A l'entrée de Photo Off, à la Bellevilloise, confronté à deux grandes photos de Patrick Tourneboeuf (travail que j'aime beaucoup, par ailleurs), on se dit "Zut, les refusés de Paris Photo !" Heureusement, après, c'est mieux, ou en tout cas plus en ligne avec le concept de galeries et photographes émergents. Le prix* est allé à la galerie anglaise Anya Stonelake, qui présentait des photographes lituaniens; au temps de mon adolescence en pension (jésuite), cette photo d'Antanas Sutkus ornait mon mur.
Valid Photo, l'autre Barcelonais, montrait des photographies sobres, minimales, épurées, comme ce beau nu ondé de Toni Catany. Il y a aussi beaucoup d'espaces 'non-marchands', avec Tendance Floue,
le projet de 24h.com, les photomatons de la Joyeuse de Photographie, et d'autres. Emeric Lhuisset présente, à côté de ses photos de combattants kurdes rejouant des scènes guerrières glorieuses inspirées par des tableaux grandiloquents de la guerre franco-prussienne de 1870, une vidéo en hommage à l'étudiant kurde Sardasht Osman, assassiné à Erbil en Irak : l'artiste colle, au petit matin, sur les murs de la ville, des affiches avec le portrait de la victime; comme l'image n'est pas fixée, elle s'estompe en plein jour au soleil, puis disparait. C'est une belle allégorie. La galerie Kijk expose des Sud-Africains, Jillian Edelstein autour du magnifique et singulier travail de la commission 'Truth & Reconstruction", Dale Yudelman et ses petites annonces précaires, et surtout Graeme Williams montrant le temps suspendu : ce morceau de poteau ne tenant plus qu'à un fil, au delà du symbole possible, cristallise une image très forte. J'ai aussi remarqué sur le stand de la galerie singapourienne 2902 les collages urbains de John Clang où l'image se diffracte et se recompose, et le jeu du camouflage de Zhao Renhui. Enfin, j'ai eu un coup de coeur pour les compositions de Fabien de Chavanes à la galerie Binôme : dans une boîte blanche de sa construction, l'artiste, vêtu de blanc ou de noir, tourne sans fin, comme Bruce Nauman dans son studio. Les images s'assemblent comme dans une composition musicale, selon un rythme à la fois physique, visuel et musical; la profondeur de l'espace, le jeu des positions, le déroulement du temps, la multiplication du personnage tournant sans relâche, tout contribue à en faire une oeuvre construite, tendant vers le minimalisme, l'épure, la contemplation. Ce fut pour moi la pièce la plus intéressante de Photo Off. Je n'ai par contre guère été enthousiasmé par le petit salon Révélation, dédié cette année à la Foto povera, pourtant un de mes sujets de prédilection, mais guère inspirant ici. Par contre, au Comptoir Général qui hébergeait ce salon, je suis resté longtemps devant ce cabinet de curiosité de Maissa Toulet, étrange et fascinant.* Je dois préciser que j'étais membre du jury.
Photos de l'auteur sur les stands, excepté Fabien de Chavanes, courtoisie de l'artiste.