux ayant une fonction écologique (plantes couvre-sol, plantes résistantes aux maladies...). Elle forme ses conseillers au jardinage écologique, accompagne les fournisseurs dans une mise sur le marché de préparations naturelles et fait la promotion d'un jardinage qui privilégie la prévention.
-Quels problèmes avez-vous rencontrés en opérant ce changement ?
Les ventes de produits phytopharmaceutiques représentent une part importante du CA d'une enseigne de jardinerie. Mais la suppression des engrais et pesticides chimiques de synthèse des magasins nous a donné légitimité et crédibilité dans notre politique de développement durable. La reconnaissance de cette action par les associations environnementales, les institutions publiques, le grand public, les medias et donc la notoriété de l'enseigne, est sans commune mesure avec la perte de CA. L'enseigne s'associe également à des événements éco-citoyens, tels que la semaine pour les alternatives aux pesticides, la semaine du développement durable, le printemps bio... Le but : montrer que les alternatives existent, qu'elles sont viables et efficaces.
-L'efficacité des produits de substitution est- elle la même ?
La comparaison n'est pas possible. Parce que le jardinage écologique c'est d'autres pratiques. Le jardinier biologique considère le jardin comme un organisme vivant, un écosystème cohérent, et favorise son développement et sa diversité par des actions naturelles de prévention.
-Quels conseils donneriez-vous aux jardiniers amateurs ?
Ne surtout plus utiliser de pesticides chimiques de synthèse !
Se débarrasser de ces produits en allant les déposer à la déchetterie près de chez lui.
S'informer sur le jardinage écologique en participant à des ateliers, consulter des ouvrages, écouter, visionner des émissions sur le sujet.
La bonne santé et la beauté du jardin dépendent en premier lieu de la qualité du sol. Bien identifier ses caractéristiques permet d'avoir les bons gestes et de faire les bons choix.
Propos recueillis par Alexandre Sieradzy